Publié le 24 Jun 2020 - 20:56
ORDONNANCE MODIFIANT LA LFI

La Covid impose son budget

 

Avec un taux de croissance revu à 1,1 %, une baisse de plus de 300 milliards F CFA des recettes fiscales, un déficit budgétaire projeté à plus de 6 %, les signaux de l’économie sénégalaise virent au rouge, à la grande inquiétude du gouvernement qui s’ajuste à travers l’ordonnance du 17 juin, modifiant la loi de finances initiale (LFI) 2020.

 

Comme un sapeur-pompier luttant ardemment contre les feux, le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, devra batailler ferme dans sa croisade contre les effets néfastes de la pandémie de Covid-19. En ces temps de crise aigüe, presque tous les verrous destinés à garantir l’orthodoxie budgétaire ont été éclaboussés. Dans le rapport de présentation de l’ordonnance modifiant la LFI 2020, le ministre assume la nouvelle trajectoire. ‘’Notre pays, se justifie-t-il, assume ce dévissage budgétaire, le premier depuis huit ans. Le contexte n’étant pas au respect des dogmes classiques, mais au sauvetage de notre économie ainsi qu’à l’effondrement de nos structures sociales’’.

La messe est ainsi dite. L’économie sénégalaise est gravement atteinte et tous les moyens semblent bons pour sauver ce qui peut encore l’être. Le tableau peint par les services d’Abdoulaye Daouda Diallo est plus que sombre. En atteste le taux de croissance du PIB qui tombe de manière vertigineuse. Si, en début d’année budgétaire, ce taux était prévu à 6,8 %, à cause de la crise, le Sénégal n’envisage pas de faire mieux que 1,1 % de croissance cette année. L’inflation mesurée par l’indice harmonisé des prix à la consommation est évaluée à 2,1 % au premier trimestre, et le déflateur du PIB est projeté à 2 % contre 1,2 % dans la LFI.

Ce n’est pas tout. Le tableau fait également ressortir de graves risques qui pèsent sur les entreprises et le secteur bancaire, en particulier les PME et PMI. L’impact sur les envois des migrants, qui représentaient environ 10 % du PNB, sera également considérable, si l’on se fie aux prévisions du ministère des Finances et du Budget.

Pour Abdoulaye Daouda Diallo, la pandémie actuelle est purement et simplement ‘’une catastrophe économique’’. D’après les estimations, les effets de la Covid-19, sur le plan économique, risquent même d’être ‘’plus dévastateurs’’ que ceux entrainés par des catastrophes naturelles telles que les sécheresses et inondations, jusque-là connues par le Sénégal. Déjà, analysent les experts, cette crise a provoqué un double choc : d’abord, sur l’offre (facteurs de production en berne, baisse du commerce international, délitements des chaines d’approvisionnement, etc.). Ensuite, sur la demande (revenus des ménages en chute libre, craintes sur l’avenir qui favorisent la thésaurisation au détriment de l’investissement et de la consommation).

Ainsi, dans l’ordonnance de modification de la LFI, presque tous les signaux sont en rouge. A titre d’exemple, les recettes fiscales, initialement fixées à 2 675 milliards F CFA, sont maintenant projetées à 2 352,8 milliards, soit une baisse de 322,2 milliards en valeur absolue, 12 % en valeur relative. Globalement, les projections de recettes connaissent une baisse de 114,1 milliards (8 %) et s’établissent à 3 144,4 milliards. Pendant ce temps, les dépenses budgétaires grimpent à 4 017,1 milliards, soit une hausse de 308,2 milliards (8 %) par rapport à la LFI. Selon le document, le déficit budgétaire passe de 3 % dans la LFI à 6,1 % dans la LFR. Il est ainsi fixé à 872,8 milliards F CFA.

