Publié le 9 Feb 2018 - 22:06
ENIEKHALIFA SALL, HIER, LORS DE SON PROCESME INCIDENT D’AUDIENCE

‘’La veille de ce procès, ils sont venus me demander d’accepter l’offre…’’

 

Le procès de Khalifa Sall s’est déroulé hier matin, sur fond de contradictions liées à l’existence ou non des fonds politiques. Les deux percepteurs Mamadou Omar Bocoum et Ibrahima Touré campent sur leur position, affirmant qu’il s’agit de caisse d’avance. Khalifa Sall le conteste et reste convaincu que lesdits fonds ont été supprimés pour des raisons purement politiques et qu’ils seront débloqués une fois qu’il ne sera plus maire.

 

Elle a été minimisée par l’ancien percepteur, Mamadou Omar Bocoum, qui l’a qualifiée ‘’d’épiphénomène par rapport aux leviers dont dispose le maire pour venir en aide aux populations’’, mais la caisse d’avance continue d’alimenter les débats, dans le cadre du procès de Khalifa Sall. Car il y a des divergences par rapport à son interprétation. Khalifa Sall et Mbaye Touré la considèrent comme des fonds politiques, alors que les percepteurs affirment qu’il s’agit bel et bien de caisse d’avance. Ainsi, hier, lors de leur contre-interrogatoire, les avocats du maire ont encore fouillé la caisse jusqu’à remonter à l’époque coloniale.

Dans cet exercice de démonstration de l’existence des dits fonds, Me François Sarr est allé chercher dans le journal officiel pour exhiber un texte de 1992. Me Jackson Kamga a, pour sa part, fait projeter un document colonial datant de 1923 et qui institue la caisse. A l’époque, le montant était fixé à 600 francs, mais le président du Conseil colonial avait estimé que la banlieue le méritait mieux. Depuis, beaucoup d’eaux ont coulé sous les ponts et le montant à atteint 30 millions F CFA avant d’être supprimé en 2015, suite aux bisbilles entre l’actuel maire Khalifa Sall et le régime de Macky Sall.

Pourtant, a confié le maire, les différentes autorités étatiques lui ont parlé des fonds. ‘’La première, je ne citerai pas son nom, car elle n’est plus en fonction. Elle m’a confirmé l’existence de ces fonds destinés à aider les populations. Elle a fait preuve de grande intelligence et a compris que la ville pouvait aider plus efficacement avec ces fonds que des mairies sollicitaient pour certaines activités spécifiques’’, a déclaré Khalifa Sall. Qui poursuivant son propos a ajouté que la deuxième autorité a fait preuve d’intelligence, avec la mise en place du fonds de solidarité numérique. Il s’agit notamment de Me Wade, initiateur dudit fonds. ‘’La dernière autorité avec qui nous avons échangé, c’est l’actuel Président Macky Sall et c’était en septembre 2012.’’

C’est pourquoi le député-maire socialiste n’a pas encore manqué de décrier le soubassement de cette suppression, même si par ailleurs, il considère que l’arrêté du 31 janvier 2003 instituant la caisse d’avance est toujours en vigueur. Ce que l’ex-percepteur a confirmé, en soutenant que le texte a encore un fondement juridique valable. Et si tant est qu’elle a été supprimée, Khalifa Sall reste persuadé que ‘’les fonds ont été arrêtés pour des raisons fondamentalement, essentiellement, principalement politiques’’. Pour étayer ses propos, le maire a expliqué que c’est quand ses problèmes avec le pouvoir ont surgi que les fonds ont été arrêtés.

Cela n’empêche, renseigne le maire, que le Conseil municipal a continué la dotation, après vote. Aujourd’hui, il reste convaincu que le jour où il ne sera plus maire, ils seront débloqués. Car, argue l’édile, ‘’ils sont utiles, nécessaires au fonctionnement de la mairie et servent à répondre en urgence aux besoins des populations’’. Avec Me Ousseynou Fall, également, le responsable socialiste a surfé sur la vague politique pour dénoncer un règlement de comptes politiques. ‘’Si j’avais accepté l’offre qu’on me proposait, je n’aurais pas comparu devant cette barre. Même à la veille de ce procès, ils sont venus me demander d’accepter l’offre, parce que, disaient-ils, l’Etat est un rouleau compresseur qui va t’écraser. Mais j’ai refusé, car j’estime qu’il n’y a que Dieu qui peut écraser quelqu’un’’, a asséné Khalifa Sall. Qui continue de clamer son innocence : ‘’Je n’ai pas commis de faute qui peut justifier le sort qui nous est réservé. C’est pourquoi j’ai demandé à ce que mes coprévenus soient libérés, car la cause et le soubassement sont politiques.’’

