Publié le 9 Jan 2017 - 14:56
MANIFESTATIONS CONTRE LE FRANC CFA

Une vaste campagne de boycott des produits français envisagée

 

La guerre contre le Franc Cfa est lancée. Ce week-end, à la place de l’Obélisque rebaptisée place de la Nation, les détracteurs de cette monnaie ont brandi la menace du boycott des produits français, en réaction contre ‘’la servitude monétaire’’ de leurs pays. Au même moment, dans 14 pays du monde, la même manifestation était organisée.

 

L’extrait du discours du président Macky Sall, lors de sa récente visite d’Etat en France, dans lequel il a laissé entendre que ‘’le F Cfa est une bonne monnaie qu’on peut garder encore’’, est l’‘’insupportable’’ phrase qui continue de susciter la colère et l’indignation de certains Sénégalais. A la place de la Nation, ce samedi, près de 300 personnes, essentiellement des jeunes, ont répondu à l’appel du 26 décembre dernier, malgré le flou qui a plané jusqu’à la dernière minute sur l’autorisation ou non de la manifestation. Ces  jeunes, issus de structures différentes de la société civile sénégalaise et africaine, sont venus dire vigoureusement ‘’Non au F Cfa et à bas les APE (Accords de partenariats économiques) !’’  Munis de pancartes, de  banderoles, de sifflets et autres objets sonores, distribuant des tracts, les opposants au franc Cfa, visiblement déterminés, ont présenté cette monnaie comme un ‘’outil de domination, une nébuleuse, un crime social, politique et économique en Afrique’’.

Pendant que cette marche de protestation se déroulait à Dakar, d’autres actions de même nature, pour la même cause, étaient simultanément organisées dans 14 autres pays sur l’initiative de l’association urgence panafricaniste. Pour Cheikh Mbacké Touré, coordonnateur de la pétition contre les APE, la monnaie est, pour un pays, ce que le sang est pour l’individu. ‘’Cette journée n’est pas une fin en soi, mais un début. C’est une victoire, parce que des actions sont coordonnées dans 14 pays. L’exploit n’est pas de pouvoir se rassembler ici mais réside plutôt dans le fait que les frontières artificielles, injustement érigées par les francs-maçons en 1884-85 à Berlin pour nous diviser, n’empêchent plus les Africains de collaborer ensemble pour décider de leur libération. Le fait qu’au même moment,  en Afrique, en Europe et en Amérique, les populations puissent parler d’une seule voix, montre que le processus que nous avons enclenché est plus que jamais irréversible’’, a lancé Kémy Séba, un des leaders et organisateurs de la manifestation, estimant qu’on ne peut avoir la maîtrise de sa destinée sans gérer sa propre monnaie.

Kémy Séba : ‘’La France n’a jamais été dans une logique de laisser sa proie’’

A la fin de cette journée, a-t-il renseigné, l’ONG urgence panafricaniste, qui a coordonné l’ensemble de ces protestations dans 14 pays, va faire le point des actions qui ont été menées au cours de cette journée internationale afin de recueillir les avis des experts : scientifiques, économistes et activistes politiques. Une évaluation au terme de laquelle un cahier de charges sera élaboré et soumis aux chefs d’Etat africains qui souhaitent sortir du franc Cfa. ‘’Evidemment, quand on parle des chefs d’Etat qui souhaitent sortir de la zone franc, il n’est pas certain que Macky soit concerné’’, a-t-il déclaré. ‘’Les chefs d’Etat africains qui se sentiront concernés par notre mémorandum, sans les citer, seront bien plus nombreux que vous ne le croyez. Ils vont présenter une feuille de route aux autorités françaises dans laquelle ils vont signifier leur désir de sortir de la zone franc ; même si on sait que lorsqu’il s’agit d’abandonner sa proie, la plupart du temps, la France n’a jamais été dans une logique de laisser sa proie’’.

Qu’à cela ne tienne, poursuit Kémy Séba : ‘’ce qui risque de se passer, prévient l’activiste, si la France rentre dans des manœuvres dilatoires, dans une logique de vouloir nous dribler, comme au moment des indépendances en 1960, nous sommes déjà en train de lister l’ensemble des produits français qui ne sont pas de première nécessité. Et je vous annonce d’ores et déjà, dans les mois à venir, lorsque les propositions seront exposées aux autorités françaises, si elles refusent, il y aura une campagne continentale de boycott des produits français’’.

212 000 milliards transférés vers la France entre 1985 et 2012, selon un économiste

Au plan scientifique, les protestataires contre le franc Cfa ont apporté des arguments et des chiffres qui dénient tout avantage et intérêt aux Etats qui en font usage. Selon l’économiste Ndongo Samba Sylla, entre 1985 et 2012, 212 000 milliards ont été transférés des pays de la zone franc vers la France, soit 21 milliards par jour. Et l’économiste d’ajouter que sur les 14 pays qui ont en commun cette monnaie, les 10 sont classés parmi les pays les moins avancés (PMA). Ce, sans compter les coups d’Etat et tentatives de coups d’Etat  survenus dans ces pays et qui ont été soutenus par la France avec pour seul dessein le souci du maintien du contrôle économique et monétaire de ces Etats.

Sankaristes, Lumumbistes ou Kadhafistes, chacune de ces sensibilités était représentée à la marche de ce samedi. Parmi les manifestants, des réalistes, des nihilistes voire des utopistes. Arborant les photos de ces leaders politiques de l’Afrique contemporaine, revisitant leurs discours et idées révolutionnaires, ils avaient en commun, la forte aspiration à l’unité de l’Afrique et à la liberté totale de ce continent. Une liberté qui, selon eux, ne sera point offerte aux Africains sur un plateau d’argent, mais qu’ils doivent arracher de haute lutte.

Sur la nouvelle monnaie que la CEDEAO projette d’émettre en 2020, appelée Eco, les activistes invitent à la vigilance. Autrement dit, il ne faudrait pas que ça soit un simple changement de nom du franc Cfa pour une monnaie qui maintiendra les mêmes logiques de contrôle et dépendance actuelles.

Mamadou Yaya BALDE

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