Publié le 27 Jan 2023 - 19:19
AFFAIRE SWEET BEAUTÉ

La réplique de Bassirou Guèye à Sonko 

 

Serigne Bassirou Gueye est sorti de son mutisme, hier, dans l'affaire Sweet Beauté. Il réfute les accusations d’Ousmane Sonko, estimant que ce dernier est incohérent.

 

Depuis le début du dossier opposant Adji Sarr à Ousmane Sonko, ce denier accuse Serigne Bassirou Guèye d'avoir falsifié le rapport d'enquête de la gendarmerie. L'ex- procureur de la République Serigne Bassirou Guèye est sorti de son mutisme, hier.

Il faut d'abord souligner que dans l'affaire Sweet Beauté, le leader de Pastef lui reproche trois choses. Au moment de l'enquête préliminaire, il a dit que M. Guèye a voulu l'arrêté. Il a soutenu que ce dernier a enlevé des éléments à décharge le concernant et introduit des pièces qui n'en faisaient pas partie, uniquement pour le charger.

''Sur ces trois points, j'ai démontré qu'il s'agit d'affirmations fausses'', se défend l'ex-procureur. D'emblée, Serigne Bassirou Guèye note qu'il est impossible d'arrêter un député, lorsqu'il est poursuivi à la gendarmerie. Il renseigne qu'il n'y a que deux voies de procédure qui s'offrent.

''Si on voulait l'arrêter, ça aurait été très simple''

Pour la première voie, c'est de dire que le crime est flagrant, pour pouvoir l'arrêter. La seconde, c'est d'indiquer qu'il s'agit d’une enquête préliminaire. En ce moment-là, l'article 112 interdit au procureur de procéder à l'arrestation, sous peine de sanctions. ''Pour ces deux voies de procédure, je lui ai donné toutes ses chances, en choisissant le préliminaire. Une fois l'ayant choisi, je me trouve dans l'impossibilité juridique d'arrêter Ousmane Sonko'', explique M. Guèye, qui ne croit pas d'ailleurs à l'existence d'une enquête interne de la gendarmerie.

''À supposer même que je veuille l'arrêter, comment aurait-il fait pour s'échapper (s'en sortir, NDLR) au moment où personne ne s'intéressait au dossier ? Où lui-même n'était pas sorti pour parler aux Sénégalais. Ce monde-là qui grouille aujourd'hui n'était pas au courant. Si on voulait l'arrêter, ça aurait été très simple. C'est la preuve que ce qu'il dit est totalement faux'', poursuit-il.

Ainsi, Serigne Bassirou Guèye pense que Sonko a confirmé ses thèses. ‘’Il a dit que j'ai mis la pression aux gendarmes pour qu'ils me communiquent rapidement le procès-verbal. En droit, ça veut dire que je ne suis plus libre dans l'arrestation. Je suis obligé de demander à l'Assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire. Une première voie que je n'ai pas utilisée'', martèle celui qui a donné le dossier au juge d'instruction. ''Pendant deux ans, il dit que je suis dans le complot. Heureusement qu'il n'a pas dit que j'étais venu roder aux alentours du Sweet Beauté, qu'il n'a pas dit que c'est moi qui l'ai conduit là-bas. Donc, il dit : quand ce qu'on lui reproche s'est réalisé ou pas au moment de l'enquête, j'ai voulu l'arrêter. Ça n'a pas de sens'', raille le nouveau président de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac).

Enlèvement de preuves

Revenant sur le deuxième point où Ousmane Sonko parle d’enlèvement d'éléments qui le déchargent, Serigne Bassirou Guèye réfute : ''On n’a rien enlevé qui le charge. Et on a rien mis qui le charge.'' Le magistrat de poursuivre : ''Les éléments qu'il dit que j'ai enlevés, c'est la réflexion du gendarme. Ce dernier, quand il a fini de faire son enquête, a noté qu'il y a un certain nombre de contradictions. Ce ne sont pas des faits. Ce ne sont ni des charges ni des preuves'', dit-il.

