Publié le 23 Jul 2021 - 17:27
FIN DE RESIDENCE ARTISTIQUE CHEZ JËNDALMA ART & DESIGN

De jeunes artistes marquent leurs premiers pas dans la création

 

Les artistes Le Bachart et Mikita étaient en résidence à Jëndalma Art & Design. A travers leurs œuvres, ces artistes interpellent leurs concitoyens et interrogent l’humanité. Une exposition sera bientôt organisée pour dévoiler les belles toiles réalisées dans ce cadre.

 

Après une résidence artistique clôturée le 25 juin dernier, Jëndalma Art & Design compte organiser, dans les jours à venir, une exposition pour dévoiler de belles productions. 

En effet, les artistes ont produit des œuvres de qualité. Celles-ci interpellent notre époque, poussent l’humain à méditer et à revoir les actes qu’il pose au quotidien pour un avenir meilleur et des relations plus humaines. 

Deux jeunes talents ont été choisis, parmi tant d’autres, suite à un appel à candidatures pour la résidence. Il s’agit de l'artiste Mikita, de son vrai nom Myriem Tenfich, et de l’artiste plasticien sorti des beaux-arts (promotion 2017), El Bachir Diouf dit ‘’Le Bachart’’. En deux mois et demi de résidence, chacun, dans son atelier respectif, a produit un certain nombre de tableaux sur la base d’un thème bien défini. Le premier nommé, Mikita, parle de la joie de vivre qu’elle a retrouvée à Dakar.

En effet, elle a quitté la France pour venir au Sénégal, en raison de la crise sanitaire qui est plus accablante dans son pays d’origine. Ainsi, dans son projet, elle prend plaisir à raconter son aventure. ‘’Tout ce que j’ai découvert au Sénégal (les gens, la culture) m'a donné une envie très forte de peindre. Parce que c’est un revirement de 180° (rires). Je venais d’un pays en crise où tout le monde est confiné à la maison. On ne fait rien, on attend’’, confie la jeune femme qui trouve la ville de Dakar ‘’très dynamique et colorée’’.

Ainsi, Mikita a présenté exclusivement des portraits de personnes qu’elle a croisées dans la capitale sénégalaise. ‘’Ceux sont des gens que j’ai rencontrés dans mon parcours, ici avant la résidence, qui m’ont donné envie de peindre’’, insiste-t-elle. Parmi elles, il y a notamment un guitariste de l’Orchestre Baobab qu’elle a vu en concert quand il y a eu la levée du couvre-feu. Elle l’avait pris en photo pour ensuite le peindre plus tard. Sur le tableau, l’on découvre le musicien en habit traditionnel multicolore, guitare électrique en bandoulière, et qui porte des baskets modernes. Cette représentation a donné la direction des autres tableaux. ‘’Je peins uniquement des gens que je rencontre, qui dégage une émotion. Même si je ne parle pas à la personne, il y a un partage qui se fait. Et j’ai envie de retranscrire ça sur le tableau’’, précise l’artiste. Elle peint différents types de personnes. Des hommes, des femmes et des enfants. Un de ses tableaux illustre une femme sénégalaise qu’elle a rencontrée à plusieurs reprises dans son quartier.

‘’A chaque fois que je la voyais, elle était vraiment très belle, avec de beaux habits que je n’ai pas l’habitude de voir : de grandes robes, des foulards, etc. Toujours très élégante. En fait, j’ai remarqué que les Sénégalaises sont très élégantes, très bien apprêtées’’, a dit Mikita. Elle a aussi pris ce personnage en photo, chez elle. Une photo que l’artiste-peintre a interprétée, réinventée en allant plus loin que ce que l’image elle-même montre. ‘’Je réinvente les couleurs et la mise en scène pour qu’au-delà de l’image, les gens puissent parvenir à sentir ce que je ressens en voyant cette personne’’, explique-t-elle.

Son duettiste, à cette résidence, Le Bachart, a élaboré un nouveau concept titré ‘’Wakh sa guiss’’ (dire ce que l’on voit). Avec un style particulier, il évoque de manière subtile différents thèmes de société. Dans ses œuvres, l’artiste dénonce notamment une société ‘’égoiste’’ où il y a ‘’la crise des valeurs’’. ‘’Manipulation’’ (du virus) est l’appellation de l’un de ses tableaux qui illustre que le malheur des uns fait le bonheur des autres. ‘’Nous sommes dans une période pandémique où beaucoup ont des difficultés. Malgré ces problèmes-là, certains en profitent pour se faire de l’argent. C’est partout dans le monde, particulièrement dans la société sénégalaise’’, a constaté avec regret l’artiste. ‘’Il y a des hôpitaux privés qui faisaient des tests Covid-19 sans autorisation.  Tout ça pour soutirer de l’argent aux populations’’, dit-il. Il a aussi donné l’exemple de la distribution du riz au Sénégal, évoquant la polémique née autour de cette aide alimentaire qui avait pour but d’assister les populations.

Un monde sous-marin

Dans son tableau, Le Bachart a transposé le monde dans lequel nous vivons dans l’environnement marin. Ainsi, les personnages qu’il a peints ont une tête de requin. Une manière de dénoncer ‘’l’esprit de poison’’ de certaines personnes. ‘’Les gens n’hésitent pas à ‘s’entre-bouffer’ comme des poissons’’, peste-t-il. Ses œuvres sont comme des scénarios ou des histoires. Il y a toujours un personnage principal. Le visage du requin, présent sur tous les tableaux, symbolise les puissants hommes qui détiennent le pouvoir et ‘’manipulent’’ le peuple. Mais aussi les méchants qui tuent et qui recouvrent la liberté.

Un autre tableau du Bachart qui impressionne est ‘’La guillotine’’. L’artiste souhaite que les ‘’méchants’’ soient ‘’guillotinés’’. ‘’Au moment où j’étais en plein travail, on a noté beaucoup de violences au Sénégal, surtout à Grand-Yoff. C’est ainsi que j’ai décidé de faire une œuvre qui traite de l’actualité et qui ne sort pas de mon concept’’, souligne-t-il.  ‘’Xel yi xatu niou, xol yi niou xat’’ (les routes ne sont pas étroites, c’est plutôt les gens qui sont méchants) est un autre cri du cœur. Un tableau qui mérite l’attention du public.

Dans cette troisième toile qui parle de la problématique de la mobilité dans le monde, surtout à Dakar, on y représente également des requins. ‘‘Il y a des requins dans les voitures ; c’est ceux qui bloquent la circulation’’, déplore El Bachir Diouf. Parmi les tableaux de cet artiste, il y en a un qui dénonce l’attentisme.

L’initiatrice de la résidence, Astou Sall, qui souhaite promouvoir les artistes d’Afrique et de sa diaspora, est revenue sur l'idée de la mise sur pied de son projet. Trouvée à la galerie sise aux Mamelles, à Ouakam, elle a parlé de l’importance d’encourager la jeune création. ‘’Ce qui m’a poussée à organiser les résidences, c’est que quand j’ai commencé à travailler ici au Sénégal, je me suis rendu compte que les gens - que ça soit les artisans ou les entrepreneurs - ont des idées, mais c’est au niveau de l’accompagnement que ça coince’’, dit-elle.

BABACAR SY SEYE

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