Vers une politisation du dossier

Quelle va être l’issue de la bataille qui se mène en ce moment sur le front des dépenses Covid-19 ? Alors que l’opinion cherche à se faire une idée claire sur ce qui s’est réellement passé, l’affaire prend une tournure politique qui risque de caricaturer le débat au point de le rendre inaudible comme dans l’affaire du pétrole et du gaz qui avait défrayé la chronique. Comme quoi, lorsque la politique s’en mêle…
Conscient sans doute que le rapport de contrôle de la gestion du Fonds de riposte et solidarité contre les effets de la Covid-19 fait des ravages au niveau de l’opinion nationale, Mamadou Moustapha Bâ, fraîchement nommé Ministre des Finances, a eu besoin de monter au créneau en se faisant inviter sur un plateau à connotation populaire : ‘’Diakaarlo’’ de la Télévision futurs médias (TFM).
Rompant ainsi la tradition par rapport à une certaine orthodoxie qui confine le ministre des Finances dans certains habits. Mamadou Moustapha Bâ de reprendre les arguments développés le même jour, vendredi 23 décembre 2022, lors de sa conférence de presse co-animée avec le ministre du Commerce Karim Fofana. Notamment en revenant sur l’essentiel des conclusions du rapport de la Cour des Comptes pour dire que l’essentiel des griefs ne porte pas sur 1 000 milliards ou 628 milliards F CFA, contrairement à ce que certains ont pu soutenir, mais plutôt sur 6,68 milliards F CFA, représentant 1,06 % du montant total du Programme de résilience sociale. Mais que pour l’État, l’argent du contribuable doit être justifié par ceux qui le dépensent jusqu’au dernier franc et qu’il ne se croise pas les bras.
Le ministre des Finances de rappeler, à la même tribune, qu’il y aura des suites aussi bien par le fait du premier président de la Cour des Comptes qui va saisir les juridictions habilitées comme le veut la loi, mais aussi par la saisine de la Chambre disciplinaire pour les fautes de gestion incriminées. Mamadou Moustapha Bâ aura beau expliquer que le chronogramme normal est respecté en termes de procédures de prise de décision et qu’il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat, les politiques ne vont sans doute pas laisser un tel os.
Comme le terreau semble en effet fertile, l’opposition, du moins celui qui en incarne aujourd’hui le visage, Ousmane Sonko en l’occurrence, ne compte pas laisser la patate se refroidir, surtout dans le contexte actuel où le débat sur le troisième mandat se pose.
Dans une déclaration prononcée hier, il revient sur cette affaire en invitant les Sénégalais à la mobilisation. Manifestations et concert de casseroles, le programme est bien ficelé pour occuper l’espace. L’objectif de ce scénario a tous les atours de l’affaire Frank Timis où des jeunes mobilisés à bloc avaient pour principal slogan de demander à Aliou Sall, frère du président Macky Sall, de rembourser à chaque jeune les 400 000 F CFA dus.
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RAPPORT COUR DES COMPTES, TROISIÈME MANDAT
Les actions que compte mener Sonko
Le leader du Pastef, Ousmane Sonko, invite les Sénégalais à prendre massivement part à la manifestation de la société civile, le 30 décembre prochain. Le lendemain, il leur demande d’animer un concert de casseroles et annonce un rassemblement le 6 janvier 2023. Toutes ces actions visent à protester contre les abus du régime actuel.
Le rapport de la Cour des Comptes sur le Fonds Force-Covid-19 fait encore couler de la salive. Hier, c’était au tour du leader du Pastef, Ousmane Sonko, de monter au créneau. Il a rappelé, dans une vidéo d’une vingtaine de minutes, les circonstances du décaissement et de l’utilisation de cet argent, 1 000 milliards F CFA, qui n’a répondu à aucune procédure réglementaire. Entre surfacturations, non-respect des procédures, dépenses n’ayant aucun rapport avec la Covid-19 et défaut de pièces justificatives, les autorités ont usé et abusé des 1 000 milliards F CFA mis à leur disposition. Il est regrettable, souligne Ousmane Sonko, que tous les neuf ministères ayant reçu de l’argent soient impliqués dans ce scandale.
Cependant, a-t-il souligné, il avait, après sa rencontre avec le président de la République Macky Sall, attiré l’attention sur ce qui est arrivé aujourd’hui. Ce qui lui fait dire que ses craintes étaient fondées. ‘’L’histoire m’a donné raison. Je voyais venir toutes les remarques et insuffisances soulignées par la Cour des Comptes’’, a-t-il déclaré.
Ces faits ne sont pas nouveaux. Beaucoup de rapports des organes de contrôle dorment sur la table du procureur. D’après Ousmane Sonko, le président de la République est le seul responsable de tout ce qui arrive. C’est lui qui protège les ‘’voleurs’’, a-t-il dit.
Les assurances apportées par le ministre des Finances, lors d’une conférence de presse tenue en fin de semaine dernière, ne le convainquent guère. ‘’Le ministre a déclaré que le rapport sera envoyé au chancelier, le ministre de la Justice. Mais on sait que rien ne sera fait, parce que nombreux sont les rapports qui ont été soumis au chancelier qui n’a rien fait. Si aujourd’hui, ils décident de sévir, ce sont les seconds couteaux qui seront sanctionnés’’, a dit M. Sonko.
Pour lui, aujourd’hui, il faut que les Sénégalais prennent leur destin en main. Il faut qu’ils exigent des sanctions exemplaires. Dans ce cadre, il a invité tout le peuple, où qu’il puisse être, à se joindre à la manifestation prévue par la société civile. Ce sera le 30 décembre prochain et c’est pour exiger que justice soit faite, après la publication du rapport de la Cour des Comptes. ‘’Il faut une grande mobilisation pour donner un signal fort à Macky Sall et son gouvernement’’, d’après le leader du Pastef.
Le lendemain, il invite tous les Sénégalais à un concert de casseroles, de 20 h à 20 h 30 mn. ‘’C’est une importante communication qui peut porter ses fruits. Certains, parce qu’on a choisi le 31 décembre à 20 h, trouvent que nous ne sommes pas des républicains, car, disent-ils, c’est une date républicaine. Cependant, ce qu’il devrait se demander, c’est si le président respecte la République, lui qui utilise la justice et la gendarmerie contre d’innocents Sénégalais. Celui qui protège ceux qui volent les deniers publics, est-il un républicain ? C’est lui-même qui ne respecte pas la République. Il faut protester contre un troisième mandat’’, défend M. Sonko.
Par ailleurs, le leader du Pastef, par ailleurs Maire de Ziguinchor, a rappelé que ‘’la République, ce sont les citoyens. C'est à eux de lancer un message au président de la République. Ils doivent se demander s’il a tenu ses promesses en onze ans de règne. De 20 h à 20 h 30, ce sont les citoyens qui parleront au président, au cours d'une date républicaine. Ce n'est pas Ousmane Sonko, mais c'est la République qui parle au président de la République’’, a-t-il affirmé.
Ce sera une occasion de plus, d’après lui, pour manifester contre la hausse des prix. La vie est chère, d’après lui.
Une semaine après ce concert, il appelle à un rassemblement le 6 janvier 2023, sans pour évoquer les raisons de ce rassemblement.
Amadou Fall