Publié le 30 Mar 2021 - 02:56
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

Les Locales de 2022, “un piège’’ de Macky Sall ?

 

Tous les observateurs et les protagonistes de la vie politique sénégalaise le subodoraient : le report des élections locales, une fois de plus, est en vue d’être acté. Le Conseil des ministres du 24 mars a adopté le projet de loi qui y conduira, dès lors que l’Assemblée nationale aura joué sa partition de vote. Le mandat des conseillers départementaux et municipaux est de fait prorogé.

Il n’est pas inutile de souligner, ici, que ceux-ci sont tous de la majorité. Ce qui nourrit la défiance et la réprobation de l’opposition à l’égard de ce nouveau report que le pouvoir justifie, entre autres, par le dialogue national encore en cours et qui intègre l’évaluation du processus électoral et l’audit du fichier qui a seulement démarré au mois de février.

 L’argument de la majorité semble, a priori, inattaquable : l’évaluation du processus électoral ne pourra démarrer qu’au début du mois d’avril et il faudra, techniquement, onze mois pour l’achever et pour prétendre organiser les Locales.

Seulement que, ce qui aurait eu l’air d’un déplaisant poisson d’avril, s’il ne s’était agi d’une question sérieuse en pleine crise politique, n’est pas du goût de l’opposition qui y voit un nouvel acte des confrontations qui se jouent depuis le début du mois de février. Le M2D, coalition d’opposants et de membres de la société civile, parle d’’’un acte qui ne va pas dans le sens de l’apaisement’’, embouchant la même trompette de dénonciation que le FRN quelques heures plus tôt.

D’ailleurs, en allant plus loin dans la défiance, le M2D a clairement signifié que ‘’le report des élections est une ruse de Macky Sall’’, sans avoir pu définir ce qui était en amont de cette stratégie de ‘’ruse’’.

Ruse, oui. Mais en quoi ? Quand bien même, l’opposition évoque le ‘’couplage’’ des élections comme une éventualité qui la défavoriserait, elle a là aussi du mal à expliquer en quoi. Mais la majorité a d’ores et déjà écarté toute possibilité de couplage, se limitant à des arguments purement techniques pour justifier ce nouveau report des élections locales.

Il n’est pas tout à fait absurde de penser, plutôt, que les velléités d’alliance entre le PDS et le Pastef, murmurées dans le cadre des prochaines locales, constituent l’un des moteurs de l’empressement de l’opposition à voir se dérouler au plus tôt lesdites consultations. Le Pastef étant, par la force des événements, devenu la locomotive incontournable d’une opposition quasi-inexistante au pouvoir de Macky Sall. L’on sait, dans les états-majors de cette opposition formatée au forceps des événements de février, qu’une telle alliance fragiliserait considérablement la majorité présidentielle BBY. Il faut donc y aller vite !

Alors, de voir que l’organisation de ces consultations a du plomb dans l’aile, alimente une suspicion plus paranoïde que justifiée. Aller vite avant que des contingences imprévues ne viennent rendre la chose impossible et redonnent, à Macky Sall, par les caprices de l’histoire, un allant qu’il a plutôt perdu ces dernières semaines.

Mais les vrais adversaires d’une telle alliance ne sont pas à chercher dans la majorité BBY, mais plutôt au sein du Pastef qui, depuis qu’il a le vent en poupe, regarde de haut tous les groupes ou groupuscules qui viennent se livrer aux traditionnels salamalecs d’avant conquête du pouvoir. Le Pastef a la victoire jalouse ; et il considère que les reculades du pouvoir en février sont de son seul mérite ; qu’il a, à lui seul su mobiliser toutes les rues du Sénégal et fait vaciller l’assurance arrogante du pouvoir en place. Dans une telle posture, l’on ne saurait venir à lui qu’en demandeur, et c’est précisément ce que fait le PDS qui a plus besoin du Pastef pour se requinquer que le Pastef n’a besoin de lui pour exister.

A moins, bien sûr, que ne surgisse un troisième larron de la dimension d’un Karim Wade, ce qui remettrait en question tous les calculs opérés jusque-là et rabattrait les cartes de 2024… pour le plus grand bien du PDS.

Voulant à tout prix voir une nouvelle ruse du pouvoir pour venir à bout de son opposition, celle-ci se réfugie derrière le champ lexical de la menace et de l’invective qui est un peu l’air du temps, mais qui ne favorise justement en rien l’apaisement qu’elle appelle pourtant à cor et à cri.

Le coordonnateur du Front démocratique et social de résistance nationale (FRN), Moctar Sourang, a déclaré : ‘’Face à l’absence de consensus sur la question, l’opposition tient à préciser que ce nième report, décidé ce jour, relève de la seule et unique responsabilité du pouvoir’’, avant d’indiquer que le gouvernement sera tenu pour responsable des conséquences d’une telle décision.

A ce niveau, il est important de rappeler que c’est la responsabilité de tous que les prochaines élections locales soient organisées dans les meilleures conditions possibles ; et que cela implique aussi des paramètres techniques. Que la précipitation en ces matières est presque toujours préjudiciable aux opérations et à leur crédibilité. Et que l’un des baromètres majeurs de la crédibilité d’une démocratie, est la transparence de ses élections. Tout le monde est d’accord là-dessus ? Sans doute !

Mais un peu moins de suspicion de part et d’autre, surtout en ces temps bouleversés ou le peuple désemparé et dépité cherche de nouveaux repères, il serait souhaitable que s’estompe la logique du conflit et que le souci de l’intérêt public redevienne le vrai motif de tout engagement politique.

 

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