Publié le 21 Jan 2019 - 20:48
MARCHES FINANCIERS ET INVESTISSEMENT PRIVE

Les avantages de regrouper les bourses africaines 

 

Le Directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm), Kossi Felix Edoh Amenounve, milite pour le regroupement de la Brvm, de la Bourse de Lagos et du Ghana. Ainsi, l’espace aura la 2ème place sur le continent derrière l’Afrique du Sud, avec presque 60 milliards de dollars de capitalisation.

 

Comment les marchés financiers mieux intégrés peuvent-ils dynamiser l’investissement privé en Afrique ? C’est la question sur laquelle, le Directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm), Kossi Felix Edoh Amenounve, a été appelé à débattre, vendredi, à l’occasion du 2ème jour de la Conférence sur l’émergence de l’Afrique ouvert depuis jeudi à Dakar. Selon le patron de la Brvm, les marchés des capitaux sont des sources de création de richesses. ‘’Il n’y a pas eu de zones de développement sans le développement du marché des capitaux. Dans les pays développés, les marchés des capitaux sont très dynamiques. La question qu’on doit se poser c’est de savoir est-ce que les pays africains peuvent toujours continuer sur les sources traditionnelles de financement’’, a-t-il interrogé.

Si l’on sait que les pays qui ont réussi cette transformation structurelle et cette intégration du secteur privé, ont travaillé essentiellement sur le développement de leur marché de capitaux. D’abord, en essayant d’avoir des marchés très profonds. C’est-à-dire, celui qui a la capacité d’absorber tout type de mission, en travaillant sur les difficultés de leur marché, de manière à permettre aux investisseurs d’entrer et de sortir sans difficultés. Mais aussi, sur la taille des marchés.

Dans cette optique, le Dg de la Brvm préconise le regroupement des bourses à l’échelle régionale et même continentale. Ce qui va ‘’forcément’’, d’après lui, leur conférer une certaine taille. ‘’Si on a une intégration en Afrique de l’ouest, et au niveau de la Cedeao, entre la Brvm, la Bourse de Lagos et du Gnana, on aura la deuxième place sur le continent derrière l’Afrique du Sud, avec presque 60 milliards de dollars de capitalisation. Ce marché ouest-africain devra constituer une plateforme beaucoup plus importante de levée de ressources pour les Etats, les entreprises’’, dit-il. Pour Kossi Felix Edoh Amenounve, l’enjeu aujourd’hui, c’est de donner un rôle plus important aux sources de financement qui proviennent du continent. D’où, l’importance de créer un ‘’cercle vertueux’’ de richesses sur le continent.

En réalité, sur le continent africain, il y a 29 bourses avec une capitalisation boursière sur environ 1100 milliards de dollars, soit un peu plus de 1% de celle mondiale. Toutes les bourses africaines ne pèsent que 49% du Produit intérieur brut (Pib) du continent, comparé aux 100 ou 200% en Europe, en Asie. L’Afrique du Sud pèse, à elle seule, 18% de la capitalisation boursière africaine. Les autres bourses ne représentent que 12%. ‘’Ayant des marchés aussi fragmentés, peu profonds, est-ce qu’on peut impulser vraiment une dynamique du secteur privé, est-ce que l’intégration pourrait être une solution ? Sans doute l’intégration peut apporter des solutions à la dynamisation du secteur privé, d’aller au-delà de ses frontières’’, insiste le Dg de la Brvm.

Toutefois, M. Amenounve signale qu’il y a des initiatives qui sont en cours sur le continent, d’abord en Afrique de l’ouest, notamment au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). ‘’Nous avons entamé, depuis bientôt 5 ans, des travaux pour intégrer la bourse de Lagos, la Brvm, la bourse du Ghana et du Cap Vert. Il y a également des initiatives en Afrique de l’Est et on peut saluer les toutes dernières opérations. Parce qu’on a des opérations sans frontières aux bourses de l’Afrique de l’est. La Sadec aussi travaille sur le sujet’’, fait-il savoir.