‘’Il ne peut pas y avoir d’association de malfaiteurs’’

Très critique contre la procédure, le maire a déploré le fait qu’on soit allé chercher dans les fonds politiques, alors même qu’il a un satisfécit pour sa gestion. ‘’Le grief de fonds politiques a été soulevé après bouclage de la mission de vérification et les remerciements. Si les vérificateurs avaient trouvé de la corruption ou des marchés trafiqués, ce serait une faute, mais ce qui me gêne, ils sont allés voir dans les fonds politiques’’, fulmine-t-il. Selon toujours lui, il ne peut pas y avoir d’association de malfaiteurs, car ce n’est pas lui qui a nommé ses coïnculpés. Il a également balayé d’un revers de main le détournement de deniers publics, puisque les fonds sont allés à leur destination, notamment, la population. ‘’Je peux vous affirmer que ni moi ni ces hommes qui sont là n’en ont bénéficié’’, clame un Khalifa Sall surpris par la ligne de défense adoptée par les deux inspecteurs du Trésor.

Déclarations à charge et contradictoires chez les deux percepteurs

Ibrahima Touré et Mamadou Omar Bocoum ont avancé qu’ils ignoraient l’existence des fonds politiques. En revanche, les décaissements qu’ils faisaient s’inscrivaient dans la caisse d’avance. ‘’Je ne dis pas que les fonds politiques n’existent pas, mais ce que j’ai payé est une caisse d’avance, au regard des pièces qu’on m’a montrées, puisqu’il s’agissait de dépenses éligibles’’, a soutenu Bocoum, ex-percepteur municipale de la ville de Dakar, sur une interpellation de Me Papa Leyti Ndiaye. ‘’Les textes ne m’autorisent pas à m’intéresser à la réalité et à l’effectivité des opérations. Ils avaient la liberté de dépenser en mil et/ou en riz. L’essentiel, c’était de ne pas dépasser les 30 millions’’, a-t-il fait savoir à l’intention de Mes Mbaye Sène et Ousseynou Fall. Lorsque ce dernier a voulu savoir la part de l’Etat sur les 30 millions alloués à la ville de Dakar, il a répondu qu’il n’en avait aucune.

En revanche, si l’actuel percepteur a conforté son prédécesseur sur l’inexistence des fonds politiques, Ibrahima Touré s’est inscrit en faux sur certains aspects. ‘’L’environnement dans lequel nous sommes fait qu’on peut faire des erreurs dans les interprétations des textes. Bocoum s’est trompé en disant que les modules dépenses ne sont pas définis, or tel n’est pas le cas, car c’est 200 000 F CFA au niveau central et 50 000 F pour les collectivités locales’’, a rectifié l’économiste. En outre, il a confié qu’il arrive aux percepteurs de ne pas bien appliquer les textes, mais, s’est empressé de préciser que ‘’cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ont payé des fonds politiques’’.  Ceci d’autant que, selon son argumentaire, dans la nomenclature budgétaire, il n’y a pas de fonds politiques, mais plutôt des fonds spéciaux. C’est pourquoi il se dit convaincu de n’être complice de quoi que ça soit.

Toujours est-il que Mbaye Touré et Khalifa Sall semblent être sonnés par cette ligne de défense de leurs coprévenus. ‘’Ma conviction est que ce sont des fonds politiques. On a de très bons rapports et ça va continuer. Ce n’est pas par animosité ni par rancœur. Je le dis, parce que c’est la vérité’’, a répondu le Directeur administratif et financier. Le maire a pour sa part répondu par le mépris. ‘’C’est cela qui me fait sourire, en les entendant dire que les FP n’existent pas au Sénégal. Ils peuvent se défendre comme ils veulent. Je les comprends, mais ils savent que le dispositif qui existe depuis 1983 jure d’avec la pratique et la réglementation’’, soutient avec désolation l’édile. Avant de conclure : ‘’Ils disent qu’ils n’existent pas, je l’accepte. Mais les faits sont têtus, cette caisse d’avance est un fonds politique.’’  

ENIEME INCIDENT D’AUDIENCE

Me Ousseynou Fall exclu puis ‘’repêché’’

N’eût été la médiation des avocats membres du dispositif de veille mis en place dans le cadre du procès Khalifa Sall par le bâtonnier, Me Ousseynou Fall serait dans le même cas que Me El Hadj Diouf. La robe noire a été exclue par le président Malick Lamotte qui est finalement revenu sur sa décision, après 30 minutes de conciliabules.

