Publié le 6 Oct 2022 - 19:27
RETOUR DES ÉLÈVES À L'ÉCOLE

 Une rentrée qui s’annonce poussive

 

Après les enseignants lundi dernier, les élèves retrouvent aujourd’hui le chemin des écoles. Malgré la bonne volonté des autorités et du corps professoral, les soucis matériels risquent de compliquer une rentrée déjà éprouvante pour les ménages.

 

C’est reparti ! Pour les neuf prochains mois, les élèves ont repris, ce matin, le chemin des écoles, quatre jours après les enseignants. Pour la rentrée scolaire 2022-2023, ils seront au moins 3 810 000 apprenants, dans 17 000 écoles et établissements. Ils seront confiés à 91 967 enseignants. Un nombre relativement bas, comparé à la population d'élèves.

D’ailleurs, les chiffres de ce déficit de professeurs ont alimenté la première polémique autour de la rentrée scolaire, lorsque la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l'éducation publique (Cosydep) a affirmé qu’il manque 45 000 enseignants au Sénégal. Une déclaration qui a mis en colère le ministère de l’Éducation nationale qui ne s’est pas fait prier pour démentir ces chiffres.

Toutefois, en rapportant le nombre d’élèves au nombre d’enseignants, l’on se retrouve avec 41 élèves pour un enseignant. Un ratio plutôt ‘’normal’’, confronté aux normes de l’Unesco qui table sur une quarantaine d’élèves pour un enseignant. Néanmoins, la réalité de ces chiffres officiels diffère de celle du terrain.

Un qui vit au quotidien le manque de professeurs est le responsable de l’inspection de l’éducation et de la formation (IEF) de Mbour 2. Pour assurer correctement les enseignements-apprentissages dans cette circonscription académique, Serigne Fall évalue à 109 enseignants le déficit de professeurs. ‘’En termes de ressources humaines, nous avons des difficultés. Nous avons un besoin de 58 enseignants pour l’élémentaire et 51 professeurs, toutes disciplines confondues, pour le moyen’’, a-t-il dit lors d’un entretien avec l’APS.

Déficit de 109 enseignants à l’IEF de Mbour 2

Cette IEF de Mbour 2 compte 7 578 élèves dans le préscolaire, 56 184 dans l’élémentaire, 5 260 dans le moyen et 423 apprenants dans le secteur de la formation professionnelle. Elle couvre Thiadiaye, Fissel-Mbadaane, Sessène, Ndiaganiao, Sandiara, Nguéniène et Joal-Fadiouth ; des communes du département de Mbour (Ouest).

Mais le déficit d’enseignants n’est qu’un parmi beaucoup d’autres problèmes qui compliquent cette rentrée scolaire 2022. D’ailleurs, un Conseil interministériel, vendredi 30 septembre 2022, a été consacré à la rentrée des classes avec l’objectif de prendre des mesures fortes pour permettre aux élèves et aux enseignants de reprendre le chemin de l’école sans difficulté majeure. Présidé par le Premier ministre Amadou Ba, la rencontre a permis au ministre de l’Éducation Nationale, Cheikh Oumar Anne, de lister les entraves à une rentrée sans difficulté majeure : les problèmes d’accès dans certaines localités, les écoles encore sous l’emprise des eaux, le déficit en tables-bancs, la mise à disposition des fournitures scolaires, l’état civil, l’apaisement de l’espace scolaire, les tenues scolaires, le manque d’eau courante et de toilettes dans certains établissements, le renforcement des capacités des enseignants, le transport des élèves, la révision des curricula, etc.

Après un hivernage très pluvieux, marqué par le déclenchement du plan Orsec dans plusieurs localités du pays, les inondations sont une nouvelle fois un obstacle à l’ouverture des classes dans beaucoup d’établissements scolaires.

À l’IEF de Pikine, dans la banlieue dakaroise, beaucoup d’écoles sont encore envahies par les eaux de pluie : Elimane Ndiaye 1 et 2, une partie de l’école 7A, l’école Mame Yelli Badiane et l’école Kabirou Mbodj, etc. Conformément aux instructions du Premier ministre sur l’accélération des mesures de libération des écoles inondées, les pompages ont permis d’en libérer plusieurs. Dans l’ensemble, plus de 200 établissements scolaires sont encore sous les eaux.

Autre difficulté liée à l’insalubrité : le manque d’eau courante et de toilettes dans certains établissements. Rien qu’à Mbour 2, ‘’Nous avons 36 écoles sans toilettes ; c’est énorme. Nous avons aussi 43 écoles sans points d’eau. Certaines écoles sont approvisionnées en eau par les maisons alentour’’, révèle le responsable de l’IEF.

À ces soucis matériels, s’ajoutent le déficit de tables-bancs et le nombre encore élevé d’abris provisoires. Rien que dans cette circonscription, 99 ont été dénombrés par Serigne Fall.

Beaucoup d’écoles encore sous les eaux

Il n’y a pas que dans l’enceinte des établissements scolaires que se joue la rentrée. Si l’année dernière a connu plus de trois mois de grèves du corps professoral, les autorités espèrent une édition 2022-2023 beaucoup plus apaisée, si l’on en croit le Premier ministre. Amadou a insisté pour que des ‘’mesures nécessaires pour renforcer le dialogue, la concertation avec toutes les familles d'acteurs et assurer le suivi de la mise en œuvre des accords signés avec les syndicats d'enseignants" soient prises.

C’est dans l’esprit de ce dialogue que la Cosydep a clôturé, mardi dernier, sa  campagne ‘’Nos vacances pour l’école’’. L’initiative a l’objectif de permettre aux acteurs de l’éducation de se rencontrer avant la rentrée scolaire pour approfondir la réflexion sur certaines questions, préparer l’année scolaire de manière apaisée et prévenir les éventuels conflits. Une occasion de rassembler plus de 20 experts et quelque 300 personnes pour discuter de toutes ces problématiques et dégager des résultats qui sont partagés avec les décideurs.

Le gouvernement a consenti à un effort budgétaire de 100 milliards de francs CFA pour honorer des accords signés avec les syndicats d'enseignants, en mars 2022. À l’IEF de Keur Massar où une réunion de préparation de la rentrée a été tenue hier, l’on se réjouit des actions posées par le gouvernement. ‘’Jusqu’ici, reconnaît un enseignant, il ne devrait pas y avoir beaucoup de perturbations dues à des différends avec le gouvernement’’.

Par les recommandations qui ont été faites lors de l’édition de cette année : ‘’Des mesures favorisant les apprentissages à distance avec la mise en place d’outils adéquats et de mesures d’accompagnement aussi bien pour les apprenants que pour les enseignants ; plus d’hygiène, une meilleure salubrité prenant en compte les contributions liées à la façon de faire pour juguler la crise sanitaire.’’

La rentrée 2022 se présente dans un contexte particulièrement difficile pour les ménages. L’inflation généralisée des prix n’épargne pas les fournitures scolaires. Et cette fin de semaine coïncidant avec la célébration du Gamou, ‘’les cours ne devraient reprendre normalement que le 18 octobre. Plusieurs élèves iront à Tivaouane'', souffle cet enseignant de l’IEF de Keur Massar.

Lamine Diouf

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