Publié le 19 Sep 2022 - 18:37
HUIT ANS À LA TÊTE DU MINISTÈRE DES SPORTS

Matar Ba, entre succès et récriminations

 

Matar Ba n’est plus à la tête du ministère des Sports, depuis le remaniement ministériel intervenu ce samedi. Le maire de Fatick va céder sa place à Yankhoba Diattara, après huit ans passés dans ce département. Voici les faits saillants de son magistère.

 

Le dernier remaniement ministériel n’a pas épargné le département des Sports. Après huit à la tête de ce ministère, Matar Ba a cédé son fauteuil à Yankhoba Diattara. Le nouveau patron du sport sénégalais était jusque-là chargé de l’économie numérique et des télécommunications. Installé à la tête du ministère des Sports en juillet 2014, en remplacement de Mbagnick Ndiaye, le maire de Fatick a marqué l’histoire du sport sénégalais.

Le premier ministre champion d’Afrique

On retient surtout dans le lot des résultats obtenus durant son magistère le premier titre continental du Sénégal en Coupe d’Afrique des nations. Matar Ba est entré dans l’histoire du football sénégalais en étant le premier ministre sénégalais des Sports à soulever le fameux trophée de la Can tant convoité par des générations de footballeurs et de dirigeants. C’est également avec l’ancien président de l’Oncav que le Sénégal a obtenu deux qualifications successives à la Coupe du monde de football (2018 et 2019), après quinze ans d’absence. L’équipe nationale de basket féminin a renoué avec le sacre continental, un an après sa nomination. Les Lionnes ont été sacrées championnes d’Afrique, pour la 12e fois, en 2015 au Cameroun.

Ce sacre du 6 février dernier à la Can-2021 au Cameroun est le fruit d’un investissement sur l’équipe nationale de football. L’État du Sénégal, par le biais de son ministère des Sports, a pris l’engagement de créer une rupture par rapport à ce qui se faisait auparavant et de mettre les Lions dans d’excellentes conditions. Cela par la mise à leur disposition de vols spéciaux durant tous leurs déplacements. ‘’L’État ne cesse de jouer sa partition pour mettre l'équipe nationale du Sénégal dans de bonnes conditions de performance’’. C’est la fameuse phrase du ministre sortant.

Cette nouvelle approche a aussi conduit à installer une certaine stabilité sur le banc de l’équipe nationale A. Au lendemain de l’échec de Mongomo qui a précipité le départ d’Alain Giresse, le ministère des Sports a misé sur l’expertise locale, en donnant les rênes de l’équipe à Aliou Cissé. Avec l’ancien capitaine des Lions de 2002, l’ancien ministre avait pris un bail à moyen et long terme. “Une construction demande du temps’’, disait M. Ba. À la fin de son contrat de quatre ans, Cissé a été reconduit malgré la finale perdue en 2019 contre l’Algérie (1-0) en Égypte. C’est ce même pari qu’il a voulu tenir avec la lutte, mais son poulain, le docteur Alioune Sarr avait atteint son délai de péremption.

Durant cette dernière décennie, le patrimoine infrastructurel dans le sport sénégalais s’est considérablement développé. Les enceintes déjà existantes sont réhabilitées. C’est le cas de Léopold Sédar Senghor, qui a été fermé à la suite d’une sanction de la Caf à cause des scènes de violence lors de la défaite du Sénégal contre la Côte d’Ivoire en match comptant pour les éliminatoires de la Can-2013. De nouvelles infrastructures ont aussi vu le jour. C’est ainsi que l’Arène nationale, Dakar Arena, le stade Abdoulaye Wade de Diamniano et son annexe qui dispose d’une piste d’athlétisme de dernière génération, sont sortis de terre. Il faut aussi noter la construction des stades régionaux de Kaffrine, de Kédougou et de Sédhiou.

Dernièrement, Matar Ba a lancé un programme de réhabilitation des stades Léopold Sédar Senghor, Aline Sitoé Diatta, Ely Manel Fall et Lamine Guèye. Ce projet ficelé avec la Chine est estimé à 40 milliards de dollars.

Des rapports apaisés avec les fédérations sportives

Le sport sénégalais est un milieu mouvementé. Avant son accession à la tête du département des Sports, les querelles au sein des fédérations faisaient le quotidien de ces entités. On se rappelle l’AG houleuse de la Fédération sénégalaise de football, en 2013, où son prédécesseur Mbagnick Ndiaye s’est fait huer, invectivé par les acteurs du ballon rond. De même que les tiraillements au sein de la Fédération sénégalaise de karaté et disciplines associées, la Fédération sénégalaise de basket-ball, qui a été dissolue et remplacée par le Comité de normalisation du basket-ball (CNB), entre autres. Matar Ba a eu le mérite d’apaiser l’atmosphère au sein de ces fédérations et les relations entre elles et la tutelle. Les acteurs eux-mêmes ont magnifié ce nouveau climat qui règne dans leurs rapports avec la tutelle.

Durant son magistère, le ministre des Sports sortant a entamé le retour du sport à l’école, avec la création des codes portant création de la Fédération nationale du sport scolaire et de la Fédération du sport universitaire.

Épinglé par l’ARMP

Le passage de Matar Ba à la tête du ministère des Sports n’a pas été sans bavure. En 2019, son département faisait partie des services publics épinglés par le rapport 2017 de l’ARMP.

Selon l’Autorité de régulation des marchés publics, ledit ministère aurait recouru, pour l’organisation d’un séminaire sur les marchés publics, aux services d’une entreprise de quincaillerie, Mora Multiservices, pour un montant de 3 445 600 F CFA. Interpelé sur le sujet, M. Ba avait minimisé en répondant que ‘’c’est une question d’interprétation’’.

Sa gestion est aussi critiquée par les acteurs, en particulier son manque de reconnaissance par rapport à certaines disciplines. C’est notamment le cas du Beach Soccer. Au lendemain de leur quatrième sacre continental, en 2016 au Nigeria, les Lions ont dénoncé le manque de considération à leur égard de la part du ministre des Sports qui ne les avaient jamais reçus auparavant. L’État du Sénégal s’est rattrapé par la suite. Champions d’Afrique pour la 6e fois en 2021 à domicile, ils ont reçu des mains de Matar Ba leurs médailles de chevaliers de l’ordre national du lion et la somme de 10 millions promise par le chef de l’État.

La dernière récrimination en date est venue de la Fédération sénégalaise de boxe. Ces fédéraux ont fustigé le fait de devoir renoncer à participer au Championnat d’Afrique de boxe à Maputo (du 9 au 18 septembre 2022), en Mozambique, faute de prise en charge de la part de la tutelle.

Les chantiers au ministère des Sports restent cependant immenses. Le nouveau ministre aura la lourde tâche de consolider les réalisations de son prédécesseur et de faire mieux que celui-ci, notamment dans le traitement équitable des différentes fédérations sportives, le développement économique de ce secteur, entre autres.

LOUIS GEORGES DIATTA

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