S’il fallait, à ce stade du procès de Khalifa Sall, décerner une distinction à l’avocat qui aura créé le plus d’incidents, la palme reviendrait sans doute à Me Ousseynou Fall. Il ne se passe presque pas un jour sans que la robe noire soit aux prises, soit avec le procureur Serigne Bassirou Guèye, soit avec le président Malick Lamotte. Hier, c’est avec ce dernier qu’il a eu une prise de gueule qui lui a valu une expulsion. En fait, lorsque son tour de prise de parole est arrivé, Me Fall a estimé devoir faire une observation avant de poser des questions aux prévenus. Mais il a buté sur le veto du président Malick Lamotte qui lui a lancé d’un ton ferme : ‘’Ce n’est pas le moment de faire des observations, mais de poser des questions.’’

Cette mise au point est tombée dans l’oreille d’un sourd, puisque le conseil entendait faire son observation. ‘’Je vous le demande respectueusement et solennellement. J’ai été conciliant pour la bonne continuation des débats, mais depuis hier (mercredi), vous ne cessez d’interférer sur nos questions, alors qu’un avocat est libre et bénéficie d’immunité de plaidoirie’’, assène la robe noire à l’endroit du juge. De sa voix imposante, le conseil poursuit : ‘’Vous avez fait appel à votre courte carrière de magistrat, moi, je fais appel à mes 35 ans de barre. Je vous respecte, mais on ne me dicte pas la conduite.’’ Le procureur Serigne Bassirou Guèye également en a pris pour son grade, car Me Fall a enchaîné avec lui, en l’apostrophant en ces termes : ‘’M. le procureur, on réagira s’il y a un manquement à l’endroit de nos clients. Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.’’

Après avoir écouté l’avocat, le juge Lamotte brandit le bâton. ‘’Il y a des limites à ne pas dépasser. Me François Sarr, il a été convenu que vous régleriez le cas, si l’un de vos membres perturbe’’, dit d’un ton calme le président. Avant qu’il ne termine son intervention, Me Fall réagit en le critiquant de plus belle. ‘’Je ne perturbe pas. Vous m’avez donné la parole en tant qu’avocat de la défense. Nous ne sommes pas des fonctionnaires ni des juges, mais des avocats libres avec l’immunité de plaidoirie.’’ Affichant toujours une sérénité dans le ton, le juge Lamotte profère une dernière menace : ‘’Je ne souhaiterais pas prendre une mesure extrême qui ne va pas plaire aux avocats, mais je vous prie de régler cette question, sinon nous allons prendre nos responsabilités.‘’

Loin d’être ébranlé par cette menace, le conseil réplique : ‘’Prenez-les’’. Et ce fut fait, car le président a prononcé l’exclusion de l’avocat. ‘’Me Fall, désormais, vous ne pouvez plus continuer à plaider dans ce procès. Vous êtes exclu.’’ Comme sonnés par la sentence, la défense, debout comme un seul homme, se dirige à la barre et lance en guise de solidarité : ‘’Toute la défense est derrière Me Fall.’’ C’est le tohu-bohu dans la salle et l’audience est suspendue.

Au cours de la suspension, l’avocat ‘’perturbateur’’ est supplié par ses confrères de présenter ses excuses, mais il leur oppose un niet catégorique. Au même moment, les conciliables se jouent dans la salle de délibération entre le juge et les avocats membres du dispositif de veille mis en place par le Bâtonnier Me Mbaye Guèye, dans le cadre de ce procès. Ainsi, 30 minutes après, le procès reprend sur une observation de ‘’l’ennemi’’ de Me Fall, en l’occurrence le maître des poursuites qui a plaidé en faveur de l’exclu. ‘’Je veux supplier, implorer la compréhension et la sérénité du tribunal pour permettre que l’audience se poursuive avec tous les avocats’’, lance Serigne Bassirou Guèye.

A sa suite, Me Ismaïla Konaté présente les excuses de la défense, en essayant de justifier le comportant de son confrère tout en sollicitant la clémence. ‘’Une audience peut s’enflammer et pousser certains à atteindre un certain niveau d’excès, mais soyez moins regardant car votre autorité vous grandit’’, plaide l’avocat malien. Prenant la parole, l’Agent judiciaire de l’Etat, Antoine Félix Diome, cherche aussi à ‘’réhabiliter’’ le juge en martelant : ‘’Les fonctions, vous les incarnez de par la loi et le peuple au nom de qui la justice est rendue.’’

Face à ces observations, le juge est revenu sur sa décision. ‘’Ce n’est pas de gaîté de prendre des mesures contre un avocat. Nous n’avons aucun problème avec les avocats, particulièrement avec vous Me Ousseynou Fall’’, dit avec calme le président qui a laissé la robe noire poursuivre son contre-interrogatoire.    

FATOU SY

 

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