Publié le 14 Dec 2016 - 01:37

En politique les erreurs se paient cash

 

Nous le redoutions, nous le craignions même, tant c’était prévisible, et c’est arrivé : ce vendredi 9 décembre, le président Yahya Jammeh a décidé contre vents et marrées de se maintenir au pouvoir, en dépit de sa promesse fameuse selon laquelle il respecterait le verdict des urnes, même s’il était devancé d’une seule voix par son challenger. Mais nous faisons le pari que d’aucuns, y compris parmi les plus zélés d’entre les démocrates, accueilleront paradoxalement ce coup de force avec quelque brin de soulagement.

C’est que, s’il y avait jamais eu, dans le comportement et les multiples déclarations d’après-victoire du président élu Adama Barrow, un soupçon de lucidité et de maturité (politique) ; si, en même temps, celui-ci était parvenu à laisser transparaître, avec son attitude inconsidérément triomphante, qu’il avait compris que la paix et la stabilité de son pays, la Gambie, n’étaient jamais en l’occurrence que la continuation de la « guerre » par d’autres moyens ; et si, de surcroît, il avait pu concevoir que lui-même ne saurait jamais être un « diplomate éminemment productif » pour son pays et éventuellement pour les autres sans un Peuple gambien apaisé et une Gambie stable ; si tout cela donc entre autres était réuni chez Adama Barrow, à coup sûr, le président sortant Yahya Jammeh s’en serait allé, serein pour ainsi dire, avec certainement le sentiment du devoir accompli.

Au lieu de cela, le président nouvellement élu offrira plutôt au président vaincu le prétexte inouï, sinon la justification inespérée, ainsi que les conditions de se maintenir au pouvoir, coûte que coûte. Et tout cela, c'est-à-dire le dangereux amateurisme politique de Barrow conjugué à la filouterie non moins politique de Jammeh, de se produire bien évidemment ou fatalement dans le ventre mou du Sénégal, ou plus exactement à cause de la sempiternelle mollesse de son ventre.

En fait, Adama Barrow, homme d’affaires de son état, n’a pas compris, mais alors pas du tout, que le besoin légitime de changement, tel qu’exprimé dans les urnes par une majorité (certes relative mais une majorité quand même) d’électeurs gambiens (toutes ethnies confondues), n’a pas aboli – loin s’en faut ! – leur besoin tout aussi légitime de paix et de stabilité. Et ce n’est pas seulement une erreur que cette tare, mais une faute (politique) lourde. En cela, faut-il s’en souvenir, si la politique n’est pas un métier, elle reste un art voire une philosophie pratique. Mais un art ou une philosophie pratique manifestement méconnus par l’homme d’affaires.

Qui plus est, le président nouvellement élu s’est montré d’autant plus inutilement bavard (plus d’une vingtaine d’interviews accordées en moins d’une semaine à la presse nationale et internationale), depuis l’annonce de sa victoire aux dépens de Yahya Jammeh, que ses éphémères et circonstanciels silences sont apparus dangereusement assourdissants. Aux oreilles en tout cas de Jammeh et de ses divers souteneurs.

En tout état de cause, et nous tenons à le rappeler ici, opportunément et avec gravité, ce n’est pas seulement la stabilité de la Gambie et de la Guinée-Bissau, conjuguée à celle des autres pays concernés, qui peut garantir la paix durable dans la Sous-région ouest-africaine, mais aussi et surtout – nous en sommes persuadés ! – la résolution conséquente et définitive du problème sénégalo-bissauguinéo-gambien en Casamance. Sa prise en compte en tous les cas, notamment dans l’élaboration puis la mise en œuvre de toute « politique sous-régionale ».

Mieux, l’extinction définitive du conflit en Casamance est une condition nécessaire, quoique non-suffisante, non seulement de la stabilité de ces deux pays-frères, mais de leur entrée réelle et résolument irréversible dans l’univers de la démocratie et de l’Etat de droit.

Le méconnaître, c’est assurément passer à côté de quelque chose. Et en l’espèce, en ce qui concerne justement le président de la République nouvellement élu, Adama Barrow, c’est passer à côté de l’histoire.

Dakar, le 11 décembre 2016.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

 

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