Publié le 20 Nov 2018 - 02:46
BATTERIE DE REFORMES 2e PHASE PSE

Les promesses d’Amadou Ba au secteur privé

 

Rationalisation des bras financiers de l’Etat et révision des procédures de passation de marchés. Le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan (Mefp) a annoncé des réformes destinées à dissiper les appréhensions du secteur privé et à rendre plus fluide son intégration dans les projets structurants du Pse.

 

D’un côté, il y avait le secteur privé, moteur de la création de richesses et d’emplois, représenté par Babacar Ngom de la Sedima et le président de la Chambre de commerce de Kaolack, Serigne Mboup, entre autres chefs d’entreprises. De l’autre, l’argentier de l’Etat, Amadou Ba, qui devait répondre aux interrogations de ces ‘‘géants’’ du secteur privé sur la tendance de l’Etat à laisser la portion congrue aux entreprises nationales, dans les opérations du Plan Sénégal émergent (Pse). Si le ministre des Finances s’est montré diplomatique dans l’ensemble, ses réponses n’ont pas manqué de franchise. ‘‘Le Sénégal est un petit pays. L’Uemoa, c’est 150 millions d’habitants. Des champions, on ne les développe pas dans un espace de 15 ou 13 millions d’habitants. Donc, toute mesure susceptible de permettre au Sénégal de rayonner sur l’extérieur, et notamment sur son environnement immédiat, doit être renforcée. La première d’entre elles est de permettre aux autres de venir ici. Personne n’acceptera qu’on aille chez lui et qu’à l’inverse, le Sénégal ferme ses frontières. Les Usa ou la Chine peuvent se le permettre, actuellement. Mais je crois qu’il faut trouver d’autres mécanismes qui puissent permettre à nos entreprises d’être compétitives’’, a-t-il avancé.

Dans la soirée de vendredi dernier, l’Association sénégalaise des anciens élèves de l’Ena de France (Asena) a animé le débat entre le secteur privé national et l’Etat, en perspective de la réunion du Groupe consultatif de Paris, le 17 décembre prochain, pour le financement du 2e plan d’actions prioritaires du Pse (2019-2023). Le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan (Mefp) a dû calmer les appréhensions du privé national, alors que le thème concernait justement le bilan et les perspectives de ce dernier dans la première phase du Pse. Des études, en cours, ainsi que la mise en œuvre imminente d’une batterie de réformes sont promises aux entreprises pour que leur partition soit plus agréable à jouer.  Une rationalisation est promise dans la multitude des bras financiers de l’Etat, pour une plus grande lisibilité.

Les instruments tels que la Bnde, le Fonsis, le Fongip, la Bhs, le Crédit agricole, la Caisse des dépôts et consignation ne seront pas forcément fusionnés ou regroupés, mais ‘‘des études sont faites pour les rendre plus complémentaires’’, annonce M. Ba. ‘‘Nous travaillons pour qu’ils soient au service de l’Etat et du secteur privé. En les accordant davantage, je pense que vous aurez une première réponse à la question du financement. Nous savons que sur ce point, le secteur privé est très gêné. Malheureusement, nous avons beaucoup de contraintes dans l’espace Uemoa ; les prix du crédit sont assez élevés. Mais nous pensons qu’en rationnalisant ces bras financiers de l’Etat, il va être possible de donner beaucoup plus de capacités, beaucoup plus de ressources’’, promet-il. 

Les pouvoirs publics travaillent à réduire les délais d’attente très longs sur les procédures de passation de marchés. ‘‘Il faut qu’on tire les leçons de la mise en œuvre du Code du marché de 2004’’, estime-t-il pour constater quelles sont les avancées nécessaires qui devraient profiter au secteur privé.

Dans l’ensemble, le Mepf se réjouit que ce soit 6 606 milliards qui sont signés pour 273 conventions de financement jusque-là. ‘‘Une chose est d’avoir les annonces, une autre est d’avoir les accords signés, c’est-à-dire d’être dans la posture de décaisser. Ce sont des ressources pour lesquelles nos entreprises vont être bénéficiaires. Mais là, nous sommes dans le cadre de convention internationale où les appels d’offres sont ouverts. Donc, en parlant de réformes législatives et règlementaires pouvant permettre au secteur privé national de se positionner dans ses opportunités. C’est important. Jusqu’à présent, on a certainement subi, mais aujourd’hui on va travailler pour vous donner toutes les chances de participer à la consommation de ces ressources’’, a promis Amadou Ba.

Babacar Ngom, Sedima : ‘‘Trump nous a décomplexés’’

Le secteur privé national est invité à la revue annuelle conjointe prévue dans le courant de cette semaine et qui devrait être également un prélude à la divulgation des attentes du 2e Plan d’actions prioritaires du Pse. Le Mefp a tenu à préciser que les pouvoirs publics ne pouvaient être les seuls concernés. ‘‘Il faut aussi accepter de partager nos parts de responsabilités. L’Etat a soutenu le développement extérieur d’Orange. Donc, nous soutenons nos champions. Tout n’incombe pas à l’Etat, non plus. On ne peut pas tout attendre de lui’’, a-t-il dit aux acteurs du secteur privé.

Après avoir obtenu des avances de 3 729 milliards de francs Cfa en 2014, alors qu’il en recherchait 1 853, le Mefp est confiant. Des annonces de réformes et des assurances qui n’ont pas totalement balayé les interrogations et revendications du privé national. Les chefs d’entreprises comprennent peu ou prou leur mise à l’écart dans ces projets structurants. Prenant exemple sur les pays qui l’ont marqué par leurs performances économiques, Babacar Ngom, Pdg du groupe Sedima, affirme que le Maroc, le Qatar et le Rwanda ont en commun la conduite de politiques basées sur le patriotisme économique. ‘‘On ne peut plus continuer à souffrir de ne pas parler de patriotisme économique. Trump nous a décomplexés. Il y a des secteurs stratégiques à protéger. Dans tous les pays, il y a des secteurs qu’on ne peut pas confier à un étranger’’, a-t-il avancé, après que le Mefp s’est libéré du présidium pour répondre à d’autres obligations. ‘‘Tout le monde le fait. Pourquoi pas nous ?’’, s’est-il interrogé, avant de pointer le curseur sur une menace que la facilitation des investissements étrangers a induite.

‘‘Faisons attention au foncier. Probablement 10 % de notre territoire ne nous appartient plus. On sait tous que le titre foncier donne tous les droits et la tendance est de plus en plus à l’achat de milliers d’hectares’’. Malgré les chiffres encourageants du Mefp, qui avance qu’avec le Pse, 2018 va être la 5e année consécutive où le Sénégal va aligner une croissance supérieure à 6 % et que l’investissement s’est inscrit sur une tendance haussière, avec une croissance moyenne de 7,6 % entre 2014 et 2018, Babacar Ngom reste plutôt dubitatif.

Même la place du Sénégal sur le classement du Doing Business ne trouve pas grâce à ses yeux. ‘‘Une place de gagnée, c’est bien. Mais le Rwanda, qui a connu une guerre civile, est passé de la 140e à la 41e place, en quelques années. Faisons le benchmarking pour essayer de faire ce qu’ils ont fait. On en a les moyens. Nous pouvons intégrer le top 100, à défaut du top 50’’, a-t-il avancé.

OUSMANE LAYE DIOP

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