Publié le 23 May 2016 - 23:00
OUMY CISSE, VICTIME DE FISTULE

Le mauvais coup du jumeau 

 

2010 est une année qu’Oumy Cissé n’oubliera jamais. Après avoir donné naissance à l’un de ses jumeaux, elle a traversé toute la Gambie avec l’autre enfant. Ayant contracté une fistule obstétricale, elle n’a bénéficié d’aucun soin médical, pendant six ans, faute de moyens. Abandonnée, isolée, déprimée, son état de santé ne cesse de se dégrader. Heureusement pour elle, le programme de lutte contre la maladie lui a tendu une perche.

 

Tout chez elle indique la solitude et la misère dans lesquelles elle vit depuis 6 ans maintenant. Son visage pâle et sa peau ridée sont les témoins d’une fatigue pluriannuelle. Un jour de 2010, ce qui devait être un bonheur s’est transformé en enfer pour Oumy Cissé. Cette originaire de Kolda devait donner naissance à des jumeaux. L’un des deux est sorti sans trop de problème, mais l’autre a été hélas celui qui lui a pourri la vie depuis lors. Agée à l’époque de 34 ans, Oumy Cissé a gardé le second enfant dans son ventre, pendant plusieurs jours. D’abord, elle est restée dans le centre de santé où elle a accouché, pendant deux nuits et une journée. Le personnel soignant n’ayant rien pu faire pour elle, elle a entrepris un long et douloureux périple qu’aucune maman ne devrait avoir à vivre.

‘’J’ai été conduite en Gambie dans une localité qui s’appelle Bouring. De là, j’ai été transférée à Soma. Mais nous n’avons pas trouvé le médecin sur place. J’ai été amenée à Baysa. Je devais subir là-bas une opération, mais il y a eu coupure d’électricité. J’ai été acheminée à Farafenni’’, raconte-t-elle. Une fois dans  cette localité frontalière du Sénégal, la dame a cru en finir avec son calvaire. Mais le destin en avait décidé autrement. ‘’Quand nous sommes arrivés à Farafenni, on nous a fait comprendre que le personnel soignant était en voyage. J’ai été transférée à Banjul. C’est dans la capitale gambienne que j’ai été opérée. L’enfant avait déjà perdu la vie. C’est là que la maladie est apparue’’. Après la césarienne, Oumy Cissé a été opérée à nouveau, pour la fistule. La mauvaise nouvelle n’est tombée sur elle que plus tard, tel un couperet.

Assise sur son lit d’hôpital, elle attend une deuxième opération. Celle-ci devrait réparer ce que la première, six ans plus tôt, n’a pas réussi à faire. En effet, depuis qu’elle est sortie de l’hôpital, après son accouchement, elle n’est plus retournée dans une structure de santé. Pendant plus de cinq ans, elle n’a reçu le moindre soin. La raison ? ‘’Je n’avais pas assez d’argent. Je n’avais pas de soutien non plus. Ma famille n’a pas de quoi m’aider’’, soupire la dame de teint noir et grande de taille. Habillée d’une taille basse multicolore, un foulard jaune sur la tête, elle confie qu’elle a dû se rapprocher d’une organisation de financement des femmes pour contracter une dette de 35 000 F  et payer la première ordonnance faisant suite à l’opération. La somme empruntée, qui devait normalement servir à une activité génératrice de revenus, a été utilisée comme bouée de sauvetage. En bonne Sénégalaise, elle a utilisé le peu de sou qu’elle avait pour consulter les guérisseurs.

Cela n’a rien donné ! Pire encore, sa santé se dégrade de jour en jour. ‘’J’ai parfois de la fièvre. Des fois, la température baisse. Dans l’autre pied, c’est comme si il y avait une bestiole qui bouge. Parfois, on dirait qu’elle se déplace jusqu’à hauteur des fesses. Par moments, j’ai l’impression qu’elle me mord. Il y a aussi souvent du vent qui sort de moi. L’un des pieds bouge difficilement, c’est comme s’il était paralysé’’, laisse-t-elle entendre dans un accent gambien.

Solitude

Au-delà du déficit sanitaire, il y a la souffrance physique et morale. Au début de la maladie, son mari l’a un peu aidée, dit-elle. Son conjoint achetait la nourriture pour le nouveau-né confié à sa tante, puisque qu’elle ne pouvait pas le prendre en charge. Aujourd’hui, elle nourrit un sentiment de trahison par rapport à tout ce qui s’est passé. D’une voix empreinte de tristesse et de mélancolie, elle confie : ‘’Ça fait longtemps qu’il ne m’a pas aidée. Les gens ne réagissent pas de la même manière. Certains savent se souvenir, mais d’autres oublient le passé’’, dit-elle.

Aujourd’hui, elle est certes toujours dans le domicile conjugal, mais tout indique que le cordon la reliant à cette famille a été coupé. Dans une solitude quasi-totale, elle ne parle presque avec personne. ‘’Je passe la plupart de mon temps dans ma chambre. Il m’arrive parfois de sortir et de prendre un peu d’air. Mais quelque temps après, je retourne dans la chambre’’. Quant à son mari, elle ne fait même pas référence à elle. Il faut toujours lui poser une question directe sur lui pour qu’elle en parle. Cette relation amoureuse se conjugue désormais au passé.

Abandonnée par celui-là qui l’avait amenée là-bas, elle ne compte pas pour autant quitter le domicile, si son mari ne décide pas de la répudier. Et pour ne rien arranger, sa maman étant morte, sa famille qui devait aller la chercher pour une prise en charge correcte lui a conseillé de rester chez son mari, tant que ce dernier ne décide pas de la renvoyer de la maison. Résultat : elle est à la maison sans être membre de la famille. Tout de même, on consent à venir lui déposer le plat à l’heure de chaque repas. Le seul moment où il y a un contact éloigné entre elle et le reste du foyer. 

Lueur d’espoir

Il a fallu qu’une dame la mette en relation avec des acteurs de la santé pour qu’elle bénéficie enfin d’un début de prise en charge. Mais même dans ses moments d’espoir, elle ne peut compter que sur elle-même. Sur son lit de patiente à Hoggy, dans l’attente d’une opération, elle n’a, à ses côtés, qu’une amie résidant à Dakar et venue aux nouvelles, à l’heure des visites. Pour le reste, elle est seule. Absolument seule !  Sans proches !

La prise en charge des fistuleuses étant entièrement gratuite, un véhicule est allée la chercher à Kolda pour la faire venir à Dakar. Quant à ses parents, ils n’ont pas effectué le déplacement, faute de moyens, dit-elle. ‘’Mes frères voulaient venir. Mais pour faire le trajet, il faut payer 15 000 F. ils n’ont pas cette somme pour venir avec moi. Quand ils m’ont appelée, je les ai rassurés en leur disant que ceux avec qui je suis ici prennent bien soin de moi’’.  Le retour de l’enfer est donc possible. A condition qu’il y ait un suivi !

VIVIANE DIATTA

 

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