Publié le 19 Apr 2019 - 19:36
LOI SUR LE CONTENU LOCAL

Le Patronat réclame les décrets d’application 

Mansour Kama en compagnie de Serigne Mboup

 

La Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) appelle le gouvernement à accélérer la signature des décrets d’application de la loi sur le contenu local, afin de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz. L’appel a été lancé hier, par leur président Mansour Kama, lors d’un atelier sur le sujet.

 

La loi sur le contenu local, votée l’année dernière à l’Assemblée nationale, permet aux entreprises du Secteur privé de bénéficier de certains privilèges dans l’exploitation du pétrole et du gaz face à aux multinationales. Sachant que l’exploitation de ces ressources naturelles est prévue à partir de 2021, le Secteur privé national plaide pour la signature des décrets d’application. ‘’Une loi n'en est réellement une que si elle a des décrets d'application. Donc, nous demandons un ‘fast-track’, en ce qui concerne les décrets d'application. Mais, il faut que ces décrets fassent l'objet d'un examen, le plus rapidement possible, dans le cadre d'une concertation entre le Secteur privé, les acteurs et les autorités de l'Etat chargées de leur confection’’, indique le président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). Mansour Kama s’exprimait lors d’un atelier sur le contenu local.

Selon lui, c'est avec ces décrets, qu’ils cerneront le contenu de la loi. Car, il souligne qu’elle a spécifié un certain nombre d'éléments, c’est-à-dire les entreprises à désigner. ‘’Mais nous voulons aller plus loin dans les décrets pour faire des distinctions entre les entreprises locales et les entreprises internationales. Qu'on puisse aussi déterminer les secteurs d'exclusivité qui seront réservés aux nationaux et les secteurs considérés comme mixtes où il faudra des partenariats qui vont encadrer le transfert de technologie. Et ceux qui seront plus ouverts à l'international. Parce que, nous n'avons pas encore atteint le stade de développement de nos entreprises pour nous permettre d'appréhender ce secteur’’, ajoute M. Kama.

Une fois qu’ils entreront dans cette distinction, leur responsabilité sera de ‘’se mettre à niveau’’, déclare le président de la Cnes. Il s’agira aussi de lancer les investissements pour avoir les équipements dont ils ont besoin, au cas où, ils vont produire pour ces sociétés pétrolières. ‘’Nous sommes prêts à tendre la main à tout le secteur privé, pour qu'ensemble, on puisse créer des consortiums d'entreprises qui pourront répondre à ces besoins, de créer aussi des cadres d'investissement. Ceci, en y mettant les banques locales prêtes à accompagner, les assureurs aussi pour que nous n'ayons plus une répartition et une division de nos forces’’, dit-il. Car, selon le patron de la Cnes, le secteur est ‘’capable’’ de générer des revenus importants, comme les autres secteurs, et surtout de contribuer au développement du pays.

‘’Il faut que le patronat soit dans le management’’

Cette unité du privé national est également prônée par le président de l’Association sénégalaise pour le développement de l’énergie en Afrique (Asdea). Serigne Momar Guèye explique qu’il y a des activités qui vont être définies par décret, qui touchent trois branches.  ‘’On a les activités exclusives qui vont être dédiées à 100 % aux entreprises sénégalaises. Il s’agit de l’hôtellerie, du service médical, de l’assistance technique, le service intellectuel, etc. Ceci, le patronat peut le faire rapidement. Il y a aussi une phase qu’on appelle les activités mixtes’’, fait-il savoir. A ce niveau, M. Guèye signale que des partenariats sont ‘’nécessaires’’.

Parce que le patronat sénégalais n’a pas l’expérience qu’il faut. ‘’Il faudra des groupements d’entreprises sénégalaises et étrangères, mais, avec un fort contenu local. Il ne faut pas uniquement qu’il y ait un nom sénégalais. Il faut que le patronat soit dans le management, l’actionnariat et le personnel. Et pour les activités non réservées, elles sont à un taux très faible de contenu local. Parce que c’est un domaine très technique. Il faut des forages, et on n’a pas encore l’expérience’’, poursuit le président de l’Asdea. D’après M. Guèye, dans la loi et les décrets, ceci va être précisé. Ainsi, il pense que même ces activités qui sont à ‘’faible contenu local’’, il faut qu’il y ait un plan de développement pour que, d’ici quelques années, les Sénégalais puissent prendre la place. ‘’A ce propos, un programme doit être mis en place par le gouvernement. Maintenant, il faut que le patronat joue son rôle, qu’il soit impliqué à 100% aussi bien au niveau des décrets et de la définition des politiques’’, dit-il.

‘’Ne pas avoir de complexe’’ face aux multinationales

De son côté, le vice-président de l’Asdea, dénonce l’absence des multinationales, lors de cette concertation. Pour El Hadji Ibrahima Ndao, déjà dans le processus d’exploration qui est en cours, les étudiants devaient être sélectionnés pour participer à ces travaux. ‘’Parce que, si vous ne le faites pas, vous ne saurez jamais comment on fait des études pour explorer le pétrole. Si cette phase est achevée, on n'aura plus d'occasion de savoir comment y parvenir. Donc, voilà des manquements’’, regrette l’ancien Directeur général de la Senelec. En effet, M. Ndao, rappelle que le rôle du contenu local est d’augmenter des recettes de l'Etat.