D'après M. Guèye, si des réflexions de gendarme pouvaient disculper Ousmane Sonko, ce serait grave. ''Parce que le gendarme a sorti trois choses où se base Ousmane Sonko pour dire qu'il est disculpé. Mais le gendarme a aussi sorti six points contradictoires qui chargent Ousmane Sonko''.

''Il devait commencer par la Chambre d'accusation''

Poursuivant, Serigne Bassirou dit ne pas comprendre pourquoi Sonko a choisi une voie très longue pour s’attaquer aux faits qui lui sont reprochés. ''Il dit qu'il y a un PV nul. Il devait commencer par la Chambre d'accusation pour que cette dernière réclame immédiatement le dossier d'information du juge d'instruction. En cinq jours, on pouvait savoir si Ousmane Sonko a dit vrai ou non'', explique M. Guèye. ‘’Et s'il dit vrai aux yeux de la Chambre d'accusation, la procédure est annulée. Et si la chambre estime que Sonko n'a pas raison, elle peut faire un contrôle de toute la procédure. Si elle voit une seule cause de nullité, même si Sonko ne l'a pas soulevée, elle est obligée d'annuler toute la procédure ou l'acte entaché de nullité. Au lieu de faire ça, il a emprunté un chemin très sinueux d'une plainte contre un magistrat et un procureur qui n'a fait que son travail devant la Cour suprême’’, enchaîne l'ex-procureur.

En effet, avec la voie choisie par Ousmane Sonko, si on lui avait donné raison, M. Guèye serait sanctionné, sans que la procédure ne soit stoppée. A moins qu’Ousmane Sonko prenne le résultat de ces audiences et le porte à la Chambre d'accusation qu'il aurait dû suivre depuis, selon M. Guèye. ''Ça montre qu'il n'a pas été assisté par des sachants. C'est lui-même qui a signé et pas ses avocats. Je peux comprendre. Il n'ose pas aller à la Chambre d'accusation. S'il est seul, personne ne va accepter cette voie de procédure qui est perdue d'avance. Quand il disait que je voulais l'arrêter, personne ne l'a soutenu. C'est de la politique'', croit savoir Serigne Bassirou Guèye.

''Il a fait de la communication politique, en oubliant qu'il s'adressait à un père de famille, un magistrat de 24 ans de fonctions. C'est ce magistrat qu'il attaque, en utilisant comme argument principal une enquête de la gendarmerie dans laquelle le procureur n'a pas été entendu. Ironie du sort, le général Moussa Fall, avec qui je suis pointé du doigt, n'a pas été entendu. Même si ce rapport était bon, il ne dit pas la vérité'', regrette Serigne Bassirou Guèye.

D'après lui, dans ce rapport, il est montré que le commandant Mbengue n'épouse pas les contours de la déclaration du capitaine Touré, le seul à l'avoir attaqué sur ce point.

Ainsi, le patron de l’Ofnac lance un défi à Ousmane Sonko, celui de sortir deux documents. Le premier, c'est le rapport interne de la gendarmerie. Le deuxième document est celui que le leader du Pastef dit être à son avantage. ''Je prends l'engagement devant vous que s'il sort ce document, vous allez voir que le PV qu'il conteste est de loin sur ce point plus clément que son PV qu'il soulève'', prévient Serigne Bassirou Guèye. 

SERIGNE BASSIROU GUEYE À OUSMANE SONKO

''Cette fois-ci, j'ai cédé à la pression de gens''

La propriétaire du Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, n'est pas poursuivie pour des faits de proxénétisme, mais pour incitation à la débauche. ''Ce qu’Ousmane Sonko a dit sur Sidy Ahmed Mbaye et sur les photos me gêne. Parce que cela montre son état psychologique un peu affaibli. Ce qui est triste, c'est quand il dit que j'ai mis les photos pour charger Ndèye Khady Ndiaye de proxénétisme. Du début de la procédure à sa fin, l'infraction de proxénétisme n'a jamais été utilisée'', explique l’ex-procureur Serigne Bassirou Guèye.

''Comment puis-je charger Ndèye Khady Ndiaye de proxénétisme, alors que je ne la poursuis pas pour proxénétisme. Cela montre qu’Ousmane Sonko ne connaît même pas son dossier. Le dossier ne l'intéresse pas. C'est la politique qui l'intéresse. Et c'est l'accusation facile qui l'intéresse, en espérant que Serigne Bassirou Guèye ne va jamais répliquer aux insultes qu'on lui adresse. Mais cette fois-ci, j'ai cédé à la pression de gens'', poursuit-il.

