Publié le 24 Aug 2021 - 10:39
INDEPENDANTS CIBLES PAR LES FILTRES DU POUVOIR

Les jeunes candidats tapent sur le pouvoir 

 

Absent des discussions pour fixer la caution à déposer pour participer aux prochaines élections locales, beaucoup de jeunes candidats se sentent visés par les 20 millions de francs CFA réclamés par la majorité. 

 

Les élections départementales et municipales 2022 se profilent. A cinq mois de leur tenue, les cautions demandées aux personnes désirant se présenter pour une représentative dans leur localité, n’ont toujours pas été fixées. Objet d’une rencontre, vendredi dernier, entre le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome et les représentants des partis et coalitions de partis politiques, elles font l’objet de différends entre la majorité, une partie de l’opposition ayant participé au dialogue national et les non-alignés.

Si la coalition au pouvoir espère une caution fixée à 20 millions de francs CFA, les deux autres catégories tablent sur la somme de 5 millions. Un différend qui a empêché la réunion de vendredi dernier de déboucher sur un consensus.

Commentant cet état de fait, l’expert électoraliste Ndiaga Sylla avait proposé de déterminer un montant en fonction du nombre de collectivités territoriales dans lesquelles ont fait acte de candidature : ‘’D’une à cinq communes (5 millions de francs CFA) ; de 11 à 50 communes (10 millions) ; de 51 à 100 communes (15 millions), à partir de plus de 100 communes (20 millions).’’

Expliquant le pourquoi de ces montants différenciés, le président du Dialogue citoyen estime qu’’’à l'analyse des dispositions des articles L.247 et L.282 (du Code électoral) relatives aux conditions de remboursement de la caution, différenciées, la liste présente dans une seule commune ne devrait pas être logée à la même enseigne que celle présente dans plusieurs communes, pour ce qui concerne le montant de la caution’’.

En effet, il est difficile de comprendre qu’un candidat indépendant, en lice dans une seule commune, puisse débourser la même caution d’une coalition de partis politiques présentant des candidats dans plus de 100 communes à travers le territoire.

‘’Ces 20 millions, c’est pour tuer l’ambition des jeunes’’

Bien décidé à se présenter pour la direction de la mairie de Diamniadio, Mouhamed Moriba Cissokho, 32 ans, est directement visé par cette limitation par la caution. Le candidat indépendant trouve inconcevable d’élever la caution au montant proposé par la majorité. ‘’Personne ne pourra donner une raison acceptable qui justifierait cette somme. Ces 20 millions, c’est pour tuer l’ambition d’un jeune sur qui certaines personnes portent espoir. Le président, de même que son ministre de l’Intérieur doivent refuser que l’on fasse de la caution une arme d’assassinat des ambitions politiques locales et sociales des jeunes’’, regrette-t-il.

Au sein de la majorité, la justification toute trouvée pour ce montant élevé, est l’envie de lutter contre la floraison de listes pouvant occasionner un vrai casse-tête dans la logistique d’organisation des élections. Cet argument ne convainc pas le candidat indépendant.

En effet, Moriba soutient que la majorité ne veut plutôt pas de jeunes sur les listes des candidats et compte utiliser ce filtre pour freiner l’élan de certaines candidatures, d’abord pour les Locales et pour les autres élections à venir.

Une vision des choses que partage Mamadou Ndaw dit ‘’Willy’’, militant pour la mairie de Golf-Sud. Selon lui, la vague de jeunes à l’assaut des mairies effraie les politiciens ‘’professionnels’’. Et ‘’parmi ces jeunes, ajoute-t-il, une grande partie est apolitique. Ce qui, naturellement, fait peur aux politiciens, surtout le pouvoir qui cherche à tout prix à noyer cet engagement à travers l’instauration d’une caution conséquente avec le but affiché de limiter les candidatures’’.

A l’image des questions soulevées par l’expert électoral, le jeune candidat indépendant soutient qu’il serait injuste de leur faire payer autant que les grands partis qui, non seulement ont plus de moyens, mais aussi se présentent sur plusieurs localités. Ceci, dans un contexte dans lequel une partie de ces jeunes est issue des mouvements citoyens ou est constituée de candidats indépendants et se présente, pour la plupart, sur une seule commune.

‘’On ne peut exiger des conditions différenciées pour le remboursement de la caution…’’

Les injustices concernent également le remboursement de la caution, à l’issue du scrutin. En l’état actuel, il est exigé aux entités présentes dans un seul département, d'obtenir trois sièges pour être remboursé et un siège dans chaque département pour celles qui font acte de candidature dans plusieurs collectivités territoriales. S'agissant des élections municipales, les listes présentées dans une seule commune devront comptabiliser cinq conseillers, pour prétendre au remboursement, tandis que celles ayant candidaté dans plus d'une commune sont tenues de recueillir un siège dans chacune d'elles pour récupérer leur caution.

Autant d’incohérences qui poussent Ndiaga Sylla à s’indigner : ‘’On ne peut exiger des conditions différenciées pour le remboursement de la caution aux élections départementales et municipales selon le nombre de listes présentées et vouloir, dans le même temps, fixer un montant uniforme.’’

Malgré ces obstacles, les jeunes loups ne comptent pas se laisser abattre facilement. Car l’argent ne posera pas problème pour des jeunes ambitieux, assure Moriba. Avant d’ajouter : ‘’Nous avons bien mûri notre projet. Ce n’est pas hier que nous nous sommes mis à réfléchir à notre propre stratégie ou aux possibilités d’alliance et de mutualisation des ressources, de sorte à être en mesure d’outrepasser toute contrainte que nous aurons en face. Ce n’est pas que l’argent qui fait la politique. Les jeunes ont décidé de prendre leur destin en main.’’

L’enthousiasme débordant, le verbe facile, Willy Ndaw lui emboîte le pas. ‘’Lorsqu’on est seul à croire en ses rêves et que l’on avance, malgré tout, l’on finit toujours par rencontrer d’autres personnes comme nous et nous nous sentons moins seuls’’, rassure-t-il. Une façon de dire que le moment venu, ‘’nous trouverons l’argent et serons transparents, en exposant notre financement aux yeux de tous’’.

Lamine Diouf

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