Publié le 20 Feb 2013 - 08:33
OBSERVANCE DES DROITS HUMAINS DANS LES LIEUX DE DÉTENTION

Les acteurs listent les insuffisances à combler

La convention des Nations unies de 1984 portant sur l’interdiction absolue de la torture, ratifiée par le Sénégal, avait entraîné notre pays à modifier son code de procédure pénale qui préconise maintenant, dans son article 295.1, la poursuite de tous les officiers de police judiciaire qui commettraient ce genre de délits d’abus ou de tortures à l’égard des personnes poursuivies. Afin d'imprégner tous les acteurs de la justice sur le cadre institutionnel, un séminaire de sensibilisation s’est tenu à Louga.

 

''Un détenu a demandé à me rencontrer un certain nombre de fois sans suite. Un jour, il me rencontre dans la cour de la prison et me supplie d’aller avec lui dans mon bureau pour que les autres n’entendent pas ce qu’il a à me dire. Et là, il me fait part de son problème : Je ne dors plus la nuit. J’ai appris que l’homme dont j’avais sectionné le bras, pour l’avoir surpris sur ma femme, vit aujourd’hui sous le même toit qu'elle. Je suis condamné à cinq ans. Si je m’évade d’ici, ce sera pour le tuer et revenir''.

 

Cette anecdote est de Badara Diop. Le Directeur de la Maison d’arrêt et de correction de Louga réagissait à un exposé sur les conséquences psychologiques de la torture, ''une véritable entreprise de démolition identitaire'', selon Oumar Ndiaye, le Chef du service Aemo, qui en a fait une présentation. Le séminaire de ''Sensibilisation à la prévention de la torture et autres abus dans les lieux de détention primaire'', organisé par la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme, a permis de faire le point sur le cadre légal contre la torture, les formalités de la garde à vue, la pratique des enquêtes, celle des mesures de garde à vue, de détention, ainsi que les expériences sur les questions de torture. Le substitut du Procureur, le juge d’instruction du 2e cabinet du tribunal régional de Louga, les représentants de la Gendarmerie et de la Police, le Directeur de la Mac ont, tour à tour, fait état de l’esprit des textes qui régissent leur travail quotidien.

 

''Pas un seul avocat ou psychologue ne réside à Louga''

 

Seulement, entre le discours et la réalité, le fossé peut être grand. ''On nous a entretenus de ce qui devrait être, mais pour ce qu’il en est réellement, il faut le constater pour s’en désoler'', a observé un participant. Les représentants de la société civile ont énuméré les multiples maux rencontrés dans les lieux de détention primaire. Ceux-ci, à les en croire, deviennent même des lieux de punition. Aux conditions qui y posent problème, s’ajoute l’absence de salle de garde à vue pour femmes et mineurs, encore moins de respect des normes. Aussi, s’il n'y a pas de violence légale admise au niveau de l’enquête, le caractère arbitraire et illégal du retour de parquet, ''qui n’a aucun fondement juridique'', a-t-il été dénoncé.

 

De même les fonctionnaires ont lancé une pierre dans le jardin de l’État, l’accusant de les fragiliser, en ne mettant pas assez de moyens à leur disposition et en ne leur assurant pas de formation . Il a également été déploré le fait que la région de Louga ne dispose pas de centre d’accueil pour enfants fugueurs et de lieux de prise en charge des conséquences psychologiques et d’accompagnement des victimes de viol. Et plus grave encore, il n'y a pas un seul avocat ou psychologue à qui on connaît une adresse dans cette partie du Sénégal.

 

Recommandations

 

Des recommandations ont été faites. Elles s’articulent autour de la construction de chambres de sûreté fonctionnelles et conformes aux normes, par rapport à l’âge et au sexe, l’aménagement de cellules respectant les normes édictées par les conventions internationales et sous-régionales, la construction de prisons aux conditions améliorées. Il y a aussi la dotation en moyens conséquents des officiers de police judiciaire, la formation continue en droits humains et la sensibilisation de tous les acteurs de la justice, la présence de l’avocat, dès les premières heures de la garde à vue, la disponibilité de psychologues pour permettre aux victimes de viol de pouvoir se reconstruire. L’allègement des peines de gens condamnés pour ne pas engorger davantage des prisons assez vétustes, remplies de détenus et ne répondant pas aux normes, l’interdiction du retour de parquet, ainsi que la mise en place de centres polyvalents et des comités de suivi en milieu ouvert figurent également, en bonne place, au chapitre des recommandations.

 

Moustapha SECK

 

 

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