Publié le 10 May 2023 - 21:57
OUSMANE SONKO ET PASTEF

 Le front de trop

 

Dotés d’une machine redoutable, Ousmane Sonko et Pastef se sont sentis suffisamment forts pour s’engager sur mille fronts à la fois. En plus de la majorité présidentielle, Pastef, pendant longtemps, a pris comme ennemis certains partis de l’opposition. Un nouveau front s’est ouvert avec Barth et Taxawu, dans un contexte où le front judiciaire s’intensifie.

 

Les alertes étaient nombreuses. Les signaux perceptibles, depuis un bout de temps. Mais Pastef refuse de faire sa mue. Avec une propension très grande à vouloir écraser tous ceux qui se démarquent de la ligne radicale tracée par son leader, refusant d’être réduits en simples béni-oui-oui. Jusque-là, la stratégie a plus ou moins marché. Ce qu’Ousmane Sonko veut, Yewwi veut. Quand il crée une coalition, tous ceux qui n’en font pas partie sont de connivence avec le régime.

Même les médias n’ont pas échappé à cette stratégie du ‘’tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous.’’ Aujourd’hui, c’est l’un des piliers sur lesquels il comptait le plus, en l’occurrence Barthélémy Dias, qui fait les frais de cette stratégie. Touché dans son amour propre, ce dernier est monté au créneau pour crier de toutes ses forces : Basta ! ‘’Je suis totalement surpris de certains comportements, au point de vouloir nous diaboliser, nous stigmatiser et nous insulter. J’aimerais savoir en quoi dialoguer devrait être une honte pour nous peuple sénégalais, particulièrement pour nous acteurs politiques’’, s’insurge le maire de Dakar, lieutenant de Khalifa Ababacar Sall.

Dans le même sillage, Monsieur Dias a averti ses détracteurs de Pastef. Pour lui, il hors de question de les laisser s’en prendre à lui et au leader de Taxawu sans réagir. ‘’A partir de maintenant, nous n’allons plus accepter les insultes. Si on nous insulte, ils se rendront compte qu’ils ont touché à un intouchable. Parce que ça ne continuera plus. Tout est entre les mains de Yewwi Askan Wi. Nous ne provoquons personne, mais nous n’accepterons pas que les gens nous mettent des bâtons dans les roues.’’, lance-t-il. Avant de s’en prendre directement à Sonko sans le nommer : ‘’Pour qui vous vous prenez ? Qu’avez-vous fait dans ce pays et que nous n’avons pas fait ? Quand une personne vous souhaite du bien, il faut lui souhaiter du bien. Il faut savoir que moi j’ai dit non à Ousmane Tanor Dieng, tout puissant SG du PS. J’ai dit non à Khalifa Sall à maintes reprises. Si vous pensez que je ne vous dirai pas non, c’est parce que vous n’avez rien compris.’’

Sonko calme ses partisans

Ainsi, en plus des fronts judiciaires auxquels il est appelé à faire face, de l’aile politique animée par l’Alliance pour la République, le leader de Pastef devra faire face à un autre front, cette fois des plus redoutables puisqu’issu de ses soutiens les plus sûrs, de quelqu’un avec qui il a partagé beaucoup de choses. Comme pour calmer les nerfs, refermer au plus vite ce front dont les déflagrations risquent d’être dévastateurs, il est monté au créneau pour calmer ses thuriféraires qui passent leur temps à insulter sur les réseaux sociaux.

D’emblée, il déclare : ‘’Je voudrais parler à mes militants et à mes militantes. Je voudrais que tu saches que ce que je te dis ce n’est ni pour te critiquer ni pour te faire la leçon. Je n’ai que toi le militant, tout ce que je suis c’est grâce à toi. Si je peux faire face à Macky Sall, c’est grâce à toi. Donc je te respecte ; je t’apprécie beaucoup. Ce que je te dis, c’est juste pour bien faire. Pas pour te donner une leçon de moral.’’

Après ce préambule, Sonko crache ses vérités. ‘’…Nous sommes sur un terrain très glissant. On peut glisser à tout moment. Sur notre chemin, on verra tout, jusque dans le parti, jusque dans le parti… Quand des groupes se réunissent pour un même projet, c’est tout le monde qui vient. Certains y voient un enjeu de pouvoir, d’autres un enjeu d’argent, d’autres la notoriété... Moi, je vois toute sorte de personnes chez moi ; parfois, j’ai la conviction que telle personne est contre nos intérêts, mais je fais comme si je ne savais rien. Parfois même, je sais que tu m’enregistres, mais je te dis ce que tu veux entendre et le message que je veux faire parvenir aux envoyeurs. Le toubab dit : à malin, malin et demi. Faisons focus sur le projet. Et ne perdons pas notre temps sur les diversions.’’

