Publié le 30 Dec 2017 - 21:37
RETRO JUSTICE 2017

Une année d’accalmie et de tempête  

 

Le secteur de la Justice a été marqué, en 2017, par une certaine accalmie du côté des travailleurs. La magistrature s’est toutefois distinguée par des remous. L’arrestation de grandes figures de la politique,  Khalifa Sall, Bamba Fall, et de la culture, Amy Collé Dieng, Ngaaka Blindé, a aussi marqué l’année finissante.

 

L’année 2017 pourrait être décrétée comme celle de la magistrature. Car le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust), habitué à secouer Dame justice par de multiples grèves, n’a pas observé beaucoup de mouvements d’humeur. La raison de cette accalmie, le syndicat argue ‘’avoir privilégié la négociation pour préserver la bonne marche du service public de la justice’’.

En revanche, la magistrature, connue pour son silence parfois assourdissant, du fait de l’obligation de réserve, a semblé briser les rênes de la réserve, en cette année qui tire à sa fin. En effet, dès le mois de février, une crise est survenue entre l’Exécutif et le Judiciaire. Tout est parti de la démission, avec fracas, d’Ibrahima Hamidou Dème du Conseil supérieur de la magistrature (Csm). Le substitut général avait, dans une lettre ouverte, expliqué les raisons de sa démission liée au fonctionnement du Csm. Le ministre de la Justice d’alors, Me Sidiki Kaba, fut dans tous ses états.

Durant le vote du projet de loi portant création de l’Ordre national des experts du Sénégal (Ones), il n’avait pas hésité à charger et à livrer le magistrat à ses pairs, car coupable, à ses yeux, de la violation du droit de réserve. ‘’On a mis sur la place publique des débats qui n’auraient pas dû l’être. Il faut qu’on sache quelle est la situation d’un magistrat, parce que des confusions ont été créées pour prendre des positions qui n’ont rien à voir avec les positions professionnelles des magistrats’’, pestait le ministre. Et d’ajouter avec verve : ‘’On peut régler les questions de la justice sans entrer dans l’arène médiatique. Il faut éviter une justice spectacle, sensationnelle et émotionnelle. Nous n’en avons pas besoin, car il y a un cadre approprié pour débattre de toutes les questions essentielles.’’

Téliko, de la menace d’une sanction à la consécration à la tête de l’Ums

Un mois plus tard, c’est l’actuel président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) qui est au cœur de nouveaux remous au sein de la Justice. Le juge Souleymane Téliko, coupable d’avoir adressé un courriel daté du 22 mars 2017 à ses collègues mandants pour leur rendre compte de magistrats affectés après consultation à domicile du Csm, est menacé d’une sanction disciplinaire. Le magistrat avait même été convoqué devant la Commission disciplinaire du Csm pour le 19 avril 2017. L’Ums prend sa défense et parle d’une ‘’vaine tentative d’intimidation et de musellement d’un membre légitimement élu par ses collègues et qui n’a fait qu’exercer son mandat’’. Aussi, promettait-elle de mener ‘’toutes actions appropriées pour la sauvegarde des intérêts matériels, moraux et professionnels des magistrats’’. Finalement, la tempête s’estompe, car le président du Csm et président de la République avait finalement annulé la convocation.

‘’Honni’’ par sa tutelle, Souleymane Téliko sera finalement porté au pinacle par ses collègues, en août. A l’issue de l’Assemblée générale de l’Ums tenue le 19 août à Saly, il est élu président de la structure, en remplacement de Magatte Diop.

Un mois plus tard, c’est également l’alternance à la tête du ministère de la Justice. Me Sikidi Kaba est remplacé par le professeur Ismaïla Madior Fall. L’ancien conseiller juridique du chef de l’Etat est arrivé au moment où la magistrature est à nouveau sous les feux de la rampe, à cause de l’affaire Khalifa Sall. Des magistrats sont accusés d’avoir, à l’occasion d’une réunion tenue au palais de la République, planifié l’arrestation, l’inculpation et le jugement de Khalifa Ababcar Sall. L’Ums ‘’condamne fermement de tels propos qui, non seulement portent gravement atteinte à l’honorabilité des magistrats, mais contribuent à jeter le discrédit sur l’institution judiciaire tout entière’’ et invite donc à ‘’la sérénité ainsi qu’au sens des responsabilités’’.

Khalifa Sall, Bamba Fall, Barthélemy Dias… 

Concernant Khalifa Sall, son arrestation aura été l’une des plus marquantes de l’année courante. En février, le maire de la capitale est convoqué à la Division des investigations criminelles, dans le cadre de l’enquête sur la caisse d’avance. Deux semaines plus tard, Khalifa Sall et sept de ses collaborateurs sont convoqués par le Doyen des juges. Ils sont tous inculpés pour détournement de deniers publics portant sur 1,8 milliard de francs Cfa. Les inculpés sont placés sous mandat de dépôt, à l’exception des deux anciens percepteurs municipaux. La bataille de procédure s’est multipliée pour faire libérer les inculpés, mais surtout pour faire annuler la procédure. Toutes les requêtes sont rejetées par la justice. Avec l’élection de Khalifa Sall comme député, le 30 juillet dernier, un brin d’espoir est né, puisque ce nouveau statut confère au maire une immunité parlementaire.

