Publié le 10 Mar 2020 - 04:36
YAMA NDIAYE (MANNEQUIN)

L’égérie

 

Dans son fauteuil roulant, Yama Ndiaye est très à l’aise. Audacieuse, elle est la première femme sénégalaise vivant en situation de handicap à oser s’afficher en tant que top model.

 

La quarantaine, divorcée et mère de 3 enfants, Yama Ndiaye compte réaliser son rêve dans le milieu très select du mannequinat. Elle est la première femme sénégalaise vivant en situation de handicap à y évoluer. Elle fait également de la couture. Tout en alliant ces deux professions exigeantes, Yama est aussi dans la débrouillardise, pour assurer son pain quotidien.

Tôt le matin, elle est devant chez elle, pour vendre du petit déjeuner. L’après-midi, derrière sa table, elle prépare des ‘’fatayas’’ à vendre. C’est avec ces revenus qu’elle arrive à payer le loyer, subvenir à ses besoins et même se permettre de faire une épargne de 1 000 F pour gérer ses frais de transport. Un véritable casse-tête, mais cela lui fait beaucoup de bien.

La cause de son handicap ? Elle raconte : ‘’C’est à cause de la poliomyélite que j’ai eu les jambes immobiles. J’avais entre 13 et 14 ans. Mais je me suis rendu compte que tout est dans la tête. Moi, je ne vis pas mon handicap.’’ A l’époque, la jeune fille s’apprêtait à passer en classe de 4e secondaire au collège PI XII de Kaolack. C’était certes très difficile au début, mais, au fil des ans, avec l’aide de sa famille, elle a appris à se surpasser. Grâce à ce soutien, le mot complexe n’existe plus dans son jargon. ‘’Je n’ai jamais subi une stigmatisation venant de la famille et cela a été d’un grand apport. Bien au contraire, j’ai l’impression que celle-ci oublie même mon handicap’’, témoigne Yama, toute souriante.

Dans son fauteuil roulant, vêtue d’un grand boubou multicolore, elle gesticule, bouge. Malgré la disponibilité de sa progéniture qui tient à lui épargner certaines corvées, elle insiste toujours pour accomplir certaines tâches, toute seule. Ainsi, exécute-t-elle, par elle-même, divers travaux ménagers. Dans le milieu du mannequinat, elle confie être confrontée à une montagne de difficultés. Mais elle continue de foncer vers son objectif, sa passion. Elle n’en fait même pas cas, car cela, philosophe-t-elle, va de pair avec la vie. ‘’Même les valides éprouvent des difficultés, à plus forte raison une personne diminuée. Parfois, nous sommes aussi confrontée au manque de moyens financiers, notamment pour effectuer des déplacements. C’est le cas, par exemple quand on doit aller dans des zones reculées, comme la sous-région. Mais on gère’’.

Malgré son handicap, Yama aime la natation. Selon elle, cela l’aide à bien refaire ses jambes. Source de sa motivation, sa fille l’a encouragée à embrasser le métier de mannequin. Surtout pour faire comprendre aux personnes dans son état qu’elles ont droit à la vie. Ainsi, son principal défi est de montrer à cette couche de la population que son rôle ne doit pas forcément être de tendre la main, d’aimer la facilité. Elle témoigne : ‘’Dans la rue, lorsque je les croise, je discute beaucoup avec elles pour les convaincre qu’elles peuvent bien gagner leur vie autrement. Des fois, elles ont même honte. Je n’aime pas cette pratique, franchement, je ne m’y vois pas du tout’’, soutient l’enfant de Kaolack.

Son emploi du temps, elle le gère scrupuleusement. Les mercredis et les dimanches, jours où sa fille ne va pas à l’université, sont consacrés aux répétitions, de 14 h à 18 h. Après cela, elle pratique le sport, un conseil de son médecin. Pour la Journée internationale de la femme, l’appel qu’elle lance à ses pairs est de toujours croire en elles.

AIDA DIENE

 

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