Pour autant, se défend le MFB, le Sénégal n’est pas en déphasage avec ses engagements communautaires. L’UEMOA, rappelle le ministre des Finances et du Budget, avait décidé, lors de son sommet extraordinaire en fin avril 2020, la ‘’suspension temporaire’’ du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité. Aussi, semble justifier Daouda Diallo, face à cette dégringolade sans précédent de l’économie, la riposte du Sénégal ne peut provenir que des mesures budgétaires. ‘’L’Etat doit agir vite ; l’Etat doit frapper fort ; l’Etat doit organiser les conditions pour que l’économie tienne ; pour que de cette épreuve la communauté nationale sorte indemne ou, à tout le moins, sans grand dommage’’, souligne le document budgétaire.

BUDGET INSTITUTIONS ET MINISTERES

La Présidence monte, l’Agriculture, l’Elevage, la Pêche descendent

Malgré la crise, les budgets de la Présidence, de l’Assemblée nationale, du Secrétariat général du gouvernement, des ministères comme les Forces armées, le Développement communautaire, entre autres, ont vu leur budget prendre parfois l’escalier, parfois l’ascenseur. Pendant ce temps, des secteurs stratégiques comme l’agriculture, l’élevage, la pêche ont vu leur budget diminuer.

En ces temps de cure budgétaire, certaines institutions et ministères ont cependant vu leur portefeuille grimper. Il en est ainsi de la présidence de la République, dont le budget passe de 78 999 170 084 à 81 739 371 516 F CFA. L’Assemblée nationale, même en chômage technique, connait également une légère hausse. Passant de 17 801 162 000 à 18 501 162 000 F CFA.

Mais la plus grande hausse, au niveau des institutions, a été constatée avec le Secrétariat général du gouvernement, dont le budget est passé de plus de 25 milliards à plus de 35 milliards F CFA.

En ce qui concerne les ministères, les fortunes sont diverses. Comme on pouvait s’y attendre, le budget du ministère de la Santé et de l’Action sociale grimpe à 222 702 441 073 F CFA, contre plus de 191 milliards dans la LFI. Quant au ministère en charge du Développement communautaire, son budget est passé de plus de 101 milliards à plus de 138 milliards, soit un bond de 37 milliards environ. Le budget du ministère des Affaires étrangères passe de plus de 65 milliards à plus de 78 milliards, celui des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement de plus de 295 à 313 milliards ; le ministère des Finances et du Budget : de plus de 218 à plus de 235 milliards F CFA…

En outre, aussi surprenant que cela puisse paraitre, le budget du ministère des Forces armées, en ces temps de pandémie, passe de plus de 198 milliards à plus de 250 milliards F CFA. Le ministère de l’Urbanisme connait également une augmentation de plus de 6 milliards, en passant de 75 à plus de 81 milliards F CFA. Idem pour la Jeunesse qui passe de plus de 14 milliards à plus de 20 milliards F CFA.

Parallèlement, d’autres départements non moins stratégiques ont vu leur dotation chuter. Ainsi, le budget du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime passe de plus de 48 à 39 milliards F CFA ; l’Agriculture : de plus de 152 à 141 milliards ; l’Energie : de plus de 255 à 225 milliards ; l’Elevage et production animales : plus de 25 à 18 milliards FCFA. Au même moment, le budget du ministère des Collectivités territoriales a connu une chute considérable, en passant de plus de 106 milliards à plus de 90 milliards F CFA.

Par ailleurs, à travers l’ordonnance portant révision de la LFI 2020, quelques retouches ont également été apportées au Plan de riposte contre effets économiques et sociaux de la pandémie. Ainsi, le soutien au secteur de la santé est fixé à 78,7 milliards, au lieu des 64 milliards initialement prévus ; le renforcement de la résilience et de la cohésion sociale passe à 103 milliards, la sauvegarde de la stabilité macroéconomique et financière à 755 milliards, la sécurisation de l’approvisionnement régulier du pays en eau, électricité, carburant, médicaments et denrées de première nécessité à 77,6 milliards.

MOR AMAR

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