 En effet, Ousmane Sonko dit qu'en voulant charger Ndèye Khady Ndiaye de proxénétisme, c'est pour l'atteindre. Mais si la patronne du salon de massage était accusée de proxénétisme, cela veut dire qu’Adji Sarr serait une femme qui s'adonne à la prostitution et Ousmane Sonko un client. Ainsi, le leader du Pastef allait sortir de la procédure. En pareil cas, il ne pourrait être poursuivi pour viol.

''Je n'ai jamais essayé d'atteindre Ousmane Sonko par cette voie. Les photos n'ont rien à avoir avec lui. S'il pensait que ces photos le chargent, il n'a qu'à dormir tranquille. Il est poursuivi pour viol. Des photos, d'une certaine manière, ne peuvent constituer des menaces de mort'', indique Serigne Bassirou Guèye.


La réponse de Pastef

Les cadres du Pastef ont fait face à la presse, hier, pour répondre à l’ancien procureur de la République Serigne Bassirou Guèye. ‘’On a vu aujourd’hui  que Serigne Bassirou Guèye est tourmenté. Il n’a pas la conscience tranquille. Il a fait preuve d’excès de zèle dans le dossier Adji Sarr’’, a dit Bassirou Diomaye Faye. D’après lui, M. Guèye, en tant que procureur, a reçu plusieurs dossiers sans jamais faire le travail attendu de lui. C’est le cas des dossiers Mamour Diallo accusé d’un détournement de 94 milliards F CFA et le meurtre de Mariama Sagna, se désole Bassirou Diomaye Faye.

‘’Il a dit plusieurs fois qu’il n’était  pas là pour charger quiconque, mais c’est le contraire’’, a-t-il ajouté. Pour lui, l’ex-procureur a essayé de décrédibiliser certains, dont l’ex-capitaine Touré et tous ceux qui ont dit des choses contre lui dans une enquête commanditée par la gendarmerie. ‘’Il ne fait que préparer l’opinion en attendant la sortie du rapport, en disant que ce dernier n’existe peut-être pas ou que s’il existe, n’a pas d’importance.  Ce n’est pas Ousmane Sonko qui l’accuse d’avoir falsifié le PV d’enquête préliminaire de la gendarmerie. Il n’a pas le pouvoir de déclencher une enquête interne au sein de la gendarmerie. Il y a eu un rapport d’enquête et il ne pensait pas que cela se retrouverait sur la place publique’’, dit-il.

En effet, Bassirou Diomaye Faye parle d’un rapport d’enquête sur la falsification ou non du PV de l’enquête préliminaire. Même s’il a essayé de nier toute responsabilité dans cette affaire, il n’a fait que s’enfoncer, d’après M. Faye. ‘’Il reconnaît avoir fait des remarques dans le PV, c’est de la falsification. Ce n’est pas Serigne Bassirou Guèye qui va déterminer la date de sortie de ce rapport. Mais je peux vous assurer que ce rapport le discrédite’’, déclare M. Faye. 

Par ailleurs, Serigne Bassirou Guèye a dit, au cours de sa conférence de presse, avoir noté six contradictions dans les dires d’Ousmane Sonko dans le PV de l’enquête préliminaire. ‘’Au cours de l’enquête préliminaire, la gendarmerie n’a pas auditionné Sonko. Donc, dans le PV, s’il y a des contradictions, elles ne peuvent venir que de la plaignante. Serigne Bassirou Guèye n’a jamais cité ces contradictions’’, souligne Bassirou Diomaye Faye. Aussi, s’il dit qu’il n’avait pas l’intention, au début de cette affaire, d’arrêter le leader du Pastef, les faits disent le contraire, d’après Bassirou Diomaye Faye. ‘’Les circonstances avant et pendant les premières auditions de Sonko en mars dernier, disent le contraire’’, indique-t-il. Il fait référence à plusieurs choses dont la non-levée de son immunité parlementaire.

BABACAR SY SEYE

 

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