‘’Si on ne fait pas attention, cela va bientôt exploser’’

Beaucoup de directives strictes ont été données, hier, par le ministre de la Santé, lors de sa réunion d’urgence avec le gouverneur de la région de Dakar, les maires et les médecins-chefs de district et de région.
Les cas issus de la transmission communautaire constituent une hantise pour le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Pour mettre fin à leur accroissement, Abdoulaye Diouf Sarr a convoqué, hier, une réunion d’urgence avec le gouverneur de la région de Dakar, les médecins-chefs de district et de région, et les maires des différentes communes. Au cours de la rencontre, il a soutenu que la région de Dakar est endémique.
‘’La situation a fondamentalement changé. On aura une autre séance d’analyse des données. Parce que les données que nous avons ici ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Il y a des éléments de prospective que nous n’avons pas ici. Des données en termes de prospective : où est-ce qu’on va, combien de nombre de morts on aura ? Dans ces perspectives-là, nous verrons est-ce qu’il faut envisager ensemble, en tant que maires, d’avoir un cimetière commun pour ces morts-là, puisqu’on va jusque-là dans l’analyse’’, souligne Abdoulaye Diouf Sarr.
Parce que pour lui, il faut le reconnaitre : ‘’Nous ne sommes que dans des logiques où le ministre de la Santé vient dire qu’on a testé 257 personnes. Dans les 257 personnes, il y a 7 positifs, il y a quelques guéris. Finalement, la banalisation journalière-là nous empêche de voir un véritable risque qui est là devant nous. Je vous dois la vérité et la vérité c’est : si on ne fait pas attention à ces cas communautaires, cela va bientôt exploser. Il y a des scientifiques et des données épidémiologiques qui dessinent une perspective. On aura un groupe restreint pour apprécier autrement la situation. Nous vous donnons toutes ces informations, parce que, vous comme nous, sommes responsables de nos communes’’, explique le ministre aux maires.
‘’Les données ne sont pas celles des districts, ni de la région ; il faut les remonter rapidement’’
Par ailleurs, il a informé le gouverneur de la région de Dakar qu’ils ont noté les risques liés aux rassemblements sur la gestion des cas. ‘’Je suis persuadé que vous allez en tenir compte. C’est un risque réel. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Je suis persuadé que des adaptations à cet effet vont être conduites’’, a lancé M. Diouf Sarr.
Aux médecins-chefs de district et de région, la tutelle se veut claire. Selon lui, le dispositif opérationnel de terrain ne travaille pas pour lui-même. ‘’Il est important de le noter : le dispositif opérationnel de terrain n’a pas de données. Les données ne sont pas celles des districts, ni de la région. Ce sont les données du dispositif national de gestion des épidémies. Il faut savoir qu’on doit les remonter rapidement. Parce que si on ne les remonte pas rapidement, on ne va pas pouvoir faire des analyses stratégiques pour prendre des décisions. Il faut tout rapidement remonter au CNGE’’, émet le ministre.
Il ajoute : ‘’Moi-même, je remonte tout au président de la République et les décisions se font. Chaque jour, à minuit-1 h du matin, je dois parler à l’autorité, lui donner des informations sur la base des informations précises. Donc, renvoyer très rapidement la balle dans le camp de qui doit la jouer, ainsi de suite. Il faut toujours savoir que nous sommes dans un match ; quand vous avez la balle, tournez-vous vers quelqu’un d’autre pour qu’il la prenne et la mette dans les filets. Ça, c’est important’’, clarifie Diouf Sarr.
Le ministre est d’autant plus pressant que ce problème, dit-il, n’est pas une affaire d’un mois ou deux. Elle est, dit-il, extrêmement sérieuse. ‘’A Touba, souligne-t-il, nous croyions avoir sorti la Covid-19 de la ville. Mais les cas communautaires de ces derniers jours sont revenus. Donc, on est obligé de retourner dans les collectivités pour reprendre le travail’’.
Pour lui, cela veut dire peut-être que ‘’c’est du yo-yo la Covid’’. Parce que, dit-il, on a l’impression qu’il est parti et il revient. ‘’C’est un travail d’endurance. Nous comptons donc énormément sur vous. Dans ma communication d’hier, j’ai insisté sur le port systématique du masque. Je crois qu’aujourd’hui, nous sommes convaincus qu’il faut cela. Il y a un travail de normalisation qui a presque abouti’’.