Cependant, pour l’intégration, il y a quand même des conditions. Ainsi, le patron de la bourse de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) souligne la nécessité d’harmoniser la réglementation. Au-delà de cet aspect, le développement de l’épargne locale reste une priorité dans ce processus. ‘’Il faut développer la culture de l’épargne dans nos pays. Si on n’épargne pas assez pour que cet argent soit investi pour générer de la richesse, qui vous permet d’épargner davantage, nous aurons toujours besoin de l’argent des autres massivement. Or, l’objectif est de faire en sorte qu’il ait une complémentarité entre les ressources extérieures et qui celles qui sont mobilisées sur le plan national’’, relève M. Amenounve.

Bref, il estime que tous les leviers qui devraient permettre de le faire, notamment, la promotion des ressources humaines, le développement de l’assurance, doivent être actionnés pour permettre au marché boursier de se développer. Il est primordial d’avoir un cadre qui renforce l’amélioration du climat des affaires, la gouvernance des entreprises, etc.

Ibrahim Assane Mayaki : ‘’Il n’y a aucun secteur prioritaire par rapport à d’autres’’

Il faut noter que la question de l’intégration n’est pas seulement une priorité pour le marché boursier. En effet, le Dg de l’Agence de développement de l’Union africaine ex-Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) indique, lors d’une autre plénière sur ‘’l’inclusion comme gage de soutenabilité des dynamiques d’émergence’’, que la réduction de la pauvreté ‘’n’est pas seulement’’ une question nationale. Il faut une stratégie régionale. Là, Ibrahim Assane Mayaki souligne qu’il y a des moteurs qui doivent être mis en place. Il s’agit, notamment, de co-production des politiques publiques. ‘’Ce qui est important, ce n’est pas de définir un plan et d’appeler après le secteur privé pour voir comment le mettre en œuvre. L’idée c’est de le co-définir avec ce secteur et les autres acteurs de la société’’, dit-il.

En dehors d’une méthode globale, M. Mayaki signale que les économies africaines qui se portent le mieux, ne sont pas dépendantes de l’exportation de matières premières. Ce sont celles qui ont commencé à se diversifier, avec des taux de croissance assez significatifs. ‘’La réduction de l’extrême pauvreté sera dépendante du système agricole. Ce qui ne veut pas uniquement se focaliser sur le développement de l’agriculture. Cela veut dire la transformation de l’économie rurale en la diversifiant. On dit souvent que parmi les 7 économies qui croissent le plus au monde, 6 sont africaines. Mais, on oublie de dire que parmi les 7 les plus inégales au monde, 6 sont africaines. Donc, l’inégalité est un point qui me semble très important’’, poursuit-il.

Pour le Dg de l’Agence en charge du développement de l’UA, la question nécessite une réflexion à des solutions systémiques. ‘’Ce qui veut dire qu’il n’y a aucun secteur prioritaire par rapport à d’autres. Tout système politique, administratif, en général, qui a une bonne politique de l’énergie en a une bonne en éducation, en santé, etc.’’, souligne Ibrahim Assane Mayaki. En plus, il pense que la nutrition sera le facteur déterminant de la formation du capital humain, à savoir le développement du cerveau des enfants. Et, le fait de mettre l’accent sur la compétitivité est très important. ‘’Parce que très souvent, on met l’accent sur la création d’emplois. Mais, comme dit l’Organisation mondiale du travail (Omt), on vise des emplois décents. Pour cela, il faut mettre l’accent sur la compétitivité, la création de Petites et moyennes entreprises (Pme)’, ajoute M. Mayaki.

A ce propos, la Présidente directrice générale de Bioessence a renchéri que le problème de l’entreprenariat des jeunes et des femmes en Afrique ‘’n’est pas généralement’’ l’accès aux financements, ni la lourdeur des investissements. C’est plutôt l’accès à l’information et à la ‘’bonne information’’, quand il le faut. ‘’Et le secteur privé, de même que l’Etat, doit la mettre à la disposition des populations, surtout celles des zones rurales. Beaucoup de gens ignorent qu’on peut créer des essences pour les soins de beauté ou des arômes naturelles avec les pelures des oranges qui sont, en général, jetées. Le rôle de l’Etat et du secteur privé est de montrer à la population rurale la richesse qu’elle a et comment la transformer. On a un challenge énorme d’intégration de la compétitivité’’, estime Mame Khary Diène. Qui intervenait sur l’inclusion des femmes et des jeunes dans la création d’emplois décents, à cette occasion.

MARIAMA DIEME

 

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