Petits métiers, business florissant

A l’occasion de la 121ème édition du grand Magal de Touba, EnQuête a fait un focus sur les petits métiers. Cireurs de chaussures, charretiers, vendeurs de lunettes, de fruits et de perles ont profité de l’événement pour se refaire une santé financière.
Chaque année, le grand Magal de Touba draine des millions pèlerins venus d’horizons divers. L’édition de cette année, la 121ème, n’a pas dérogé à la règle. Les fidèles mourides sont venus rendre grâce à Allah comme le recommande le fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Mais le Magal n’a pas uniquement cette dimension religieuse. Il a un volet économique pas du tout négligeable. Il est une occasion pour bon nombre de Sénégalais et même d’Africains de la sous-région d’exercer un business florissant. Malgré les apparences, ce que l’on considère souvent comme de petits métiers génèrent beaucoup de ressources pour ceux qui s’y activent. C’est le cas de ce jeune cireur de chaussures. ‘’Il arrive que je me retrouve avec 20 000 ou 30 000 F CFA par jour durant tout le temps que dure le Magal de Touba’’, soutient Modou Faye.
Ce jeune sérère originaire de Fandène, localité située dans la région de Thiès, vit pourtant à Dakar dans la capitale sénégalaise. Mais depuis plus de 10 ans, il ne rate aucune édition du grand Magal pour venir faire son business à Touba. ‘’Le Magal de Touba est un évènement qui nous arrange beaucoup. Parce qu’il nous permet de faire des affaires et des bénéfices. Même si, dans le contexte actuel, les affaires ne marchent pas aussi bien qu’auparavant, nous nous en sortons tout de même avec des bénéfices et des chiffres d’affaires qui peuvent vous surprendre’’, confie-t-il.
A côté de son étal, Mouhamed Diallo prend quelques moments de pause. Sous un arbre, il discute, allongé sur le côté, avec un de ses amis. Devant lui, sur une natte, se trouvent les chaussures qu’il vend. De fabrication locale, ces chaussures coûtent entre 2000 et 5000 F CFA. Mais à ce moment de la journée, les clients se font rares. ‘’Je n’ai pas encore vendu beaucoup de chaussures. Mais je ne me plains pas pour le moment. Les clients vont bientôt venir’’, confie-t-il d’un air taquin. Le jeune homme, trentenaire sûrement, est pourtant polygame et père de cinq enfants. Sa famille, laissée dans son Fouta natal, compte beaucoup sur lui pour survivre. ‘’Je nourris ma famille grâce aux bénéfices que je tire de ce commerce et Dieu sait qu’elle ne manque de rien. Je m’occupe bien de mes femmes et de mes enfants avec ce que je gagne’’, assure-t-il.
‘’Cela me prend deux jours pour arriver à Touba’’
Sur le chemin qui mène à la grande mosquée de Touba, il est quasiment impossible de circuler. La circulation, perturbée par le rush des fidèles mourides et autres pèlerins, devient infernale dans presque toutes les grandes artères de la ville. Des embouteillages énormes contraignent souvent certains automobilistes à faire des détours pour prendre d’autres voies de contournement. Au même moment, les marchands tabliers occupent les trottoirs et obligent les piétons à circuler sur la chaussée avec tous les dangers que cela comporte. Mais ce désordre fait pourtant l’affaire des charretiers.
Ces derniers, par des voies de contournement, desservent certains quartiers périphériques et la grande mosquée, lieu de convergence de tous les fidèles mourides. Ils facturent souvent les passagers selon la distance du trajet. ‘’Nos prix varient entre 100 et 200F. Il peut arriver parfois qu’on loue la charrette. Dans ce cas, il faut débourser au minimum 5000F’’, renseigne Fallou Diouf. Ce jeune homme originaire du Saloum exerce dans la capitale sénégalaise. Comme chaque veille de Magal, il conduit sa charrette de Dakar à Touba pour y mener son business. ‘’Cela me prend deux jours pour venir jusqu’à Touba. J’ai l’habitude de faire ce trajet, depuis des années’’, souligne-t-il. Ce business, selon Fallou Diouf, est fructueux malgré les apparences. ‘’Je peux me retrouver le soir avec au minimum 15 000F de bénéfices. Parfois, cela dépasse largement cette somme’’, confie-t-il.
Avec l’arrivée massive des pèlerins, la capitale du Mouridisme refuse du monde. Les mouvements incessants des passants soulèvent une poussière qui est quasiment irrespirable pour certains. Ils sont souvent obligés de porter des masques pour se protéger de certaines maladies respiratoires, et des lunettes pour mettre les yeux à l’abri de toute infection. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont senti l’affaire et investi dans la revente de masques et de lunettes.
‘’Les affaires marchent bien pour nous les vendeurs de masques’’, déclare Elimane Ndiaye, originaire de Louga. Mais son camarade d’à côté considère que cette situation fait plus l’affaire des vendeurs de lunettes. ‘’Je vends beaucoup de lunettes dans la journée. Certains les achètent pour se protéger de la poussière, tandis que d’autres le font pour des raisons esthétiques. Les prix de ces lunettes varient entre 500 et 1 500F et celles que l’on vend à 500F nous reviennent à 300F l’unité. Donc, sur chaque lunette vendue, on a au moins 200F de bénéfice’’, dit-il.
Petits métiers en apparence, cireurs et vendeurs de chaussures, charretiers, vendeurs de masques et de lunettes arrivent tout de même à tirer leur épingle du jeu. Comme quoi dans la vie, il n’y a pas de sot métier.
ASSANE MBAYE