Mais le parquet réfute ce privilège au motif que les faits sont antérieurs à l’élection. Cependant, le maître des poursuites fait volte-face et demande la levée de l’immunité parlementaire. Une commission ad hoc dirigée par Aymérou Gningue, Président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar, est constituée. Me Madické Niang, désigné 1er vice-président, finira par démissionner, accusant ses collègues parlementaires d’avoir violé les droits du député-maire pour ne l’avoir pas entendu. Cela n’empêche, le 25 novembre, l’immunité de Khalifa Sall a été levée au cours d’une séance plénière. Ainsi, le juge Samba Sall boucle l’information et renvoie les inculpés en jugement. L’audience fixée le 14 décembre a été finalement renvoyée d’office au 3 janvier prochain.

Tout le contraire du maire de Dakar, celui de Médina, Bamba Fall, attend toujours d’être édifié par le doyen des juges, même s’il est libre. En fait, le 5 janvier, l’édile socialiste a été placé sous mandat de dépôt, dans le cadre de l’instruction relative au saccage de la maison du Parti socialiste en mars 2016. Bamba Fall a été écroué avec le directeur de cabinet de l’édile de Dakar, Bira Kane Ndiaye, le chef de cabinet du maire de Grand-Yoff, Bassirou Samb, le neveu de Khalifa Sall, Cheikh Tidiane Sall, ainsi que des responsables des cellules de coordination.

Inculpés pour association de malfaiteurs, tentative d’assassinat sur la personne d’Ousmane Tanor Dieng, injures publiques, violences et voies de fait, coups et blessures volontaires, destruction de biens appartenant à autrui et menace de mort, ils ont été libérés au bout de 3 mois et 17 jours de détention préventive. Contrairement à ses partisans et camarades socialistes, Barthélémy Dias, qui faisait l’objet d’instruction depuis 6 ans pour la mort de Ndiaga Diouf, tué en 2011 lors de l’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, a pu finalement être jugé. Dans la décision rendue le 16 février, l’édile a écopé de 2 ans de prison dont 6 mois ferme pour coups mortels, coups et blessures volontaires et détention d’arme sans autorisation administrative.

La chanteuse Amy Collé et la journaliste Houlèye Mané prises dans les pièges du net

L’année 2017 a été aussi marquée par la montée de la cybercriminalité avec plusieurs dérives sur la toile. Le phénomène a pris des proportions au point que le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, était monté au créneau en servant une mise en demeure dans laquelle il menaçait de poursuites judiciaires les auteurs de diffusion d’images ou propos obscènes, injurieux et même à caractère ethnique. ‘’Il a été remarqué, depuis quelque temps, un comportement répréhensible et de plus en plus récurrent de personnes malintentionnées qui utilisent les réseaux sociaux et autres sites Internet pour diffuser des images ou propos obscènes, injurieux et même à caractère ethnique’’, écrivait-il dans un communiqué en date du 4 août. Cette sortie du procureur faisait suite aux arrestations de la journaliste Houlèye Mané, de la chanteuse Amy Collé Dieng et de la jeune ‘’apériste’’ Penda Bâ qui font toutes l’objet d’instruction.

La journaliste Houlèye Mané a été écrouée avec ses amis du groupe whatsapp ‘’Xaley beug lou bakh’’ le 3 juin, à cause d’un photomontage indécent sur le président Macky Sall. La bande est liberté provisoire depuis août. Idem pour Amy Collé Dieng et Penda Bâ qui n’ont passé que quelques jours en prison. L’artiste avait été incarcérée, car accusée d’avoir insulté le président de la République via WhatsApp. Quant à Melle Bâ, elle est inculpée à cause d’une vidéo dans laquelle elle tient des propos ethnicistes envers les Wolofs.

Assane Diouf, surnommé ‘’l’insulteur public n°1’’, complète la liste. Il s’est révélé aux Sénégalais à travers des vidéos où il insulte des autorités étatiques, politiques, religieuses... Il s’est livré à ce jeu depuis les Etats-Unis et a continué après son rapatriement au Sénégal. Depuis fin novembre, il est en prison à cause de ses attaques contre Serigne Bass Abdou Kadre.

Le rappeur Ngaaka Blindé est, quant à lui, perdu par des faux billets de banque. Le jeune artiste est en prison depuis mardi dernier. Il a été arrêté à l’aube du 19 décembre en compagnie de trois individus avec 5 730 000 F Cfa en faux billets. Un autre montant de 630 000 F Cfa sera encore découvert lors de la perquisition.

Pour finir, en 2017, le Sénégal allait enregistrer son premier procès d’envergure pour des faits liés au terrorisme. Il s’agit du procès de l’imam Alioune Badara Ndao et de ses 32 co-inculpés prévu le mercredi 27 décembre. Mais il a été finalement renvoyé en audience spéciale le 14 février 2018. C’est dire que la nouvelle année qui se pointera lundi prochain, va s’ouvrir avec de grands procès. D’abord, celui de Khalifa Sall prévu le 3 janvier. Ensuite, celui des présumés djihadistes.     

FATOU SY

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