20 000 000 de masques en fabrication au Sénégal
A l’en croire, ses services ont validé des masques avec certaines normes, sur la base de la Société sénégalaise de normalisation. ‘’On sait effectivement comment faire des masques. Il est important que les initiatives locales s’inspirent de cette norme pour qu’on puisse avoir, pour chaque localité, une pépinière de tailleurs qui vont faire ces masques. Bien sûr, cela ne nous empêche pas toujours à importer et apporter les masques. Mais l’initiative locale permet de régler les problèmes des zones de rassemblement comme les marchés et les zones de travail’’, relève le ministre. Sur ce, il invite le gouverneur à prendre une décision pour rendre obligatoire la chose. ‘’Quand on légifère, les gens sont obligés de suivre et pas l’inverse. Nous ne sommes pas dans des sociétés où la conscience collective vient après, non. Dans nos sociétés, il faut avoir la lucidité de reconnaitre que, souvent, quand on dit que c’est comme ça, les gens vont trouver des solutions pour s’adapter à la loi. Il faut recommander le port systématique des masques. Je pense qu’il faut encore plonger pour dire que le masque est obligatoire. A partir de ce moment, on va s’adapter pour trouver les masques, soit de l’initiative locale ou de l’importation’’, dit-il.
En outre, il informe que le gouvernement a pris toutes les dispositions pour réaliser au Sénégal 20 000 000 de masques. ‘’Nous sommes en train de dérouler cela. Nous avons 20 machines qui tournent tous les jours pour produire des masques. A l’instar des vaccins, désormais, dans le budget, chaque année, nous allons positionner un montant important pour mettre à la disposition de la Direction de la prévention un stock de masques annuel. Il faut absolument travailler sur l’hypothèse d’avoir une épidémie toutes les 5 ans. Parce que si on ne tue pas le virus, il va se cacher quelque part pour revenir sous une autre forme après. Donc, il faut qu’on se prépare pour vivre un cycle de cette nature’’.
A l’en croire, dans les stratégies de prévention du gouvernement, ils seront dans une dynamique d’avoir un stock de masques. En même temps, ils vont demander que les industries entrent dans ce marché. ‘’Le Sénégal doit être prêt, de ce point de vue. Mon collègue de l’Industrie est en train d’organiser sur la plateforme de Diamniadio les industries de fabrication de masques. Nous allons recevoir un don de masques 5000. J’ai pris l’initiative de l’offrir aux communes qui ont des cas communautaires. Au début, on évitait la stigmatisation, mais on s’est dit qu’on doit être plus transparent avec vous. Nous allons donner plus de précisions, en gardant le secret médical’’, reconnait Diouf Sarr.
‘’Il nous faut prendre des mesures plus contraignantes et beaucoup plus restrictives’’
Abdoulaye Diouf Sarr souligne qu’avec les téléphones mobiles, on peut retracer le circuit des cas, même communautaires, grâce à son numéro. Ils peuvent savoir également où est-ce qu’il a contracté sa maladie et en ce moment-là, prendre toutes les personnes qu’il a contactées dans cette période. ‘’On a déjà testé avec le cas de Louga. On sait de manière sûre que le cas de Louga a pris sa maladie à Pikine. Nous devons généraliser cela et essayer d’avoir une meilleure maitrise, plus précise, à partir des nouvelles NTIC, notamment avec le téléphone. Cela nécessite une rencontre avec la Commission des données personnelles. Il y a un encadrement juridique et judiciaire à faire sur le plan administratif. Mais cela, on l’utilise le temps de la crise, parce que la crise est telle que nous ne pouvons pas économiser certains moyens sous prétexte de garantir les libertés. Il s’agit de protéger les Sénégalais’’, prévient Diouf Sarr.
Tour d’horizon
Pour le gouverneur de la région de Dakar, Al Hassane Sall, cette séance leur a permis de faire un tour d’horizon des mesures déjà prises, des difficultés notées, mais surtout faire une évaluation de cette recrudescence des cas communautaires enregistrés dans la région de Dakar.
Selon lui, le nombre tourne autour de 22 cas pour la région. Cela nécessite une certaine réorganisation de la riposte, en la rendant beaucoup plus efficace et en l’adaptant à la nouvelle situation. ‘’Nous avons 10 cas communautaire ; il faut que cela soit une réponse communautaire. La première des mesures est de faire en sorte que la communauté prenne en charge cette question. Il nous faut, dans le cadre de la riposte, monter d’un pallier qui est de prendre d’autres mesures beaucoup plus contraignantes et beaucoup plus restrictives, et de faire en sorte que le port du masque soit systématisé, ne serait-ce que dans certains lieux. Nous allons aussi renforcer le dispositif de surveillance des lieux publics, rendre encore beaucoup plus efficientes les rondes et patrouilles dans le cadre du respect du couvre-feu. Nous allons également faire en sorte que la distribution de l’aide alimentaire ne soit pas un motif pour créer des rassemblements’’, déclare M. Sall.
Selon lui, depuis 3 jours, ils redoublent d’efforts en renforçant les effectifs, en intensifiant les contrôles et en réprimant autant que possible les fauteurs de troubles. Nous avons mis en fourrière, dit-il, plus de 200 véhicules de transport en commun, actuellement à Dakar. ‘’Maintenant, nous travaillons avec les techniciens du ministère des Infrastructures pour qu’ensemble, nous voyons comment renforcer les capacités, les aptitudes et les moyens des forces de défense et de sécurité pour que ce travail porte ses fruits’’.
VIVIANE DIATTA