Publié le 15 Oct 2020 - 01:34
IMPACTS COVID-19 SUR LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

3,1 milliards de F CFA de pertes de recettes enregistrées par les communes

 

Les pertes de recettes hors transferts de l’État par environ 70 % des communes du Sénégal, se chiffrent à 3,1 milliards de F CFA, avec globalement les baisses de recettes entre 25 et 70 %. L’annonce a été faite hier, par le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, lors de la 2e session ordinaire de l’année 2020 du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT).

 

La pandémie est venue ‘’exacerber les difficultés’’ structurelles de mobilisation des ressources locales qui, selon le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, sont nécessaires à la mise en œuvre des politiques territoriales de développement. ‘’Selon une enquête réalisée au moment de l’élaboration du PAP2A par mes services au niveau de 388 communes représentant 70 % de l’effectif total, 218 communes ont enregistré une baisse de leurs recettes hors transferts de l’État. Ces pertes se chiffrent à 3,1 milliards de F CFA. Globalement, les baisses de recettes ont varié entre 25 et 70 %’’, affirme Amadou Hott, qui s’exprimait hier, lors de la 2e session ordinaire de l’année 2020 du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT).

Ainsi, la rencontre entre le ministre de l’Economie et les membres du HCCT a été l’occasion ‘’d’identifier ensemble’’ toutes les difficultés liées au fonctionnement efficace des instruments d’accompagnement qu’ils peuvent apporter aux collectivités territoriales pour la conception et la mise en œuvre des plans locaux de développement, la coopération décentralisée et les partenariats public-privé. Le cas échéant, y apporter des solutions afin de permettre aux collectivités territoriales de disposer d’outils performants de pilotage de leur développement.

‘’Il est donc tout à fait opportun de revisiter l’ensemble de ces instruments d’aide à la mobilisation de financement des collectivités territoriales, mais aussi de penser à de nouvelles techniques plus innovantes qui s’adaptent davantage au contexte actuel. Cet exercice devrait permettre d’engager la relance économique au niveau de chaque collectivité territoriale, comme déclinaison territoriale du PAP 2A validé lors du Conseil présidentiel du 29 septembre 2020’’, explique Amadou Hott.

S’agissant des plans locaux et territoriaux de développement, le ministre fait savoir qu’ils constituent des instruments de pilotage des collectivités territoriales. Dans ce cadre, ils déterminent les objectifs de développement des collectivités territoriales et identifient les projets à réaliser. Ils s’inspirent des orientations stratégiques au niveau central et servent à planifier le développement des communes et des départements.

‘’La mise à disposition de plans locaux de développement de qualité favorise la mobilisation des ressources financières nécessaires à leur mise en œuvre. C’est pourquoi nous ne ménageons aucun effort pour accompagner les collectivités territoriales dans l’élaboration aussi bien des plans de développement départementaux (PDD) que des plans de développement communaux (PDC). Pour faciliter l’articulation et la mise en cohérence entre la planification stratégique centrale et celle à la base effectuée par les collectivités territoriales, les services régionaux de la planification (SRP) sont davantage mobilisés pour appuyer les collectivités territoriales dans l’élaboration des plans locaux de développement’’, poursuit-il.

Par ailleurs, M. Hott a indiqué que son département a démarré, cette année, une expérience d’appui à la formulation et à l’évaluation ex ante de projet avec, notamment, la commune de Ballou dans le département de Bakel. ‘’Cette expérience pourrait être étendue aux collectivités territoriales qui en feraient la demande. L’objectif est de permettre aux collectivités territoriales de retenir dans leur portefeuille les projets ayant le plus d’impacts socio-économiques sur les populations. Enfin, dans une perspective de renforcement de cette efficacité et cohérence des interventions publiques, garant de l'intérêt général et de la cohésion nationale, mon ministère a récemment conduit la réforme du système national de planification’’, ajoute le ministre.

Une absence de plans locaux de développement dans la totalité des collectivités

Cependant, malgré la mise à disposition de tous ces instruments, le ministre de la Planification admet que quelques ‘’contraintes majeures’’ sont encore notées. ‘’L’inexistence de plans locaux de développement dans la totalité des communes et départements est suffisamment illustrative. Je dois, à ce titre, rappeler que seulement 39 % des communes et 74 % des départements disposent d’outils finalisés, pendant que dans 9 % des communes et 26 % des départements, les outils sont en cours d’élaboration’’, souligne-t-il. Parmi les contraintes identifiées, il y a la ‘’faible intégration’’ des projets des collectivités territoriales au niveau de la mise en œuvre du plan national.

Toutefois, pour atténuer cette situation, Amadou Hott informe que son département produit annuellement le Programme triennal d’investissements publics (PTIP) régionalisé, les bilans des investissements des collectivités territoriales (ICT) et aussi le rapport sur les disparités régionales pour enrichir la formulation et le suivi des politiques publiques.

