Publié le 18 Jan 2013 - 00:05
RENTRÉE DES COURS ET TRIBUNAUX

 Le juge Téliko se lâche

 

Même si elle est garantie par le texte, le droit à un procès équitable est loin d’être effectif dans la pratique. C’est ce qui ressort du discours d’usage prononcé hier par le secrétaire général de la Cour d’appel de Dakar, le juge Souleymane Téliko, à l’occasion de l’audience solennelle de la rentrée des Cours et tribunaux. Une audience présidée par le président de la République, Macky Sall, chef suprême de la Magistrature.

 

''Le droit à un procès équitable'' a été le thème de l’audience solennelle de la rentrée des Cours et tribunaux de cette année. Selon le secrétaire général de la Cour d’appel de Dakar, Souleymane Téliko ayant prononcé le discours d’usage, ce droit ''est consacré à la fois par les textes internationaux et les législations nationales''. ''De l’introduction de la demande à l’exécution du jugement, il n’est pas une seule phase du procès qui ne soit soumise au principe du droit à un procès équitable, ni un contentieux qui échappe par nature à son influence'', a expliqué le magistrat. Cependant, pour ce qui est de la pratique, l’effectivité est loin d’être assurée. ''Si le principe du droit à un procès équitable est connu et accepté, son effectivité reste, pour une large part, un acquis à consolider, voire à rechercher'', s’est désolé le juge. Selon ses explications, ''l’exercice de ce droit est rendu difficile par la survivance de certains obstacles de fait et de droit''. Il s’agit de ''l’accès concret et effectif'' au juge et à l’avocat.

 

Malgré la volonté de l’État du Sénégal d’œuvrer à une justice de proximité, ''l’accessibilité géographique reste une équation difficile à résoudre pour bon nombre de justiciables habitant dans les zones reculées du pays'', a constaté l’orateur. D’après toujours son analyse, l’éloignement géographique restreint le droit à l’assistance d’un avocat. ''A l’exception de quelques capitales régionales et départementales, la possibilité d’avoir un avocat à portée de main est un véritable luxe'', s'est désolé le juge. Souleymane Téliko a plaidé pour l’extension de l’aide juridictionnelle aux victimes. Il a aussi suggéré la généralisation de cette aide limitée jusque-là aux prévenus, à toutes les autres procédures.

 

Outre l’accessibilité, la longueur des délais de traitement des dossiers est un obstacle au droit à un procès équitable. A ce propos, le juge Téliko a fait savoir que le délai moyen de traitement d’une affaire civile varie entre 3 et 4 mois. A cela s’ajoutent les longues détentions préventives et les procès en appel qui surviennent après que le prévenu a purgé sa peine. Si le nombre de dossiers et l’insuffisance du personnel sont mis en cause dans ce dysfonctionnement, le comportement des acteurs judiciaires est également pointé du doigt. ''La facilité avec laquelle les demandes de renvoi sont parfois accordées, les délibérés prorogés ou rabattus laissent penser que certains juges n’ont pas encore pris à leur compte l’existence de célérité comme fondamentale d’un procès équitable'', s’est plaint le magistrat. Les atteintes à l’indépendance de la justice sont aussi considérées comme un obstacle.

 

C’est pourquoi M. Téliko trouve ''nécessaire de renforcer les garanties statutaires des magistrats, tout en rendant plus transparent le mode de gestion de leur carrière''. En d’autres termes, l’orateur a préconisé que ses collègues ne puissent plus être affectés qu’en cas de faute constatée par le Conseil de discipline. Une manière, selon ses explications, de respecter la règle de l’inamovibilité des juges. Enfin, M. Téliko a décrié les textes régissant les tribunaux militaires, avec notamment l’interdiction du droit d’appel. Mais également le Code des Douanes, dans la mesure où la présomption d’innocence est violée, ''le triptyque infraction matérielle - interdiction de se prévaloir de sa bonne foi - force probante des procès-verbaux, fait des personnes poursuivies par l’administration douanière des coupables tout désignés dont le sort se résume à l’alternative entre la prison et le paiement d’une transaction qui prend les allures d’un chantage''.

 

Les autorités chargées de mener les enquêtes n’ont pas échappé aux griefs du juge Téliko qui leur reproche de porter atteinte à la présomption d’innocence. Quelle solution, lorsque la violation du droit à un procès équitable procède non pas d’un texte, mais des actes de procédure ? ''Le justiciable ne dispose à l’échelle nationale d’aucun recours'', a indiqué le magistrat. Par conséquent, il considère qu’il y a nécessité de modifier les textes pour donner aux juridictions nationales le moyen de faire sanctionner. ''Ceci passe par l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour en faire une Cour constitutionnelle''.

 

Macky annonce une hausse du fonds d’aide juridictionnelle

 

Président l’audience de rentrée solennelle de la rentrée des Cours et tribunaux, le président de la République, Macky Sall, a plaidé pour une réduction des délais de traitement des dossiers. En tant que président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le Chef de l’Etat a exhorté les magistrats et les auxiliaires de justice ‘’à redoubler d’efforts, d’assiduité et de ponctualité pour réduire le temps pris pour délivrer leurs décisions’’. Pour le président Macky Sall, ‘’le droit à un procès équitable est un principe naturel invoqué par toutes les civilisations et appliqué avant d’être codifié’’. Toutefois, se désole-t-il, ‘’la distance est aussi un élément dissuasif et le chemin du tribunal fait parfois peur ; et l’assistance d’un avocat est dispensable dans ce cas, alors qu’elle a un coût’’. Face à ces obstacles, le Chef suprême de la Magistrature, interpellé par le Bâtonnier Me Alioune Badara Fall, s’est engagé à maintenir le rythme de hausse du fonds d’aide juridictionnelle. Toutefois, il a invité tous les acteurs à baisser les coûts de la justice.

 

FATOU SY

 

 

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