Publié le 11 Jun 2014 - 10:24
NOTE DE LECTURE

Le Coran et la culture grecque  Par le Professeur Oumar Sankharé, L’Harmattan 2014

 

 
« Le temps est révolu de laisser aux prétendus religieux le soin de théoriser des inepties sur le Coran qui représente l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de la littérature universelle » (P16). À travers son livre Le Coran et la culture grecque, le Professeur Oumar Sankharé piste et relève ‘’les traces de la culture grecque dans le Coran’’.
 
L’œuvre de 197 pages est subdivisée en 6 parties dont les thèmes aussi divers que variés vont de la mythologie à la rhétorique gréco-latine, en passant par l’histoire, la littérature, la philosophie, la philologie, avec le dessein revendiqué d’interroger ces domaines de l’hellénisme pour en étudier l’apport des concitoyens de Platon au monde arabo-islamique. 
 
Dans sa démarche, l’auteur se propose de ‘’réexaminer le Coran avec un esprit neuf dégagé des pseudo-certitudes de la féodalité ‘’maraboutique’’ et de la falsification de l’histoire de l’islam perpétrée par l’Occident qui s’est efforcé d’oublier son héritage arabe dans la transmission et l’enrichissement du legs hellène’’. Cet ouvrage rédigé par un ‘’helléniste doublé d’un arabisant’’ se veut donc une ‘’contribution majeure au dialogue des cultures ; un pont de fraternité qui relie l’Orient et l’Occident’’, selon le texte de présentation sur la quatrième de couverture.  
 
Pr Oumar Sankharé se propose rien de moins que de restituer ‘’à l’islam les lumières de la rationalité grecque que des siècles d’obscurantisme et d’ignorance avaient tenté d’éteindre’’. Un vaste programme qui n’a pas rebuté l’universitaire agrégé de Lettres Classiques et de Grammaire. Car pour avoir soutenu une thèse sur Homère et la littérature byzantine du XIIe siècle, à l’université de Paris IV-Sorbonne, le Pr Sankharé est un amoureux de la culture gréco-latine qu’il maîtrise. Il fait montre de cette vaste culture dans l’ouvrage qui la revisite de long en large. L’introduction donne le ton du livre. L’auteur y démontre que le contexte politique a joué un rôle non négligeable dans l’histoire de la rédaction du Coran. Notamment les luttes sanglantes pour l’accession et la conservation du trône. 
 
‘’Le Coran est rempli de récits merveilleux qui, pour la plupart, se rapportent à la mythologie grecque’’ (P27). Si ces mythes de la tradition grecque et romaine confèrent, selon l’auteur, une valeur mystique aux sourates, ceux-ci s’évertuent à montrer à travers eux que Dieu s’est toujours adressé à l’humanité à travers l’histoire et que son message qui prescrit le bien et qui proscrit le mal reste éternellement identique, avec quelques divergences dans les formes. Le professeur revisite ainsi neuf mythes grecs et six mythes romains dont celui de Tantale (sourate XIII 14 « Ar Rad (le tonnerre) »,  de Sisyphe (sourate LXXIV, 16-17, de la première femme (La Sourate des femmes),  An-Nisa IV, 1 », le Sacrifice de Curtius (XXXIX, 39-40.
 
« Tous ces récits que mentionne le Coran sont qualifiés d’antiques. Ils peuvent donc représenter des variantes tirées des mythologies anciennes », souligne le texte. A la question : « Peut-on alors parler de filiation directe entre la mythologie gréco-romaine et les ‘’récits antiques’’ du Coran ou de permanence de l’esprit humain qui se manifeste à travers ces similitudes », l’auteur répond : « il nous semble que la Vérité se trouve dans la foi du Croyant qui est convaincu que Dieu n’a jamais cessé d’envoyer Son message à l’humanité ». 
 
