Publié le 28 Jun 2012 - 12:19
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

 L’empreinte du chef

 

Le régime de Macky Sall affiche une certaine assurance face au dossier de la Casamance qui reçoit le 3e Conseil des ministres décentralisé. En ce qui concerne la région méridionale, le nouveau rituel de gouvernement controversé par ailleurs, est une prise en main ferme de la résolution du dossier le plus préoccupant du moment. Plus que par son image apposée sur la liste parlementaire alliée, le président Macky Sall marque ainsi la campagne électorale de l’empreinte du chef de la nation que même une éventuelle majorité de l’opposition à l’Assemblée ne saurait amoindrir. Si le président Sall avance de son pas lourd et déterminé vers la paix, l’union sacrée se ferait pour tout le reste.

 

Non seulement les Sénégalais ont élu un président sous l’empire d’un régime présidentiel fort qu’aucune modification n’a altéré, mais encore rêvent-ils en réalité d’un président fort. C’est notre héritage politique qui le veut ainsi et le contraire en la circonstance serait une absurdité qui consisterait à renforcer un Premier ministre nommé au détriment d’un président consacré par le suffrage universel. La mystique d’un régime parlementaire s’est estompée avec les ambiguïtés des Assises nationales sur la question et semble s’être reportée sur l’Assemblée nationale dont le rôle ne se limiterait plus à voter les lois et contrôler l’action de l’Exécutif, mais à se substituer à lui.

 

La Question de la Casamance reste celle de la guerre ou de la paix au moment où 30 années de conflit armé ont rendu aléatoire toute solution militaire. Les belligérants en ont convenu sans s’accorder sur les conditions de la paix. Le tour est venu pour Macky Sall de se donner les moyens de le faire alors que le discours articulé d’un des leaders politiques offre des circonstances favorables. En effet, Jean Marie Biagui, après avoir proposé une concession majeure en renonçant à l’indépendance, propose, sous le même sigle que l’ancien parti indépendantiste, l’option du fédéralisme. Le penchant décentralisateur du pouvoir, s’il n’est pas éphémère, pourrait y trouver matière à discuter.

 

L’Etat du Sénégal est centralisé à la française parce qu’au lendemain de la révolution, les Jacobins triomphant des Girondins imposent le 21 septembre 1792 «la République une et indivisible» qui étouffe toute velléité de restauration de la monarchie des insurgés vendéens aussi que le fédéralisme des Girondins. Pourtant le fédéralisme a bien triomphé en Amérique de Nord et du sud de même qu’au Nigeria et Cameroun. Au surplus, le Sénégal n’avait-il pas expérimenté une brève confédération avec la Gambie à la suite de son intervention militaire dans ce pays avant de la disloquer sur une foucade du président Abdou Diouf dans des conditions encore controversées.

 

Sans céder entièrement aux arguments de Biagui, une discussion avec les politiques et les intellectuels de Casamance nous semble plus pertinente qu’une option de dialogue direct avec les chefs de guerre de l’aile militaire de différents fronts. Parce que le principe que c’est la politique qui commande aux fusils bride les armées républicaines. Mais surtout parce que, créée comme une armée de libération nationale par le commandant Sidya Badji, Atika n’avait plus de raison d’être quand le témoignage de la France a confondu l’abbé Diamacoune Senghor sur la question de l’indépendance, la Casamance n’ayant jamais été une entité détachée de la colonie du Sénégal comme la presqu’île du Cap-Vert par exemple.

 

L’attitude des trois régimes successifs a été ambivalente envers les politiques et les militaires et des positions privilégiées acquises par certains leaders d’opinion supposés avoir de l’influence sur le maquis, sinon soupçonnés d’être de la dissidence. Le règlement de la crise casamançaise par la corruption est allé de la cooptation politique aux mallettes d’argent. Tant qu’à faire, le seul expédient qui n’a pas été expérimenté a été le chant du cygne du président Abdoulaye Wade quand il a promis la lune à l’un des illustres fils de Casamance, Abdoulaye Baldé. Les présidents successifs ont manqué d’imagination en ne nommant pas Premier ministre un Robert Sagna ou un Pierre Goudiabi.

 

La motivation profonde de la crise casamançaise est en effet partie du rejet de l’hégémonie islamo-ouolof accentuée par le départ de Léopold Sédar Senghor par l’abbé Diamacoune Senghor. La chimère d’une indépendance casamançaise a pris corps avec les problèmes fonciers suscités par l’administration centrale. Le contexte international reste favorable à cette option avec l’indépendance du Sud-Soudan mais l’environnement serait hostile à une Casamance indépendante proie facile d’une Guinée-Bissau en déliquescence. Mais surtout malgré la tension latente, le moral de l’armée sénégalaise reste d’airain.

 

 

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