Publié le 6 Aug 2018 - 15:12
AMÉLIORATION DU STATUT ET CONDITIONS DES MAGISTRATS

L’Ums dénonce l’immobilisme de l’Etat

 

L’Union des magistrats sénégalais a tenu son Assemblée générale ordinaire ce samedi à Saly Portudal. Une occasion pour son président, Souleymane Téliko, de dénoncer l’immobilisme de l’Etat dans les mesures relatives à l’amélioration de leurs statut et conditions de travailleurs.

 

Le président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) s’est livré, samedi, à un diagnostic sans complaisance du secteur de la justice. Devant le ministre de la Justice venu présider la cérémonie officielle de leur assemblée générale ordinaire, Souleymane Téliko a soulevé des griefs contre l’Etat. Tout au début de son discours, il a commencé par jeter des fleurs au ministre de la Justice. ‘’Depuis votre arrivée à la tête de cet important ministère, vous vous êtes évertué, aidé en cela par votre équipe, à mener à terme des projets qui nous tiennent particulièrement à cœur. La mise en œuvre de la carte judiciaire à travers l’installation des Tgi de Mbour et de Pikine-Guédiawaye, l’édition de Codes pénal et de procédure pénale dont la distribution est en cours prouvent, s’il en était besoin, tout le dynamisme de votre équipe’’, a déclaré le magistrat à l’endroit du Pr. Ismaïla Madior Fall.

Mais la suite a fini par noyer ces fleurs, puisque c’est tout un chapelet de revendications et de critiques qu’il a égrené. Parmi ces griefs, il y a l’absence de dialogue entre l’Etat et l’Ums. ‘’On est fondé à s’interroger sur la volonté du gouvernement de nouer le fil du dialogue constructif avec les acteurs de la justice’’, a souligné Souleymane Téliko. Ce scepticisme, l’Ums le fonde, d’une part, sur l’absence de réaction par rapport à des actes du colloque sur l’indépendance de la justice dans lesquels sont consignées les propositions de réforme formulées par l’écrasante majorité des magistrats.

D’autre part, il y a également le fait qu’elle court derrière une audience avec le chef de l’Etat, depuis le 13 février 2018, soit depuis plus de 6 mois. ‘’Comment, enfin, comprendre l’immobilisme observé par le pouvoir depuis la fin des travaux du comité de concertation, alors que le ministre de la Justice, ici présent, nous avait annoncé la remise imminente du rapport au chef de l’Etat ?’’, se sont également interrogé les magistrats. Face à toutes ces lenteurs soulevées, ils sont convaincus que, ‘’de toute évidence, le gouvernement cherche à gagner du temps dans un dossier qui requiert pourtant célérité’’.

‘’Peur de voir la justice échapper à leur contrôle’’

Aussi, lancent-ils à leur hôte : ‘’Qu’on ne nous demande surtout pas de savoir dialoguer ! Car dialoguer, ce n’est pas quémander, ce n’est pas supplier. Dialoguer, c’est se présenter avec ses idées et ses convictions en partenaire libre et responsable.’’

Dans la foulée, le président de l’Ums a rappelé que ‘’le sens profond de ces réformes n’est pas tant de modifier des textes que de redonner aux magistrats la place et la dignité qui sont les leurs dans un Etat de droit digne de ce nom’’. C’est la raison pour laquelle l’on ne devrait pas leur reprocher d’empressement. Surtout que, argue-t-il, ‘’depuis plus d’un an, les magistrats dénoncent, en vain, l’adoption de cette loi particulièrement rétrograde et discriminatoire sur la prorogation sélective de l’âge de la retraite’’. ‘’De même, concernant la gestion de la carrière, a-t-il poursuivi, nous décrions, depuis de longues années, le manque de transparence qui alimente les critiques sur le fonctionnement du Csm (Conseil supérieur de la magistrature)’’.

Dans le même ordre d’idées, l’Ums déplore le fait que certains de leurs collègues tardent, depuis plus de six mois, à être intégrés dans le grade hors hiérarchie par la faute d’un statut devenu, à bien des égards, obsolète. ‘’Au regard de telles données, force est d’admettre que ce ne sont pas les magistrats qui sont pressés, mais que c’est bien le gouvernement qui continue d’hésiter à statuer sur un dossier dont l’urgence commande un enrôlement à bref délai’’, a fulminé M. Téliko.

Pour le président de l’Ums, cet immobilisme de l’Etat est motivé par une certaine peur qui habite tant le pouvoir Exécutif que certains d’entre eux. ‘’Peur de voir la justice échapper à leur contrôle pour les uns, peur de perdre les privilèges attachés à un système dont ils ont appris à profiter, pour les autres’’, a expliqué le magistrat, avant de placer la balle dans le camp du ministre. ‘’Le moment est venu de montrer à tous les acteurs de la justice et, au-delà, à tous nos concitoyens qui nous observent, que le gouvernement du Sénégal que vous représentez ici, tient vraiment au rayonnement de la justice de notre pays… Faites donc que ça se réalise. La communauté judicaire et, au-delà, tous les citoyens de ce pays, vous en sauront gré’’.

FATOU SY

 

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