Les compagnies ont tendance à ‘’augmenter les coûts d'exploitation’’ qui sont à défalquer des revenus qu'ils vont donner à l'Etat. ‘’Et ces coûts, ils vont dire que j'ai acheté un climatiseur à Singapour, alors qu'ils peuvent l'acheter ici. C'est ces genres de services, de produits ou d'approvisionnement, qui vont augmenter la donne. Et en fin de compte, quand l'Etat va se présenter pour prendre sa part, au lieu d'avoir 100, on va lui donner que 30% qui reste et dira : on a dû acheter ceci ou cela’’, renchérit-il. Pour M. Ndao, il ne faut pas ‘’avoir de complexe’’ face aux multinationales.

‘’Ne dites pas qu'on n'a pas de technologie, c'est une question d'argent et de volonté. Regroupez-vous. Je propose que, dès la semaine prochaine, la CA, le CNPA et la CNES se retrouvent pour recenser toutes les entreprises qui existent dans ce pays-là, qu'on fasse un classement et pour qu'ensemble on établisse une plateforme d'économie. N'attendez pas que l'Etat le fasse pour vous, ce n'est pas possible, c'est à vous de le faire. Il faut être proactif, prendre la décision tout de suite’’, préconise le vice-président de l’Asdea. Car, il souligne que les compagnies pétrolières ‘’n'ont pas de temps à perdre’’.

Quantités de gaz découvertes

Concernant les quantités de gaz qui ont été découvertes au Sénégal, l’ancien Dg de Senelec souligne que c’est ‘’au moins 800 milliards m3 de gaz exploitable’’. ‘’Je fais toujours la comparaison avec ce qui se faisait en France, en 1951. La France a découvert 265 milliards de m3 de gaz et, de 1957 à 2017, ils l'ont exploité. Ils ont fait venir le gaz dans toutes les maisons et dans toutes les communes de la localité. Et vous pensez qu'on ne peut pas le faire. On peut distribuer le gaz dans tout le Sénégal. On connait toutes les rues et concessions, le ministère de l'Intérieur détient le nombre exact de maisons. Et si on le fait, on peut développer toute une industrie gazière et développer le Sénégal, en l'espace d'une génération’’, affirme M. Ndao.

GNAGNA LAM, SECRETAIRE PERMANENT DU COS-PETROGAZ

‘’ L’équation du partage de production montre…‘’

Il convient de souligner que la loi sur le contenu local met en exergue certaines prérogatives, dans le cadre de l’exploitation des ressources naturelles au Sénégal. Le Secrétaire permanent du Cos-Petrogaz, Gnagna Lam, l’a explicité, lors d’une présentation à cette occasion.

‘’Il est prévu des navires pour transporter le personnel et assurer la sureté des opérations en mer. Ce qui constitue une opportunité de développement pour les communautés de pêcheurs. L’équation du partage de production montre clairement que la promotion du contenu local ne doit pas être un motif de dérapage des dépenses au détriment des profits pétroliers de l’Etat.

L’analyse des capacités industrielles actuelles du Sénégal indique que toutes les activités ne sont pas immédiatement propices au développement du contenu local. Donc, la loi établit l’importance de favoriser le renforcement de la compétitivité nationale et internationale des entreprises sénégalaises. Elle définit des régimes selon le degré de pertinence en matière de contenu local.

A côté de la loi, des décrets d’application sont en cours de préparation pour couvrir les points clés. Il s’agit notamment des principes de dérogation au contenu de ‘’contenu local’’, des modalités entourant le plan de contenu local des entreprises, la classification d’activités en régime exclusif et mixte. Mais aussi, des modalités de participation des investisseurs locaux aux sociétés de droit sénégalais créées par les entreprises étrangères.

Dans ce sillage, des décrets sur le financement du fonds d’appui au développement du contenu local, les modalités de contrôle du contenu local dans les appels d’offres, celles liées à la plateforme de qualification et sur les principes de fonctionnement du Comité national de suivi du contenu local. Sur ce, la loi impose aux entreprises étrangères qui doivent exploiter le pétrole et le gaz certaines normes à respecter. Celles-ci concernent le capital, les biens et services, le personnel, le transfert de technologie et les organes de contrôle.

Pour le capital, l’implication d’une structure locale est obligatoire et il doit être ouvert aux investisseurs sénégalais. Par rapport à l’acquisition des biens et des services, il est exigé aux multinationales, la préférence nationale. La loi prévoit aussi la mise en place d’une plateforme électronique de mise en concurrence. Et concernant le personnel, en dehors de la préférence nationale, les emplois non qualifiés doivent être réservés aux populations locales en priorité et avec une obligation de formation’’.

MARIAMA DIEME

 

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