Publié le 22 Sep 2020 - 01:03
PROBLEMATIQUE DU CHOMAGE DES JEUNES

Cheikh Mbaye Sar demande l’évaluation des programmes élaborés depuis 1980 

 

Les programmes élaborés pour régler l’équation du chômage des jeunes au Sénégal, depuis les années 80, doivent être évalués. C’est le plaidoyer qu’a fait samedi le socio-économiste Cheikh Mbaye Sar, par ailleurs spécialiste des questions d’emploi, lors d’un webinaire sur le sujet.

 

Trouver un emploi pour chaque jeune diplômé reste un défi pour la plupart des pays, même ceux développés. Cependant, au Sénégal, il est noté une certaine incohérence entre l’offre de formation et la demande d’emploi des entreprises publiques comme privées. ‘’Il ne faut pas qu’on joue avec la jeunesse. On ne peut pas jouer avec la moitié de la population. Par ailleurs, plus 90 % des emplois sont du secteur informel. Il faut bien qu’on regarde ce secteur-là comme un secteur digne d’attention et de respect. C’est le principal moteur de l’économie nationale et le premier employeur national. Pour ces raisons-là, ne boudons pas le secteur informel. C’est un secteur qui correspond le plus à la réalité économique de notre pays et qui a des mécanismes assez souples, adaptés à l’évolution technologique. Et près d’un tiers des emplois du secteur formel sont offerts sans contrat’’, souligne le socio-économiste Cheikh Mbaye Sar.

Il intervenait, samedi soir, sur l’efficacité des programmes de lutte contre le chômage des jeunes, lors d’un webinaire organisé par l’université Cheikh Anta Diop (Ucad). 

Monsieur Sar, qui suit les questions d’emploi depuis plus de 30 années, relève qu’il y a plus 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi chaque année sur le marché de l’emploi. ‘’La capacité de notre économie à absorber les demandes en emploi est faible. L’Etat, non plus, n’a pas pour vocation et n’a pas les moyens de recruter tout le monde. L’Etat peut recruter entre 5 000 et 10 000 jeunes. Ce qui est insignifiant par rapport à 300 000 demandeurs d’emploi. L’économie ne peut pas dépasser 50 000 emplois. Il y a une urgence et cette question mérite d’être prise en charge correctement’’, souligne-t-il.

Par ailleurs, M. Sar pense qu’il faut vraiment évaluer les programmes mis en place par l’Etat pour la gestion du chômage. ‘’Une dizaine de programmes ont été élaborés depuis les années 80. Je n’ai pas vu, jusqu’ici, une évaluation d’un de ces programmes. Derrière l’Agetip à sa création, il y avait la Banque mondiale. Derrière le Fonds national de l’emploi (FNE), il y avait la Banque mondiale, l’Agence française de développement (AFD) et le Bureau international du travail (BIT) à l’exécutif’’, dit-il.

Selon Cheikh Mbaye Sar, le défi majeur, ce sont les Neet (Not in Education, Employement or Training) qui devaient constituer le principal défi des politiques de promotion de l’emploi et de la formation au Sénégal. ‘’Il faut que les autorités du Sénégal se rendent compte que 46 % des jeunes en âge de travailler et désireux de travailler, ne travaillent pas. Ils ne sont pas en éducation et ne sont pas en formation. Or, c’est la Constitution de notre pays, dans ses articles 22 et 25, qui garantit le droit à l’éducation des jeunes citoyens. On ne soulève pas cette question à des fins politiciennes. On ne joue pas avec une question aussi sensible’’, renchérit-il. 

Assurer une productivité de la main-d’œuvre

Pour le socio-économiste, l’Etat a la responsabilité principale par rapport à l’employabilité des jeunes. Tout comme le secteur privé. Il estime que l’Etat doit mettre en place un climat d’affaires ‘’favorable’’ à la création d’entreprises. ‘’Il peut également baisser les pressions fiscales et autres qui pèsent sur le secteur privé et il peut aussi, dans le cadre du partenariat public-privé, développer des stratégies, y compris avec les territoires, de nature à permettre à ces territoires, qui ont tant de choses à encadrer dans le cadre du développement économique et social, à prendre en compte l’urgence d’employer les jeunes’’, suggère-t-il.

Monsieur Sar souligne qu’il faut donc assurer une productivité de la main-d’œuvre, former, selon les standards internationaux, des jeunes Sénégalais. ‘’Et non pas les mettre tous dans un cadre académique qui ne correspond plus aux besoins et à la demande de l’économie nationale. Donc, l’économie a besoin de productivité comme les entreprises. Par conséquent, il faut des personnes ressources qualifiées’’, soutient-il.

Depuis quelques années, le Pr. Mamadou Sangaré a rappelé que l’adéquation formation-emploi est l’un des principaux défis économiques au Sénégal. Même si de ‘’nombreuses et importantes’’ actions ont été mises en place. ‘’Mais les responsables et représentants patronaux dénoncent un manque d’adéquation et de flexibilité de la formation. Des travaux de recherche ont montré que les relations entre formation et emploi sont plurielles et multidimensionnelles, et qu’il est possible d’établir de multiples correspondances entre les deux univers entre les différentes approches théoriques, méthodologiques et pratiques. Il est donc facile de s’y perdre’’, fait-il savoir.

Ainsi, pour trouver une solution à ce déséquilibre entre l’emploi et la formation, M. Sangaré note que les trois catégories génériques utilisées en sciences sociales et en économie sont utiles : macro-méso-micro. ‘’Au niveau macro, la recherche d’adéquation se fait en fonction des besoins définis par les indicateurs économiques et les décisions politiques.  Au niveau méso, la recherche d’adéquation est faite en fonction des besoins des secteurs d’activité, des professions ou des régions. Au niveau micro, l’adéquation recherchée est liée à un besoin de formation précis’’, explique-t-il.

MARIAMA DIEME

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