Publié le 16 Jun 2020 - 23:29
DISTRIBUTION DE L’AIDE ALIMENTAIRE

L’autre facteur de propagation du virus 

 

Initiée pour atténuer les incidences de la propagation de la pandémie du coronavirus, l’aide alimentaire est en train de devenir une solution à problèmes. La distribution de ces kits draine des foules sans aucune protection, ni respect des mesures barrières. Au quartier populeux de Ouakam, très touché par la pandémie, l’opération de distribution de vivres lancée ce lundi par le ministre Mansour Faye, s’est faite dans une ambiance très propice   à la propagation de la pandémie.  Reportage !

 

Bébé au dos, le visage perlé de sueur, Noumbé Niang se faufile entre les différentes files d’entente pour trouver une place assise aux abords du mur de l’école Jean Mermoz de Ouakam. Il est midi passé. Explosée sous ce soleil de plomb de début d’hivernage, elle attend depuis 9 h son tour pour recevoir son kit alimentaire. Comme la majorité des personnes présentes sur le lieu, elle en a marre d’attendre. ‘’Je n’en peux plus. La chaleur est insupportable. On nous a convoqués à 8 h et la distribution devait se tenir vers 9 h. Mais il est midi passé et il n’y a personne. On nous demande d’attendre que le ministre sorte pour nous remettre nos dons. J’ai très peur de rentrer avec la maladie, c’est pourquoi j’ai porté mon masque de protection. Comme vous le remarquez, il est impossible de garder la distance requise pour la protection, parce qu’il y a trop de monde’’, regrette-t-elle.

 A côté d’elle, un groupe de femmes, n’en pouvant plus, ne cesse de se lamenter. La situation commence à devenir intenable. De petites querelles jaillissent de partout. Les nerfs sont très tendus et l’ambiance est morose. A ce moment de la journée, le soleil darde ses rayons sur la foule stoïque.

Devant la porte de l’institut privé Jean Mermoz contiguë à l’école primaire de Ouakam qui abrite la cérémonie de distribution, deux longues files indiennes de personnes démunies qui attendent, impatientes. Un groupe de jeunes, portant des tee-shirts avec effigie ‘’Volontaires contre la Covid-19’’, fait le tour avec des listes des bénéficiaires pour la vérification des identités. Aidés par quelques agents de la gendarmerie, ils essayent en vain de faire respecter la distance d’un mètre requise pour se protéger de la contamination de la Covid-19. L’endroit est bondé de monde. Impossible de faire respecter les mesures barrières, surtout la distanciation sociale. De même, il n’y a aucun dispositif de prévention. Ni pour le lavage des mains encore moins pour la prise de température. C’est le désordre qui prédomine.  Ici, tous déplorent une mauvaise organisation de l’opération ainsi que le retard accusé.

 ‘’Je suis ici depuis 9 h et j’attends toujours. Les jeunes volontaires changent les rangs à volonté et nous demandent à chaque fois de nous inscrire sur de nouvelles listes, mais rien. C’est le désordre total. Les gens sont entassés ici et ce n’est pas normal. Il est impossible de respecter la distance de protection demandée et beaucoup ne portent même pas de masque. On peut contracter facilement la maladie. On risque de rentrer et, au lieu du riz, de ramener la Covid-19 chez nos familles’’, s’inquiète Alassane Hanne, tout de blanc vêtu, la soixantaine révolue. Comme la plupart des bénéficiaires, il attend sous les rayons piquants du soleil son tour pour recevoir son aide.  

‘’L’organisation est très mauvaise’’

Non loin de là, mère Rokhya Niang, accompagnée de son petit-fils, patiente dans les longues files indiennes. Obèse, la taille moyenne, bien drapée dans un joli grand boubou voile mauve, la grand-mère qui peine à supporter la position debout, est assise à même le sol au milieu de la foule.  Elle est venue de la cité Avion de Ouakam pour prendre son aide. Comme tout le monde ici, elle regrette amèrement la situation.  ‘’Je suis ici depuis 10 h. La chaleur est insupportable, surtout pour le troisième âge. C’est trop difficile. Il fallait isoler les personnes âgées pour faciliter les rangs, car si tout le monde est mélangé, ça devient très difficile. Et le malheur est qu’on risque de rentrer avec la maladie. Or, en tant que personnes du troisième âge, on et très vulnérables face à la Covid-19. On pouvait vraiment éviter situation’’, estime-t-elle.

Sur certaines files d’attente, les nerfs sont plus tendus. Fatigue et stress se lisent sur tous les visages. Une situation difficile qui était pourtant évitable. ‘’L’organisation est très mauvaise. Si c’était fait au niveau des chefs de quartier, comme c’était le cas pour les ciblages, on pouvait éviter tout cet embouteillage. Si on convoque tous les quartiers pour recevoir en une seule journée, c’est évident que ça pose problème. Il y aura forcément des embouteillages. Si on avait procédé par quartier et que chaque chef de quartier convoque ses habitants bénéficiaires un à un, comme cela a été fait pour l’établissement lors du ciblage, on n’aurait jamais tout cet embouteillage. Le recensement s’était bien déroulé, mais la distribution est catastrophique. On ne peut même pas observer une distance de 10 cm, tellement il y a du monde. Les gens sont venus récupérer leur kit alimentaire, mais ils risquent de rentrer avec le virus’’, martèle Dora Dia, père de famille, tout furieux.