Sans le nommer Sonko demande à ses hommes de ne pas répondre à Barth et aux autres détracteurs. Seulement, Pastef a toujours été confronté au même problème. Ce n’est que maintenant que son leader fasse une sortie aussi solennelle pour recadrer les militants qu’il pense être trop dans l’émotion, avec une propension à oublier l’essentiel. ‘’Dans la journée d’hier, clame-t-il, il s’est passé beaucoup de choses. Mais, une seule chose est de nature à entraver le projet. C’est ce qui s’est passé au palais de justice. Pour la première fois, Macky Sall a posé un acte dans ce sens. Tout le reste n’a aucun impact sur le projet, si ça ne le sert pas. Tout le reste n’est qu’une pièce de théâtre où chacun avait un rôle à jouer.’’

Dans la foulée, il a mis en garde ses partisans pour la marche à venir. ‘’Il faudra respecter tout le monde. On peut avoir des divergences, mais nous avons-nous tous un même adversaire. Il ne faut donc pas manquer de respect aux leaders qui seront là. Nous demandons à tout le monde de se mobiliser. Notre objectif, c’est Macky Sall. A chaque fois qu’il y a eu alternance au Sénégal, c’est parce que toutes les forces vives se sont mobilisées…. Il ne faut donc pas se disperser.’’

Yewwi Askan Wi veut aussi calmer le jeu

Cette sortie réussira-t-elle à recoller les morceaux ? En tout cas, toutes les parties prenantes de Yewwi Askan Wi semblent le souhaiter de tout cœur. Hier, à l’occasion de la rencontre de la coalition, la plupart des leaders se sont prononcés dans ce sens. Patron de Barthélémy Dias, Khalifa Sall tente de rassurer : ‘’Yewwi Askan Wi est toujours là où elle était. Nous sommes une famille. Nous sommes un groupe d’amis. Nous discutons de tout. Que personne ne s’imagine que nous allons nous disloquer ; que personne ne s’imagine que nous allons nous séparer. On a toujours eu des problèmes, mais, en notre sein, nous avons les moyens, les ressources et les forces, mais surtout la conviction de faire traverser à Yewwi les péripéties auxquelles elle est confrontée. Je tiens vraiment à rassurer les Sénégalais, Yewwi Askan Wi restera unie.’’

En fait, les tenants de la coalition semblent persuadés que le prochain président sortira de leurs flancs. A condition de rester unis. C’est la conviction de Moussa Tine. Qui déclare : ‘’Nous avons un Président à élire, un pays à transformer, les conditions de vie des Sénégalais que nous avons le devoir d’améliorer. Ce qui nous intéresse, c’est de maintenir l’unité de Yewwi, qui est devenue un label national, qui suscite beaucoup d’intérêts chez nos compatriotes. Nous nous sommes dits que le président Habib va veiller à ce que cette unité soit respectée par tout le monde et qu’on reste Yewwi, malgré la pluralité des candidatures, malgré les stratégies qui peuvent être différentes.’’  

Jusqu’à quand va durer cette entente ? En tout cas, sur le dialogue, les parties semblent loin de s’entendre. Hier encore, alors que la plupart ont évité le sujet, le représentant du Parti de l’unité et du rassemblement, Monsieur Youm a marqué son désaccord. ‘’Nous ne répondrons pas, parce que c’est un appel inélégant, discourtois et autoritaire. Le PUR refuse catégoriquement et fermement de répondre à ce dialogue. Le PUR ne peut dialoguer, alors que nos frères et sœurs sont en prison. Le PUR ne peut pas dialoguer, pendant que des leaders sont opprimés, bâillonnés...’’ Pendant ce temps, Barthélémy, lui, réclame la paternité du Dialogue.

Il faut rappeler qu’avant les divergences avec Barth et Taxawu, Pastef a écrasé de la même manière plusieurs leaders politiques et leurs groupements. Il en fut ainsi de la bande à Thierno Alassane Sall et juge Dème, de Bougane Gueye Dani, de la coalition Aar Sénégal aux élections législatives…

Mor AMAR

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