Publié le 5 May 2021 - 21:57
SITES D’INFORMATIONS EN SANTÉ, FACEBOOK, FORUMS

Quand la santé se digitalise

 

Internet est désormais au centre de la vie quotidienne des gens. Notamment dans le domaine de la santé. Autant les citoyens sont nombreux sur les forums santé, les sites web santé et adhèrent aux groupes WhatsApp de la même obédience, autant les professionnels de la santé sont de plus en plus présents sur la toile, pour une meilleure interaction avec les populations et leurs patients. Ce phénomène n’est, cependant, pas sans conséquence.

 

La création d’un site ou d’une page Facebook est devenue la mode, chez les médecins. L’objectif est de partager leurs savoirs avec les internautes. Ils s’adaptent aux nouvelles mœurs des Sénégalais, pour se rapprocher de leurs patients. Qui considèrent, eux, que ces sites et pages de santé facilitent leur compréhension des signes de certaines pathologies et l’accès aux remèdes. C’est le point de vue de ce jeune étudiant en communication de teint noir, croisé aux environs du marché Sandaga de Dakar. Dans sa chemise marron bien repassée et le sac bien serré au dos, il dit : ‘’Les sites de santé sont nombreux sur Google (…). Des fois, il m’arrive de ressentir des choses sur mon corps et une fois que je tape les symptômes, je sais, c’est dû à quoi et je peux même poser des questions pour plus de détails’’, confie Moulaye Ndiaye.

Notre interlocuteur explique que sur les plateformes digitales, les avis de plusieurs médecins sont partagés et des symptômes des maladies y sont souvent développés, de même que les examens à faire et les remèdes. ‘’Donc, c’est plus pratique’’, ajoute Moulaye. Comme ce jeune étudiant, ils sont nombreux, les internautes sénégalais qui suivent, sur les réseaux sociaux, les pages de santé. Les pages ‘’Allô Docteur’’ du docteur Abdoulaye Diop, (plus 1,7 k membres) ou encore la page du tradipraticien Serigne Samba Ndiaye de la Sen TV (suivie par 44 209 personnes) demeurent une parfaite illustration.

Et au début de la pandémie du coronavirus, le professeur Didier Raoul faisait l’objet de plusieurs débats sur Facebook et Twitter. Toutes ses études et ses analyses y sont publiées au quotidien. ‘’J’ai commencé à suivre le Pr. Raoul, au début de la pandémie. Et j’ai, par la suite, aimé les pages des autres médecins, parce que leurs contenus sont très intéressants et ça nous aide pour notre santé’’, explique Mor Thiam, élève au lycée Lamine Guèye de Dakar.

Ainsi, sur les réseaux sociaux, les groupes à vocation sanitaire se multiplient et connaissent un grand engouement. Les adhérents y reçoivent des conseils en santé. Ils peuvent aussi faire la rencontre, en présentiel, des agents de santé qui s’y trouvent. C’est le cas du groupe ‘’Ma sage-femme, mon bien-être’’ où les interactions entre les sages-femmes et les membres sont très marquées. ‘’Je suis membre d’un groupe Facebook où les adhérents s’entraident, avec des conseils, se partagent les adresses de certains médecins, ainsi que les précautions à prendre pour certaines maladies’’, rapporte Mame Penda Ndiaye, étudiante en communication et journalisme.

Assise à ses côtés, une jeune fille, scotchée à son téléphone, ajoute : ‘’Un jour, un gynécologue m’a contactée et m’a posé des questions concernant mes règles, et je pense que c’est bénéfique.’’

Le revers de la médaille

Cependant, l’usage de l’Internet par les médecins, pour des informations liées à la santé, engendre également des dangers chez les populations.

En effet, des confusions de consignes sur des pathologies faites par ces derniers font l’objet de beaucoup de critiques chez les apprenants en santé. ‘’Les pages Facebook des médecins sont très bénéfiques pour notre formation, mais il est à signaler que le mieux, c’est d’aller à l’hôpital, se faire consulter pour avoir un diagnostic plus clair’’, soutient Nogaye Dieng, étudiante en soins infirmiers et obstétricaux.

De plus, certaines dérives sont notées dans les commentaires sur ces sites. ‘’Parfois, regrette Sokhna Sakho, je regarde dans les commentaires et je me rends compte que, maintenant, tout le monde est médecin’’. L’étudiante à l’Institut santé service de Kaolack ajoute : ‘’C’est un moyen de révision et de découverte par rapport à notre formation, car tout n’est pas dit dans les cours. Mais pour les autres, c’est pour faire de l’automédication. On note de l’imprudence par rapport à certains conseils.’’

D’après elle, dans certaines publications, les conseils que les personnels de santé donnent ‘’ne sont pas appropriés’’ pour tout le monde. ‘’Ce qui est préférable, c’est de donner des conseils hygiéno-diététiques et d’éviter cette nouvelle forme d’automédication sur Internet’’, estime Sokhna.

Toutefois, pour ces futures professionnelles de la santé, il faut allier les deux, c’est-à-dire suivre ces sites et pages de santé et aller à l’hôpital, en cas de symptômes. ‘’Je trouve très normal d’utiliser les nouvelles formes de communication pour se rapprocher davantage de nos patients. Car nous sommes à l’ère du numérique.  Cependant, certaines pathologies ne sont identifiées que par une consultation faite en contact direct entre le patient et le médecin’’, prévient Arame Diop.

Selon cette sage-femme d’Etat, les informations liées à la santé données sur Internet doivent insister sur l’importance de se faire consulter à l’hôpital.

Mais si, pour les uns, les réseaux sociaux facilitent aux populations l’acquisition d’informations sanitaires venant des professionnels de la santé, pour d’autres, cette pratique risque d’aggraver la circulation de faux médicaments.

MARIAMA DIEME et ARAME FALL NDAO (STAGIAIRE)

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