Publié le 8 Oct 2013 - 15:38
REMOUS A L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Le management de Moustapha Niasse indexé

 

 

C'est comme qui dirait que les députés sont partagés entre pros et pourfendeurs du président en exercice de l'institution. Niasse est en effet sous le feu des critiques liées à sa gestion, entre blocages de crédits et léthargie de l'institution.

 

Comme l’avait annoncé EnQuête dans son édition de la semaine dernière, le renouvellement du Bureau de l’Assemblée nationale prévu le vendredi prochain sera houleux. En atteste ce hors-d’œuvre qu'est la passe d’armes indirecte entre le député membre de Rewmi, Thierno Bocoum, et le président de l'institution Moustapha Niasse.

Le premier vient en effet de dénoncer, avec un fort accent médiatique, la «posture illégale et incompréhensible» de Moustapha Niasse pour n’avoir «pas pu exercer sa mission de contrôle et de comptabilité et de gestion de crédits inscrits au budget de l’Assemblée nationale», en sa qualité de président de la commission de Comptabilité et de Contrôle. Ce, «en violation» de l’article 31 du règlement intérieur du parlement. Des accusations que bat en brèche le président de l’Assemblée nationale qui, dans un communiqué signé par la direction de la communication de ladite institution,  déclare : «Il est regrettable qu’un député de l’Assemblée nationale, président d’une commission, ait attendu 6 jours avant son  départ définitif de cette position pour des raisons de simple logique politique voulue par son parti (Rewmi), décide de s’attaquer à l’Institution». Avant d’ajouter : «Il est vrai qu’au Sénégal, dans le présent, les principes et les scrupules sont malmenés, irraisonnablement, dès qu’apparaît l’intérêt de la politique politicienne.»

 

«Interpellation légitime»

Une réaction que le député Cheikh Oumar Sy, membre de la majorité parlementaire,  juge «maladroite». «Une communication institutionnelle n’a pas à s’attaquer à des personnes ; ce n’est pas son rôle.  L’interpellation de Thierno Bocoum est légitime. Il a eu à se plaindre à plusieurs occasions de cet état de fait, en vain. Donc, Niasse (Moustapha) devait plutôt répondre aux questions qui lui sont posées en ayant lui-même recours à des arguments techniques», déclare ce membre du Mouvement Bés du Ñakk. Pour lui, l’institution parlementaire ne doit pas être utilisée pour solder des comptes politiques. Surtout que «l’Afp (formation de Moustapha Niasse) a des cadres qui peuvent apporter une réplique politique» à Thierno Bocoum, ajoute le député.

Une position que conforte son collègue Mamadou Lamine Diallo, pour qui «Moustapha Niasse a failli à son devoir» dans cette histoire. «C’est sa responsabilité directe», accuse le leader du Mouvement Tekki, au cours  de l’émission «Point de vue» de la RTS. «On ne peut rien lui apprendre en politique au Sénégal ; il le sait, il ne veut pas. C’est tout !».

 

«Gouvernance en question»

Cette affaire pose en réalité et en profondeur la question de la gouvernance d'une Assemblée nationale qui se veut de «rupture» et qui, effectivement, s'emploie petit à petit à ouvrir une nouvelle page du parlementarisme sénégalais. Nombreux sont les députés qui se plaignent de la gestion «opaque» et «sans concertation» de Moustapha Niasse. C’est le cas légendaire de Me El hadji Diouf qui dénonce le «traitement privilégié» du cabinet de Moustapha Niasse. «Le cabinet du président de l'Assemblée nationale est mieux payé, mieux considéré et mieux traité que les députés qui sont élus. Le Directeur de cabinet du président de l'Assemblée nationale est mieux payé que les députés. Quand les députés n'avaient pas de véhicules, lui, il avait une voiture de fonction. Le Secrétaire général de l'Assemblée nationale qui est aussi un employé des députés est mieux payé que les députés. Il y a des gens qui sont cooptés par le président de l'Assemblée nationale et qui sont mieux payés et mieux traités que les députés», avait-il révélé dans un entretien accordé à EnQuête.

 

Appétit autour de 520 millions du FED

D’autres par contre s’offusquent de l’«arrogance» de son régisseur, Penda Cissé. «Plusieurs fois, elle a frustré des présidents de commission venus solliciter un financement  dans le cadre de leurs activités. Car, c’est elle qui gère les 800 000 euros (environ 520 millions de francs Cfa) accordés par le Fonds européen de développement (FED)», informent des sources parlementaires. Et pourtant le mode d'utilisation de cette manne financière semble bien avoir été clarifiée à l'origine. «La moitié de cette argent consiste à financer le projet de traduction simultanée, indiquent nos sources. Le reste de l’argent devrait servir à financer les activités des commissions. Mais pour y avoir droit dans le cadre de notre travail parlementaire, c’est la croix et la bannière.» Les frustrations sont d'autant plus vives chez certains députés que la durée du financement est de 18 mois. «Passé ce délai, l’Assemblée va perdre cet argent.»

Joint par EnQuête, Penda Cissé réfute ces accusations et apporte ses précisions. «Je n’ai aucun problème avec les députés. Je leur ai toujours dit que le fonds est entièrement à leur disposition. Ce qu’il y a, c’est que certains députés jugent peu conséquents les frais de mission que l’Union européenne alloue», affirme notre interlocuteur. Qui ne se gêne pas pour entrer dans les détails. «S’il s’agit de la nuitée, c’est 30 000 francs, contre 15 000 francs pour la journée», lâche-t-elle.

 

Niasse et les futilités

Le régisseur de l’Assemblée, qui se décrit comme une «personne au commerce facile», dit néanmoins comprendre ses pourfendeurs. «On ne peut pas satisfaire tout le monde», se console Mme Cissé, toujours en quête de prouver sa bonne foi. «Au moment où je vous parle (NDLR : hier lundi en fin d'après-midi), je suis au marché pour faire des achats. J’ai invité des députés à déjeuner chez mon mari à Diourbel et à mes propres frais. Si je n’avais pas de bons rapports avec eux, vous pensez que je me serais donné toute cette peine ?»

Pour sa part, El Hadji Malick Guèye, membre du bureau, pense que c’est faire preuve de «mauvaise foi» que de critiquer le management du président de l’Assemblée nationale. «Moustapha Niasse est quelqu’un qui a toujours montré son statut d’homme d’Etat. Il a le sens de l’organisation du travail qui ne laisse pas de place à l’informel», dit ce responsable de l’Afp, déjà convaincu. «La loi lui donne des pouvoirs discrétionnaires pour nommer les membres de son bureau. Ce n’est pas au crépuscule de sa carrière politique qu’il va verser dans les futilités.»

 

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