 A l’instar des mythes, certaines pratiques cultuelles de la Grèce ancienne, comme la dîme (la zakâte), les rites funéraires et leur importance, le culte du soleil, la punition divine, ainsi que l’associationnisme, sont, selon l’auteur, le témoignage de l’impact de l’hellénisme sur la civilisation musulmane. Ainsi, dans le sixième point de ce chapitre qui traite du Prophète illettré, l’auteur relève que dans les religions antiques, les prophètes étaient les interprètes de la divinité.
 
A ce titre, ils recevaient l’inspiration et rendaient des oracles au nom des dieux. Instruments passifs de la toute-puissance de ceux-ci, ils étaient choisis dans les couches populaires qui n’avaient pas reçu d’éducation pour transmettre tels quels les oracles divins sans rien pouvoir y ajouter de leur cru. Le Pr Sankharé affirme que si telle est la tradition qui fait de Muhammad un prophète illettré, ce qui était destiné à garantir l’authenticité du message qu’il véhiculait. En réalité, l’expression à laquelle les exégètes du Coran se réfèrent ‘’Nabiyyun ummiyun’’, devrait être traduite par ‘’un prophète de votre communauté’’. Un sens confirmé, selon lui, par le verset IX ; 128 «Le désaveu». 
 
Plus loin, parlant de littérature, l’auteur montre comment la circulation des textes grecs dans l’empire byzantin a très tôt familiarisé les arabes avec l’œuvre des écrivains grecs des périodes classique et postclassique,  ainsi qu’avec les auteurs latins.
 
Ainsi, dans le chapitre XII consacré aux post-socratiques, l’auteur fait le parallèle entre la voix mystérieuse entendue par Saint Augustin et celle de l’Ange Gabriel qui s’adressa au Prophète et cite la sourate (IVC, 1-5) : ‘’Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’un caillot de sang. Lis ! Car ton Seigneur le Très Noble est celui qui a enseigné par la plume. Il a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas ». L’auteur en conclut qu’il serait faux de prétendre que le prophète était illettré.  
 
A travers donc l’histoire, la littérature, la philosophie, la philologie et la rhétorique, l’auteur poursuit sa démonstration. Il affirme que des civilisations qui ont marqué de leur empreinte l’Islam, celle de la civilisation de Byzance dénommée empire romain d’Orient et citée dans le Coran par la sourate XXX Ar-Rûm (les romains) est la plus visible.
 
Même s’il n’en demeure pas moins que la civilisation gréco-romaine a fortement influé. L’auteur souligne le pacte signé entre les Mecquois, l’empire byzantin, l’empire perse et le Négus d’Ethiopie pour assurer le trafic des caravaniers. Selon le Pr Sankharé, du temps du prophète, l’empire romain englobait une grande partie du monde arabo-musulman (Syrie Egypte Afrique du nord. Or ‘’cet empire avait cessé d’être romain pour adopter le grec comme langue officielle, … dans ces conditions, il devenait impossible à la civilisation musulmane de renoncer au substrat culturel grec’’. 
 
Au terme de sa démonstration, le professeur Oumar Sankharé aboutit à la conclusion que ‘’la présence de la culture grecque qui est le sujet de ce livre ne pourra désormais plus être mise en doute’’. Après avoir navigué sur ce ‘’long fleuve hellène qui a irrigué tout le monde arabo-musulman’’, l’auteur se félicite, à l’instar des penseurs mu’tazilites qui dès le VIIIe siècle ont cherché ‘’à dépouiller le message divin de tout obscurantisme’’, de contribuer à l’éclatement de cette vérité : ‘’Le Coran se veut comme le livre fondateur d’une religion universelle embrassant l’ensemble de la fraternité humaine.’’
 
A coup sûr, l’auteur laisse divaguer un regard helléniste sur les terres de l’Islam. Ses détracteurs lui reprochent de n’être pas assez imbu de la culture coranique et de ne pas maîtriser assez les textes. L’ouvrage n’a pas du reste fait l’objet de débats contradictoires avec l’auteur, professeur agrégé de grammaire, qui n’a pas voulu discuter avec ses détracteurs en public. On a du reste reproché à certains de ses pourfendeurs d’être intolérants, alors que le livre fait toujours polémique…
 
Gaston COLY

 

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