Publié le 9 Feb 2012 - 17:23
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Alioune Tine commande un million

La campagne électorale qui déroule ses jours longs et monotones, entame sa phase de vérité, qui va s’imposer non pas à l’opposition au sens abstrait du terme mais aux 14 candidats engagés dans une compétition dont la règle première est : chacun pour soi. Les meetings unitaires où chaque candidat souscrit au leitmotiv lancinant que le candidat Abdoulaye Wade doit se retirer de la course au pouvoir finiront par les lasser et leurs militants respectifs aussi, sans compter l’électorat potentiel.

 

 

L’unité des 13 candidats, qui ne se sont fait aucune concession au moment de leur sélection au sein des coalitions, contre un seul, a une signification peu glorieuse puisqu’elle suggère qu’elle est la seule condition de la victoire sur le candidat du régime. Et de voir se désagréger cette stratégie de jour en jour, construit progressivement un mythe d’invincibilité de Me Wade que même l’argument de son illégitimité ne peut briser dès lors que le Conseil constitutionnel l’a drapé du manteau de la légalité.

 

 

L’esprit rigoureusement mathématique du candidat Macky Sall n’a-t-il pas compris que comparer les foules que rassemble le M-23 à ceux du candidat du pouvoir ramène à cette équation qu’il faut les diviser par autant sensibilités qui les composent pour obtenir le quotient du candidat solitaire. Il a donc choisi de faire bande à part pour mieux se compter. Un tel pari découle d'une confiance en ses propres forces et lui confère en même temps une autonomie de sa logistique et de son discours programmatique puisqu’il ne devrait se contenter comme certains de vagues références aux Assises nationales desquelles il s’est démarqué avec pertinence.

 

 

Que le reste de l’opposition en prenne ombrage est certainement normal. Mais que cette attitude lui attire cette vaste polémique dénote d’une maladresse de ses auteurs. En ciblant le candidat Macky Sall, Idrissa Seck et les autres leaders de l’opposition le posent en principal challenger de Me Wade dans la conscience des populations. La cohésion de l’opposition se fissure dès lors et la proposition d’Omar Faye de Leeral askan wi marque imperceptiblement une césure nécessaire entre l’opposition politique traditionnelle et une partie la société dite civile fourvoyée dans l’activisme politique le plus débridé.

 

 

Omar Faye pense en effet que ''les membres du M-23, candidats à l’élection présidentielle doivent aller en campagne et le M-23, dans sa structure, continuer à mener le combat contre l’irrecevabilité de la candidature de Wade.'' Il semble mesurer les conséquences si dans la meilleure des hypothèses pour lui, la cause de l’irrecevabilité triomphait sur le terrain de la lutte politique, soit que le président en exercice renonce à son droit acquis, soit qu’un coup de force l’y contraigne : que fera-t-on de la majorité de son parti à l’Assemblée nationale et au Sénat  et de la mise en branle par cette majorité de la procédure constitutionnelle, l’organisation des élections, notamment ?

 

 

Le débat entretenu depuis l’alternance révèle l’inconséquence et l’immaturité de la classe politique sénégalaise jusqu’au niveau le plus élevé. Les tares cachées par l’assistance d’une administration restée performante faisant désormais défaut, certains grands commis de l’Etat se montreront dans toute la faiblesse de leur argumentation. Certains devraient éviter de tomber dans le mimétisme facile des réalités d’ailleurs. Car en effet, la politique n’est pas un débat d’idées mais un rapport de forces comme le disait Léon Trotsky ; et l’a montré son tragique destin de perdre son combat contre Staline brocardé ''la plus éminente médiocrité du parti''.

 

 

Une fois bloqué au carrefour qui sépare la Médina autrefois rebelle du plateau administratif, le M-23 est allé à Canossa, ne pouvant pas déposer ses doléances au Ministère de l’Intérieur. A Alioune Tine qui proclame commander à 1 million de manifestants comme ''Napoléon commande à 100 millions'' dans la chanson, la ligne rouge avait été fixée comme au Front pour la régularité et la transparence des élections (Frte), un certain 6 février 2000. En des circonstances similaires, partis de la permanence du Pds, le secrétaire général Abdoulaye Wade à la tête, 15 partis politiques coalisés avaient réussi à franchir la ligne rouge. Il avait fallu le doigté du ministre de l’époque, un certain général Lamine Cissé, pour que la situation ne dégénère. Le 6 février n’était pas le 18 Thermidor pour le leader du M-23, Alioune Tine. La prochaine fois…

 

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