Une cérémonie aux allures d’un meeting politique

Pendant ce temps, à l’intérieur de l’école, l’ambiance est tout autre. L’on se croirait à un meeting politique. Le seul trait de ressemblance avec la situation du dehors, c’est le non-respect des mesures de protection contre la propagation de la maladie. Sinon, pour le reste, on dirait que ces deux évènements n’ont rien à voir. Ici, tout est aménagé pour mettre les invités du jour à l’aise. Deux tentes bien dressées dans la cour de l’établissement protègent les autorités de la chaleur suffocante qui sévit en cette période de la journée. Les trois Djaraf qui représentent ce village lébou sont élégamment drapés dans leur boubou traditionnel. À côté d’eux, le ministre Mansour Faye et le maire de Ouakam se réjouissent des remerciements et autres félicitations du cercle restreint choisi pour s’exprimer au nom de la population.

Sur le podium, les discours se succèdent et se ressemblent. Tous saluent l’initiative et félicitent le président de la République et son gouvernement. L’opération est présentée comme une grande réussite.  Contrairement à la situation tendue dehors, ici, l’on parle d’une démarche innovante pour faciliter la distribution de l’aide. Présentée par le maire de Ouakam Samba Bathily Diallo, l’innovation de la distribution des kits alimentaires à Ouakam tient à l’utilisation du numérique. A l’en croire, à Ouakam, la population n’a pas besoin de souffrir pour recevoir ses kits. La solution, c’est le numérique. Selon le maire (contrairement à ce que l’on remarque) tout est digitalisé pour éviter les rassemblements au niveau des points de distribution.

‘’Nous avons pris l’initiative de digitaliser la distribution de l’aide alimentaire, pour éviter les rassemblements. Sur 3 000 bénéficiaires que compte le village de Ouakam, 1 000 vont recevoir leur don aujourd’hui. Pour éviter les attroupements, nous avons mis en place une application mobile qui permet de convoquer les bénéficiaires qui ont déjà été recensés par ordre avec des intervalles de temps. Chaque bénéficiaire recevra un message qui lui indiquera l’heure précise qu’il doit venir recevoir son kit. Ce qui permet de respecter les mesures de protection et d’éviter les rassemblements’’, a expliqué fièrement le maire de la ville sous les applaudissements de populations présentes dans la cour et les félicitations chaleureuses du ministre.

Un discours en porte-à-faux avec la situation du dehors.

MANSOUR FAYE SUR L’ETAT DES LIEUX DE LA DISTRIBUTION DES VIVRES

‘’D’ici la fin de la semaine, nous allons atteindre 80 % de distribution’’

Lancée le 11 avril par le président de la République, l’opération de distribution de vivres au profit d’un million de ménages, dans le cadre des mesures prises par l’Etat afin d’atténuer les impacts économiques de la Covid-19, continue de susciter des polémiques.

En effet, après le transport pour son acheminent auprès des bénéficiaires, ce sont les listes des ayants droit qui avaient posé des problèmes. Et maintenant c’est au tour de la distribution de susciter la polémique. Pour cause, plus de 9 semaines après son lancement, beaucoup de populations démunies disent n’avoir pas reçu leur kit alimentaire.

Venu ce lundi présider le lancement de la distribution officielle de l’aide alimentaire pour la population du village lébou de Ouakam, le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale a fait le point sur l’état des lieux de la distribution. Mansour Faye a indiqué, à cet effet, qu’‘’à l’échelle nationale, sur les 552 communes que compte le Sénégal, 242 ont déjà bouclé leur processus de distribution et 223 sont en cours de distribution’’.

Selon toujours le maire de Saint-Louis, ‘’si le rythme se poursuit d’ici la fin de la semaine, la distribution sera effective à 80 %’’. 

Aussi, en ce qui concerne la région de Dakar, le beau-frère du président a indiqué que, sur les 52 communes que compte la capitale, 15 ont déjà démarré et 10 ont terminé le processus de distribution. Le ministre a, en outre, justifié le retard accusé dans l’opération par des problèmes de doublons et d’exclusion notés dans les listes des bénéficiaires. Il y a également la rupture de certaines denrées comme les pâtes alimentaires. ‘’Ouakam, c’est 6 973 bénéficiaires, registre unique plus extension réunis. C’est vrai qu’au niveau des registres, il y a beaucoup d’erreurs d’exclusion et d’inclusion. Nous allons procéder naturellement à la revalidation ou la mise en jour du registre pour rectifier les listes’’, a-t-il précisé. 

Avant d’ajouter : ‘’Cette opération de distribution de vivres est inédite. En effet, c’est 5 millions de kilos de riz. Ramener au repas par population, c’est 25 jours de repas à l’échelle nationale pour les 16 millions de Sénégalais. C’est à peu près un mois de repas. C’est énorme. C’est une opération d’envergure qu’on ne peut pas mesurer. Et en 9 semaines, depuis le lancement des opérations d’acheminement et de distribution, le 11 avril dernier, nous remarquons que toutes les parties prenantes ont abattu un travail titanesque pour sa réussite’’, s’est-il réjoui.  

ABBA BA

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