Publié le 14 May 2020 - 01:05
PARTICULIEREMENT EXPOSES A LA COVID-19

Cabinets dentaires, mode d’emploi

 

Face au danger du coronavirus, certains métiers conduisent à littéralement plonger dans la gueule du loup. Amenés à consulter les parties du corps les plus propices à transmettre les virus, les chirurgiens-dentistes redoublent de vigilance et choisissent leurs patients.    

 

L’épidémie du coronavirus avance de manière inquiétante au Sénégal, depuis l’officialisation du premier cas, le 2 mars 2020. Ces dernières semaines, une partie du personnel médical a même été infectée dans différentes structures sanitaires à travers le pays. Si les médecins et infirmiers, en première ligne, payent le lourd tribut de ces contaminations, d’autres, aux spécialités particulièrement exposées à la contamination aux virus, tentent de limiter les risques. Parmi eux, les dentistes, obligés d’ouvrir la bouche de leurs patients, alors que la maladie se transmet essentiellement par des sécrétions buccales.  

Chirurgien-dentiste dans son cabinet Allo Dentiste, le Dr Badou Diarra donne plus de détails sur les raisons qui exposent particulièrement son métier, en cette période de circulation de la Covid-19. ‘’La contamination se fait par des postillons qui s’échappent, lorsqu’une personne crache ou éternue. Lorsqu’on place un instrument dans la cavité buccale d’un patient, il y a forcément des postillons qui sautent, lorsqu’on l’utilise’’.

Dès lors, aucune précaution n’est de trop. Et pour assurer sa propre sécurité et celle de ses patients, le Dr Diarra ne s’oppose à aucune idée, tant qu’elle permet de limiter les rassemblements et l’afflux débordant de patients.

Même sans la pandémie de la Covid-19, l’utilisation des masques et gants fait partie de la routine des chirurgiens-dentistes. ‘’Nous avons également des lunettes de protection et préférons les blouses à manches longues pour limiter au minimum les contacts’’, ajoute le chirurgien, comme mesures d’adaptation à la nouvelle donne sanitaire. De plus, l’installation de chaque patient est précédée du nettoyage du fauteuil des patients avec du liquide antiseptique et de la stérilisation des instruments dentaires. Ceci sans oublier la prise de température systématique de chaque nouvel arrivant dans le cabinet.

La pandémie a aussi imposé au cabinet une réorganisation du travail. Pour réduire les risques de voir l’ennemi commun débarquer sur les lieux, le Dr Diarra a dû réduire son personnel. ‘’J’ai demandé à mes assistants de rester chez eux pour les protéger eux-mêmes, mais aussi les patients et moi-même. Imaginez combien de personnes ils côtoient dans les transports publics, en venant et en rentrant du travail ! C’est plus sûr pour nous tous’’, justifie-t-il. Ces restrictions de présence s’appliquent aussi aux clients, puisque le nombre de patients en consultation a été divisé par deux. Les passages se font sur rendez-vous. Et parfois avec beaucoup de difficultés, lorsque des patients ne respectent pas les heures convenues : ‘’Parfois, je suis obligé de renvoyer des personnes, car elles risquent d’empiéter sur d’autres rendez-vous.’’ Le but est de tout faire pour éviter les infections nosocomiales (contractées au cours d'un séjour dans un établissement de santé).

Seules les urgences prises en charge

Avec le risque encouru, les diabétiques, les hypertendus, les asthmatiques et autres malades de pathologies généralistes évitent de fréquenter les structures sanitaires, de peur d’attraper le virus. Par contre, certains font plus confiance aux cliniques privées où l’organisation est censée être plus maitrisée. Ce qui fait que la désertion des patients notée dans certains hôpitaux publics concerne moins les cabinets privés. 

Mais, à Allo Docteur, il est demandé aux patients de prendre des médicaments pour se soulager, si l’infection dentaire n’est pas grave. Cependant, sur les cas de force majeure nécessitant l’intervention d’un chirurgien-dentiste, ces derniers peuvent prendre rendez-vous pour une prise en charge. Ainsi, l’on pourra se présenter chez le dentiste pour des douleurs aiguës, une infection, un saignement important ou prolongé ou encore un traumatisme buccodentaire nécessitant une prise en charge immédiate. Mais lorsque le traitement concerne une dent cassée ou la perte d’une obturation (plombage) sans douleur associée, un examen, un nettoyage ou la radiographie de routine, un blanchiment des dents ou une réparation de certains appareils dentaires, il est préférable d’attendre. Tant qu’il est possible de rester chez soi et prendre des calmants, assure le Dr Diarra, c’est ce qu’il faut faire.

Consultation en ligne

Une formule que le Dr Diarra a déjà eu à appliquer à une cliente particulière. De peur d’attraper le virus, celle-ci a demandé à se faire consulter en ligne. ‘’Elle m’a dit qu’elle ne souhaitait pas prendre le risque de sortir de chez elle et que l’on devait faire la consultation sur Internet, se rappelle-t-il. Je lui ai posé les questions d’usage pour m’assurer de son état de santé général. Ensuite, j’ai prescrit une ordonnance que je lui ai envoyée sur Whatsapp et elle a réglé sa facture par un paiement électronique’’.

Si les progrès dans les équipements médicaux permettent désormais de réaliser des opérations chirurgicales avec un médecin et son patient positionnés sur deux continents, des consultations médicales sur Internet ne devraient avoir rien d’exceptionnel. 

Sur le plan économique, les cabinets dentaires subissent, à l’image d’autres entreprises, les contrecoups du ralentissement de l’activité économique imposé par la pandémie, avec une baisse de leurs chiffres d’affaires. Malgré les mesures annoncées pour soutenir les entreprises affectées, le Dr Diarra reste encore, au sein d’un secteur très bien organisé, spectateur de la mise en application de la Force-Covid-19. L’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Sénégal, rattaché au ministère de la Santé, est leur organe décisionnel. Et ‘’s’il  y a quelque chose que l’Etat a prévu pour nous venir en aide, il peut suivre cette hiérarchie, pour identifier les dentistes régulièrement autorisés à exercer’’, suggère-t-il.

Lamine Diouf

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