D’après lui, le deuxième défi est ‘’l’accès difficile’’ à l’information territoriale. ‘’En effet, l’élaboration du diagnostic dans la planification locale se heurte essentiellement aux limites du système national de suivi-évaluation et à la centralisation des politiques publiques.  Pour l’essentiel, seuls quelques indicateurs sectoriels sont disponibles pour les départements. Concernant les communes, aucun indicateur n’est renseigné, hormis ceux portant sur la démographie et l’éducation’’, relève-t-il.

Avant d’ajouter qu’une ‘’correction partielle’’ a été apportée par le nouveau guide de planification. Ceci notamment avec l’outil Inventaire rapide de la plateforme potentielle du territoire (IR2P), visant à répertorier les infrastructures disponibles. En outre, une enquête a été diligentée par les services de son département en 2018, pour constituer une base de données couvrant 500 communes afin d’aider à la formulation des plans locaux.

Le ministre a également noté que le 3e challenge reste le ‘’suivi irrégulier’’ de la mise en œuvre des documents de planification locale. Au fait, il signale que le Code général des collectivités territoriales prévoit l’organisation de conférences d’harmonisation. Celles-ci sont des instances permettant de connaître les investissements réalisés et de réorienter les prévisions pour les adapter aux besoins et priorités.

‘’Nous savons bien que les ressources intérieures sont très insuffisantes pour couvrir les besoins énormes d’investissements au niveau des collectivités territoriales. Leur financement est une vraie problématique, au regard du nombre élevé de collectivités territoriales (52 % du total) dont le plan de développement est sans financement. C’est pour cette raison que certaines collectivités territoriales, en sus de ces ressources, accordent de plus en plus une grande importance à la mobilisation des ressources extérieures’’, reconnait-il.

La coopération décentralisée comme levier de mobilisation de ressources

A cet égard, le ministre pense que la coopération décentralisée constitue un des principaux leviers de mobilisation de ressources par les collectivités territoriales. ‘’De nos jours, elle concerne essentiellement les subventions ou dons de la part des régions et municipalités des pays européens. Globalement, trois pays partenaires, à savoir la France, l’Italie et l’Espagne, se distinguent dans ce domaine. S’agissant de la coopération décentralisée avec la France, elle concerne plus de 100 partenariats actifs. Sur la période 2015-2018, une enveloppe d’au moins 620 millions F CFA a été mobilisée par les collectivités territoriales sénégalaises pour le financement de 32 projets’’, rappelle-t-il.

En ce qui concerne la coopération décentralisée avec l’Italie, trois grands projets ont été cofinancés en 2017. La première initiative qui provient de la municipalité de Rimini a été lancée dans les régions de Kaffrine, Kaolack et Dakar, pour un budget total d’un milliard F CFA. La région Sardaigne a accordé des subventions à des communes de Matam pour un budget total de 500 millions F CFA. Enfin, le cofinancement d'une initiative de la municipalité d'Oristano, dans 11 communes de la Basse-Casamance, en matière d'aménagement du territoire et de gestion des ressources en eau, a été approuvé pour un budget total de près de 446 millions F CFA. Quant à la coopération décentralisée espagnole, elle a fait bénéficier le Sénégal d’accords de financement sur la période allant de 2013 à 2016, pour un montant global de 5 milliards F CFA. Ces financements ont été accordés par 18 gouvernements régionaux et mairies pour réaliser une trentaine de projets.

Cependant, M. Hott souligne que les niveaux de financements obtenus au titre de la coopération décentralisée sont ‘’encore insuffisants’’, au regard du nombre de bénéficiaires et des possibilités des partenaires internationaux. Pour renforcer ces financements, il estime que certaines mesures pourraient être explorées. Il s’agit d’élaborer une stratégie nationale de renforcement de la coopération décentralisée pour rationaliser les interventions de l’Administration centrale et des collectivités territoriales au niveau des territoires. De renforcer la coordination entre le ministère des Finances, celui des Collectivités territoriales et celui de l’Economie. Ceci, d’après Amadou Hott, pour davantage ‘’prendre en charge’’ les préoccupations, particulièrement celles liées à l’évaluation des projets et programmes. Mais aussi à la garantie des prêts sollicités et au suivi de toute la chaîne budgétaire locale. Et en même temps, de mettre en place un système d’information centralisé de suivi de l’aide, dans le cadre de la coopération décentralisée.

‘’En effet, s’avantageant des opportunités de collaboration entre l’Etat et les collectivités territoriales, à travers les contrats-plans, nous avons procédé à la présélection d’une liste de 60 projets proposés à la base par les collectivités territoriales, dans 38 communes, en vue d’une mise en œuvre sous forme de partenariat public-privé (PPP)’’, informe-t-il.

Le ministre trouve que la mise en place de l’Unité nationale d’appui aux PPP prévue par le nouveau cadre juridique afin d’accompagner les autorités contractantes, permettra d’accélérer ce processus. ‘’Ainsi, avec les PPP, les collectivités territoriales peuvent participer, à côté de l’Etat et du partenaire privé, à la conception, au financement et à la réalisation d’infrastructures publiques et même privées d’intérêt public’’, conclut-il.

MARIAMA DIEME

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