Publié le 22 Nov 2012 - 11:51
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Querelles d’argent

Image, Google

 

 

L’alternance nous a emmené la sempiternelle querelle d’argent dans laquelle se vautrent les libéraux de l’ancien et du nouveau régime. Ouverte sur la séquence de l’éblouissement du nouveau président Me Abdoulaye Wade et son Premier ministre Idrissa Seck devant la manne financière laissée par le président Abdou Diouf, elle s’est terminée par un non-lieu, certainement dépitée des tribunaux, et une séparation désormais définitive des anciens frères de partis. Senghor n’avait jamais d’argent sur lui et Abdou Diouf ne parlait pas d’argent. La grande perversion des mœurs politiques par l’argent va marquer toute la période wadienne pendant laquelle le peuple travailleur entendra bourdonner les milliards devenus l’unité de compte et n’en verra les miettes qu’au crépuscule des scrutins incertains.

 

Au soir de la seconde alternance, le Sénégal croyait avoir tourné cette page grise de son histoire, le président sortant ayant fait la preuve que l’achat des consciences n’était pas une assurance de perpétuelle victoire aux urnes. Devant l’exigence du peuple d’assainir les finances publiques, le nouveau régime avait manqué d’imagination et la querelle originelle entre les deux caciques libéraux recommençait de plus belle, alimentée par une vieille trouvaille d’Abdou Diouf, la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Ni la loi de 1982 ni la dispute de 2002 n’avaient permis de recouvrer le moindre centime mais pour les nouveaux libéraux, il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer pourvu que cette démarche apparemment implacable soit un sujet de rhétorique politique.

 

D’où l’angoisse des Sénégalais de voir le probable quinquennat de Macky Sall s’épuiser dans des arguties politico-morales sans fin. La logomachie passablement débile de la classe politique sur le thème de savoir où sont passés les milliards ne saurait tenir en haleine les populations. Leur impatience est à la mesure de l’attente de solutions du chef qu’ils se sont librement donné que de ses affidés, parmi lesquels certains ont servi tous les régimes qui se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance ou au moins celui de Wade. Mais sans doute ceux de l’époque du règne socialiste sont moins dangereux en ceci qu’ils ne se font plus beaucoup d’illusion à reconquérir le pouvoir d’État dès lors que le rapport d’âge est en faveur de Macky Sall.

 

L’espérance d’être élu est, elle, plus réelle pour la plus jeune génération, que le postulant vienne des rangs de l’opposition actuelle ou de la mouvance présidentielle. C’est sous ce rapport que l’actuel bras de fer qui oppose les anciens libéraux, avec Karim Wade comme la cible la plus exposée, est intéressant. Quand Abdoulaye Wade avoue dans la colère qu’il a aussi bien enrichi son fils que l’actuel président, il reste fidèle à une certaine option politique, sans souci de la morale, d’enrichir ses alliés. Car et c’est en adéquation avec son obédience libérale qu’en tout état de cause, c’est le plus riche qui a le plus de chances de remporter la victoire aux élections.

 

Le paysage politique tel que le président Wade l’a transformé pendant ses dix années de pouvoir est soumis à ce climat. C’est la compétition de petite bourgeoise dans la revendication de toujours plus d’argent. La question de l’enrichissement illicite est donc hautement politique et doit donc se régler par des voies politiques et non par des moyens judiciaires si malgré leur antagonisme exacerbé, les libéraux tiennent à leur survie en tant que famille idéologique. Cette volonté de commune survie, Macky Sall y a souscrit en acceptant une rencontre avec la délégation du Parti démocratique sénégalais (PDS) lors du congrès de l’Internationale libérale à Abidjan. Le président Wade lui-même y est sensible puisque c’est la médiation du président ivoirien Ouattara qui l’a empêché de venir chauffer les rues de Dakar à l’occasion de l’audition de son fils.

 

Pour le moment, le président Macky Sall envoie des signaux contrastés comme la liquidation brutale de son ministre des Affaires étrangères et de son ministre de l’Intérieur, ses compagnons de première heure. Ce qui peut inciter les ralliés de la 11e heure à croire que l’Alliance pour la République (APR) a des vides à combler par des compétences dont beaucoup sont plus prétentieuses que réelles. Il reste que son jeu est dangereux parce que le parti présidentiel doit rester non seulement la force dominante de l’alliance au pouvoir mais aussi le centre de conception le plus cohérent et le plus fécond de l’action gouvernementale, comme le PDS l’a été jusqu’à son sabordage par son chef évincé du pouvoir.

 

Certaines informations font état de l’éventuel retrait de la loi sur l’enrichissement illicite au profit de la création d’une Cour de répression des crimes économiques et financiers. La ruée vers Touba de presque toute la classe politique, y compris la fraction au pouvoir, décèle une panique compréhensible. Car si le corps des magistrats, syndiqué par ailleurs, fait preuve d’une certaine autonomie par rapport au pouvoir, la loi sur l’enrichissement illicite réactivée pourrait étendre ses tentacules au-delà du champ d’investigation souhaité par le pouvoir. Ou servir plus tard à perpétuer un règlement de comptes politiques. Autant trouver hic et nunc des accords politiques sur la restitution des biens meubles, immobiliers et financiers non justifiés en échange de la liberté.

 

 

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