Publié le 19 Jul 2013 - 17:01
La Chronique de MAGUM KËR

Les Augures du 14 juillet

 

L’armée sénégalaise du temps du président Macky Sall ''né après les indépendances'' comme disent pieusement les adventistes de la rupture, balance langoureusement entre l’influence de la France et la fascination de la puissance américaine.  Ce grand écart date de l’ère post Senghor quand le corps des officiers a été repris en main par les États-Unis à travers une offre de formation dans les prestigieuses académies pour les besoins des conflits de la guerre froide.

Les conflits postérieurs sont d’autant moins régulés qu’ils sont conditionnés par une stratégie de vengeance planifiée après les attentats de septembre 2001, de quoi résulterait dans son aspect global une nouvelle guerre mondiale irrégulière contre l’islamisme combattant. Les effets collatéraux des guerres livrées en terre d’Islam, en Libye, ont étendu à l’Afrique occidentale et tropicalisée un contentieux entre Occidentaux et Arabes dont la prise de partie des forces armées de la région en fait les nouveaux ''tirailleurs sénégalais''.

La question la plus pertinente après l’entrée en guerre proclamée par le président Macky Sall dans ses œuvres de commandant en chef des forces armées sénégalaises, sans une déclaration de guerre formelle, est de savoir si les Sénégalais avaient élu un chef de guerre?  Le Sénégal, malgré les lourdes pertes occasionnées de part et d’autre par la rébellion indépendantiste, ne s’est jamais vraiment considéré en état de guerre. Les poseurs de mines anti personnelles, acte terroriste avéré, n’ont jamais été mis au ban de la communauté internationale, les preneurs d’otages non plus, surtout ceux qui s’en prennent aux démineurs dans un acte de revendication de ce forfait.  Devant une pareille pusillanimité de notre opinion nationale sur la question de sa propre souveraineté nationale et de son intégrité territoriale, qui serait assez fou pour miser sur un appui ferme à l’engagement au Mali de nos forces armées et à leur déploiement inédit aux frontières?

Car la guerre du type que nous envisageons ne se passe pas aux frontières sinon, c’est au Mali que nous aurions déclaré la guerre. Ce qui n’est pas le cas et la nuance est de taille : nous avons déclaré la guerre à des séditieux qui, comme le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), sont sécessionnistes donc encore des nationaux même s’ils veulent cesser de l’être. Dans ce cas d’espèce, aller attendre l’ennemi aux frontières relève d’une absurdité qui emmène à se demander si le président de la République que nous avons aperçu flanqué de conseillers très spéciaux dans le domaine militaire, relativiserait les avis du Conseil supérieur de la défense national par ceux de ces charlatans.  Ou alors si tel n’était le cas, devrions-nous lier les inconséquences qui affleurent dans les actes de conduite de guerre du pouvoir aux critiques sur les nominations des officiers supérieurs à la tête des différentes armées dans la logique de savoir si vraiment celles-ci sont appropriées ?

Mais le danger qui menace de l’intérieur notre équilibre institutionnel se trouve dans la logique que nos supposés alliés développent dans une nouvelle conception de la démocratie qui leur fait apprécier dans une action subversive peu ou prou massive un courant démocratique à soutenir y compris par la fourniture d’armes et si nécessaire contre un régime élu démocratiquement et en cours demandat. Cette conception de nos régimes, celui de Macky Sall à l’occasion, à subir une fronde de masse soutenue éventuellement par un ou un plusieurs alliés qu’il aurait déplu à l’occasion d’un désaccord ponctuel. Pour ce qui concerne la France, il semble que toute élection doive n’être qu’une formalité sur laquelle pèserait sa vigilance dans la sauvegarde de ses intérêts surtout économiques. Ainsi la fraternité d’armes affichée pendant le défilé militaire de la fête nationale française occulte-t-il la complicité nouée avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui conserve un sanctuaire en territoire dit malien et en période électorale. Le silence de la diplomatie sénégalaise occulte aussi la clarification de la position française sur la Casamance.

La signification historique de ce 14 juillet est d’ailleurs assez révélatrice de la conception à géométrie variable que la France moderne, née d’une révolution autoritaire et violente, a de la démocratie : Cinq jours avant, le 9 juillet, l’Assemblée nationale était devenue la Constituante.  Le 12, Necker avait été congédié.  Les électeurs parisiens qui avaient peu voté, 1 076 seulement sur 50 000 inscrits, manifestent, occupent l’Hôtel de ville et y installent le comité permanent de la commune qui se dote d’une force armée en ralliant la garde française.  Le 13, les insurgés s’emparent des 20 canons et des 28 000 fusils stockés aux Invalides.  Le 14, une section de gardes français marche sur La Bastille pour se procurer de la poudre et des munitions. La forteresse n’est défendue que par 32 Suisses et 82 invalides qui capitulent après avoir essuyé 4 heures de canonnade, couché morts 100 assaillants et blessé 115 autres.  Hormis la boucherie, l’apport de cette journée à la révolution est bien maigre : l’exécution de cinq prisonniers dont le gouverneur du fort et puis la libération de 7 prisonniers de droit commun dont deux malades mentaux.

Notre rapport au colonisateur recèle bien d’impostures et celle qui s’est jouée sous nos yeux cette semaine avec le défilé de la Fête nationale française n’est pas des moindres : le rituel rappelle le triomphe de César ramenant de la guerre des Gaules, arrimé à son char, Vercingétorix le fier Arverne de nos livres d’histoire.  A l’ère de la transparence et de la démythification, les nouveaux historiens nous diront qu’il n’était ni moustachu ni chevelu, sa crinière de lion était en son temps passée de mode dans une Gaule déjà soumise par les légions romaines. Au surplus, le chef des Arvernes était un auxiliaire des Romains qui frayait avec Jules César, ce qui explique plus son exécution que la trop connue sentence qui vouait les vaincus au malheur.  La symbolique est double d’une armée malienne défilant sur l’Avenue des Champs-Elysées 54 années après que son premier commandant en chef, le président Modibo Keïta ait posé les actes de ruptures les plus conséquents.

 

 

 

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