Publié le 16 Sep 2020 - 13:50
PROCES EN CORRUPTION A L’IAAF

Lamine Diack s’avance vers son verdict

 

Le procès en corruption à la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) qui s’est tenu en juin 2020, sera mis en délibéré aujourd’hui, à la 32e chambre du Tribunal de grande instance de Paris. Les mis en causes, Lamine Diack, ex-Président de l’IAAF, et son fils Papa Massata Diack, ancien Conseiller marketing de ladite fédération et leurs quatre co-prévenus, connaitront le sort qui leur est réservé par la présidente de cette juridiction, la juge Marie-Rose Hunault.

 

Lamine Diack sera bientôt fixé sur son sort, trois mois après l’ouverture de son procès sur fond de corruption à la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). L’ex-président de l’IAAF, rebaptisée World Athletics, est jugé devant la 32e chambre du Tribunal correctionnel de Paris pour corruption active et passive, abus de confiance et blanchiment en bande organisée durant son magistère. Les procureurs financiers ont requis contre le Sénégalais 4 ans de prison et une amende maximale de 500 000 euros (327,7 millions de francs CFA), auprès de la présidente de ladite chambre, Marie-Rose Hunault, en juin dernier.

L’ancien président du Comité national olympique et sportif sénégalais (Cnoss) est arrêté lors d’un voyage en France en novembre 2015, alors que la justice, alertée par l’Agence mondiale antidopage (Ama), s’intéressait à des soupçons de corruption à l’IAAF. Il est placé sous contrôle judiciaire et assigné à résidence depuis cinq ans, dans la capitale française. Les faits qui lui sont reprochés remontent à 2011. Selon la justice française, l’ancien patron de l’athlétisme mondial aurait délibérément retardé des procédures disciplinaires contre 23 athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin, en échange de financements de Moscou. Cette mesure devait permettre aux Russes de participer aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Attrait à la barre, le mis en cause a endossé la responsabilité et a justifié ses agissements par le besoin de préserver l’instance mondiale de l’athlétisme d’une faillite. ‘’C’était principalement pour la santé financière de l’IAAF. J’étais prêt à faire ce compromis’’, a répondu M. Diack à la présidente de la 32e chambre du Tribunal de Grande instance de Paris.

Il disait avoir obtenu des garanties auprès des autorités russes, notamment Valentin Balakhnitchev, Président de la Fédération russe d’athlétisme, qu’aucun de leurs athlètes ne devait être sur le podium lors des JO de Londres-2012.

Mais, au grand dam de Lamine Diack, certains Russes ont décroché des médailles lors de cette olympiade. ‘’L’idée que quelqu’un participe pour ne pas gagner, c’est truquer les résultats, ce n’est pas le sport’’, lui a alors fait remarquer la juge Rose-Marie Hunault.

L’ancien champion de France de saut en longueur a, par contre, nié avoir reçu un financement des Russes pour battre campagne contre Abdoulaye Wade, lors de la Présidentielle de 2012. Le pacte aurait été scellé fin 2011, lors d’un voyage à Moscou où il avait été décoré par le président russe de l’époque, Dmitri Medvedev. S’il a reconnu avoir reçu 1,5 million de dollars (873 millions de francs CFA), l’ancien maire de Dakar nie tout rapport entre l’arrangement de protection des athlètes russes et le financement obtenu pour le départ de Wade du pouvoir.

Papa Massata aux abonnés absents

L’ancien président de l’IAAF est jugé dans cette affaire avec cinq autres personnes dont son ancien conseiller Habib Cissé et le responsable médical chargé de l’antidopage de la Fédération internationale d’athlétisme, Gabriel Dollé, qui avaient été entendus par le juge en juin dernier.

Si ces deux co-prévenus de M. Diack sont passés à la barre, il n’en est rien pour l’ancien président de la Fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnitchev, de l’ancien entraîneur national des courses de fond, Alexeï Melnikov et de l’ex-consultant marketing de l’IAAF, Papa Massata Diack. Celui-ci est resté au Sénégal, malgré le mandat d’arrêt international émis contre lui. Diack fils est accusé d’avoir été, avec son père, au cœur d’un vaste système de corruption visant à couvrir des cas de dopage d’athlètes russes, en échange de pots-de-vin estimés 3,45 millions d’euros (environ 2,25 milliards de francs CFA). Le parquet national financier a requis 5 ans d’emprisonnement et une amende maximale de 500 000 euros (327,7 millions de francs CFA) contre Massata Diack.

Le prévenu a nié toutes ces accusations et se dit serein par rapport à la décision que prendra le juge. ‘’On n’a vu aucune traçabilité de virement ou de versement en espèces. Ils vont nous condamner sur la base d’emails ou de SMS ? Moi, je m’attendais, à Paris, à un procès en fonction des preuves. Où sont les virements ?’’, a-t-il déclaré dans un entretien avec RFI.

Agé de 87 ans, Lamine Diack a été un athlète de haut niveau, spécialisé en saut en longueur, sous les couleurs de la France, dans les années pré-indépendances. Il a été maire de Dakar (1978-1979), puis parlementaire, avant de devenir, en 1999, le premier président non-européen de l’IAAF, succédant à l’Italien Primo Nebiolo.

Par rapport à ce poste qu’il a occupé jusqu’en 2015, l’ancien champion de France s’est réjoui d’avoir vulgarisé la pratique de l’athlétisme. ‘’Mon rôle à moi, c’était d'universaliser l'athlétisme (...) Voilà qui je suis !’’, a-t-il asséné lors de son premier passage à la barre, pour le 2e jour du procès. Ses avocats, Mes Jean Simon Ndiaye et William Bourdon se sont employés à présenter leur client comme une victime expiatoire, face à la volonté du parquet financier d’installer ‘’un univers de corruption’’ à l’IAAF. Pour sauver le Sénégalais des griffes de la machine carcérale, ils ont joué la carte de la fragilité de sa santé et de son âge avancé. ‘’Il a un cancer et un diabète de type 2. Si vous le condamnez, il mourra. Cet homme est à la fin de sa vie et il mérite de mourir dans les bras de ses petits-fils’’, a plaidé Me Bourdon, espérant obtenir la levée du contrôle judiciaire qui permettrait à son client de rejoindre ses proches et son pays, après cinq années d’absence.

LOUIS GEORGES DIATTA

Section: