Publié le 7 Dec 2012 - 10:59
PRESIDENTIELLE AU GHANA

Quand la Cote-d'Ivoire s'invite dans les débats

De g. à dr. : J. D. Mahama, Laurent Gbagbo et N. Akufo-Addo.

 

 

Alors que les Ghanéens sont appelés aux urnes pour élire leur président, le 7 décembre, les relations avec la Côte d’Ivoire sont plusieurs fois revenues dans la campagne électorale. Sur ce sujet, Nana Akufo-Addo, candidat du Nouveau parti démocratique (NPP-principale force d’opposition) s’est en particulier montré très critique à l’encontre du Congrès démocratique national (NDC, au pouvoir). Mais une alternance au Ghana serait-elle en mesure de régler les contentieux entre les deux pays voisins ?

 

« Nous ne voulons pas d’un Laurent Gbagbo au Ghana ». Le 15 novembre à Accra, Nana Akufo-Addo, candidat du Nouveau parti démocratique (NPP-principale force d’opposition) à l’élection présidentielle du 7 décembre, a fait brusquement entrer la Côte d’Ivoire dans le débat politique. « Le gouvernement du Congrès démocratique national (NDC, au pouvoir) n'avait pas caché son soutien envers Laurent Gbagbo [l’ancien président ivoirien, NDLR] pendant la crise ivoirienne », a ajouté Akufo Addo, en demandant : « s'ils perdent, cela veut-il dire qu'ils sont attirés par l'exemple de Laurent Gbagbo? »

 

« John Dramani Mahama n’a jamais participé à une élection. On ne sait pas comment il va réagir s’il perd », renchérit un conseiller du candidat de l’opposition. Une phrase qui s’inscrit dans la campagne de diabolisation mutuelle que mènent les deux principales formations politiques depuis plusieurs mois. Mais pas seulement.

 

"Politique égoïste"

 

Car le NPP s’attaque plus globalement à la gestion par le NPP des relations avec le voisin ivoirien. Akufo Addo reproche d’abord à l’ancien président Atta-Mills, décédé en juillet, son positionnement lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. En 2011, sollicité par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), le gouvernement ghanéen privilégie la solution diplomatique et s'oppose à l'envoi de troupes régionales.

 

« Notre voisin brûlait, et nous sommes restés chez nous en espérant que le feu ne nous toucherait pas », s’insurge Akufo Addo, interrogé par Jeune Afrique. « Ce fut une politique égoïste, dont le but était de favoriser Laurent Gbagbo. Cela allait à l’encontre de tout ce qu’a construit notre pays pendant les cinquante dernières années », fustige-t-il.

 

Pour le NPP, les attaques en Côte d’Ivoire menées par des assaillants venus du Ghana sont les conséquences directes de la politique du NDC

 

Les attaques en Côte d’Ivoire menées par des assaillants venus du Ghana, à la fin de septembre, et l’imbroglio autour des extraditions d’Ivoiriens exilés au Ghana demandées par Abidjan sont les conséquences directes de cette politique partisane, assure-t-on au NPP. Des critiques qui se sont faites plus fortes après la publication du rapport d’experts de l’ONU, le 15 octobre, attestant qu’une rencontre de plusieurs personnalités pro-Gbagbo a eu lieu le 12 juillet à Takoradi, le grand port de l’ouest du Ghana.

 

Dans le viseur du NPP, le coordinateur de la sécurité nationale ghanéenne, le lieutenant-colonel Larry Gbevlo-Lartey, accusé de partialité. « À la publication du rapport, ce dernier a déclaré qu’il allait s’en occuper. Soit il n’était pas au courant de son contenu, et cela signifie que notre pays est en grand danger. Soit, il le savait et a laissé les choses se passer », accuse le candidat du NPP.

 

Le parti au pouvoir clame quant à lui sa bonne volonté. Violemment attaqué par Akufo Addo, le 21 novembre, lors du dernier débat télévisé entre les quatre principaux candidats, le président John Dramani Mahama a réaffirmé qu’il ne permettrait pas que le Ghana serve de « base d'opérations destinées à saper la sûreté et la sécurité d'une autre nation ».

 

Tourner la page Gbagbo

 

« Si ça n’est pas toujours facile entre Ouattara et Mahama, les deux hommes communiquent régulièrement », affirme une source diplomatique européenne. C’est en dessous que les choses se corsent. « Certains au sein du NDC n’ont pas encore tourné la page Gbagbo », poursuit cette même source. Cependant depuis, l’attaque de Noé [poste frontière, le 21 septembre, NDLR], les services de sécurité ghanéens ont renforcé leur coopération avec leurs homologues ivoiriens et mené mi-octobre une opération d’envergure au sein d’un camp de réfugiés, à Takoradi.

 

Alors, quels changements concrets amènerait désormais une victoire du NPP, le 7 décembre, ou lors d’un éventuel deuxième tour, le 28 décembre ? Le dossier de l’extradition du porte-parole de Laurent Gbagbo, Justin Koné Katinan, dont l’audience doit avoir lieu le 20 décembre, pourrait-il avancer plus rapidement si Akufo Addo accédait au pouvoir ? Difficile à dire.

 

Car s’il se montre très critique à l’encontre du parti au pouvoir et assure que l’élection de Akufo Addo « serait bénéfique pour les relations » entre les deux voisins, le NPP précise qu’il respectera l’indépendance de la justice de son pays. « Je n’ai aucun problème avec les réfugiés qui viennent au Ghana. Mais nous nous assurerons que ceux qui viennent chez nous respectent les lois et l’engagement de notre pays pour la solidarité avec nos voisins », dit-il. Un discours pas si éloigné que ça, finalement, des dernières déclarations de John Mahama.

 

JeuneAfrique

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