Publié le 17 Mar 2020 - 16:39
PROPAGATION DE LA COVID-19

Le Sénégal suspend les vols en provenance des zones touchées

 

Des lignes aériennes sont suspendues à compter du mercredi 18 mars 2020 à 23 h 59 mn, pour une durée de 30 jours. L’annonce est faite, hier, par le ministre chargé du Tourisme et des Transports aériens, Alioune Sarr.

 

Toutes les lignes aériennes en provenance et vers les destinations de la France, de l’Italie, de l’Espagne, de la Belgique, du Portugal, de l’Algérie et de la Tunisie sont suspendues. Cette décision, tellement attendue par la population sénégalaise, est finalement tombée hier.

Selon le ministre chargé du Tourisme et des Transports aériens, Alioune Sarr, cette situation est consécutive à une proposition des experts du ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS). Ils ont fait part de la nécessité d’assurer une rupture de la chaîne de transmission, pour éviter que l’épicentre de cette pandémie ne se déplace en Afrique et plus particulièrement au Sénégal.

Ainsi, dans la continuité des mesures prises par le président de la République, le samedi 14 mars dernier, les experts du ministère du Tourisme et des Transports aériens, en rapport avec ceux du MSAS, se sont concertés, hier, pour étudier ensemble les meilleurs moyens de réduire au maximum la propagation de ce virus. Au terme des échanges, explique Alioune Sarr, il est apparu qu’il devient primordial de mettre en œuvre tous les moyens qui siéent, pour protéger au mieux les 16 millions de Sénégalais. Mais également, dit-il, de s’assurer que l’aéroport international Blaise Diagne, principal point d’entrée du pays, ne soit un espace de contamination et de transmission de la Covid-19, et d’éviter tout risque d’augmentation de cas au Sénégal, dans les jours et semaines à venir.

De cette rencontre, soutient le ministre du Tourisme, est ressortie la recommandation d’arrêter les flux directs et indirects en provenance des zones à risque, afin d’éliminer les interactions avec les foyers de la pandémie.

Cette mesure sera applicable à compter du mercredi 18 mars 2020 à 23 h 59 mn, pour une durée de 30 jours. Ne sont pas concernés les vols cargo pour lesquels les équipages devront rester à bord et leur temps d’escale réduit au strict minimum ainsi que les vols d’évacuation sanitaire. Pour le royaume du Maroc, informe Alioune Sarr, les vols sont suspendus depuis hier à 00 h 01 mn. ‘’Cette décision historique a pour principal objectif de réduire la chaîne de transmission et d’en minimiser l’impact. Elle est alignée aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui demande aux pays de trouver un juste équilibre entre la protection de la santé, la prévention des perturbations socio-économiques et le respect des Droits de l’homme. Mais aussi d’adopter une approche globale adaptée à leur situation, avec le confinement comme pilier central’’, explique M. Sarr.

Par ailleurs, le ministre reconnaît qu’une telle décision aura des conséquences sur les secteurs du tourisme et des transports aériens, deux des sept secteurs prioritaires du Plan Sénégal émergent. Néanmoins, ‘’face à ce choc exogène mondial, il est de notre devoir d’apporter des réponses mesurées et cohérentes, proportionnées à la menace contre la santé publique et basée sur des évaluations des risques locaux. Ceci impliquera tous les éléments de la chaîne de valeur touristique et aérienne’’. Ce qui se fera, dit-il, en accord avec les lignes directrices et recommandations générales de l’Organisation mondiale de la santé, de l’Organisation mondiale du tourisme et de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

Par ailleurs, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, annonce un prélèvement positif du coronavirus sur 9 tests effectués. Il s’agit d’un ressortissant français, âgé de 67 ans, arrivé à Dakar le 7 mars 2020 et venant de la France par Vol Iberia. La cellule d’alerte, informe Abdoulaye Diouf Sarr, est saisie le 15 mars et les équipes ont procédé au prélèvement et au confinement du patient. A ce jour, 27 cas sont déclarés positifs, dont 2 guéris et 25 encore sous traitement.

Les contrecoups d’une mesure

L’Etat corse la riposte contre la Covid-19. Ainsi, en plus des mesures prises ce week-end par le chef de l’Etat, le gouvernement annonce la fermeture des frontières aériennes avec certains pays contaminés par la pandémie. Seulement, les acteurs du transport aérien et du tourisme risquent d’être les principaux impactés de cette mesure, même s’ils applaudissent cette décision qu’ils jugent salutaire.

HABIBATOU TRAORE

La suspension des vols en provenance de certains pays infectés par la Covid-19 est devenue, depuis quelque temps, une demande sociale. L’Etat, à travers le ministre du Tourisme et des Transports aériens, a fini par satisfaire cette requête. En effet, l’aéroport international Blaise Diagne est devenu, depuis un moment, la porte d’entrée du coronavirus. Tous les cas répertoriés au Sénégal y sont passés et viennent, pour la plupart, d’Europe.

Ainsi, hier, Alioune Sarr a annoncé cette nouvelle mesure gouvernementale, après celle relative à la suspension des cours et l’interdiction des rassemblements. Tous les vols en provenance de la France, d’Espagne, d’Italie, de Belgique, de Tunisie, d’Algérie… sont suspendus à partir de ce mercredi 18 mars 2020 à 23 h 59, pour une durée de 30 jours. Une décision salutaire, apprécient beaucoup de Sénégalais.

Seulement, il y aura des impacts, et pas des moindres, sur le secteur du transport aérien et du tourisme. Pour le président de l’Association des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration (Aphore) et membre du Conseil national du tourisme, l’économie va en souffrir. D’après Pape Berenger Ngom, les chiffres d’affaires vont baisser dans le secteur touristique car, indique-t-il, les gens ne voyageront plus, ne fréquenteront plus les hôtels et ne mangeront plus dans les restaurants. Ce qui, par conséquent, estime-t-il, va être ressenti dans les structures hôtelières. ‘’Des emplois peuvent être menacés avec les lourdes charges dans les établissements hôteliers qui peuvent employer entre 200 à 300 personnes, sans compter le paiement de la location, les charges fixes (courant, l’eau, Internet)’’, souligne M. Ngom. Il estime que cette mesure aura forcément des conséquences négatives.

Le président de l’Aphore affirme que les prochains jours seront difficiles pour les hôteliers. ‘’Il faut vraiment se serrer la ceinture, minimiser les pertes et essayer de réduire les dépenses. On peut amener une partie des employés en congés mensuels afin de mettre en service le strict minimum du personnel, car la fréquentation des clients va vraiment baisser’’, regrette Pape Berenger Ngom. Il prédit une baisse du chiffre d’affaires de 50 à 75 % pour certains établissements hôteliers.

Cette prévision peut être également faite pour le transport aérien. Ce secteur qui a déjà connu, depuis un certain temps, une forte baisse des volumes du fret en provenance de la Chine, s’attendait à cette mesure qui risque de causer encore plus de dommages. Le secrétaire général de l’Union des acteurs du fret renseigne, à ce propos, qu’ils s’attendent à la fermeture de certaines entreprises et, au pire des cas, au renvoi d’une partie des personnels ou une diminution des salaires.

‘’Dans tous les cas, cela va fortement diminuer nos activités, des centaines de millions, pour ne pas dire milliards, sont en jeu, si on prend en compte toutes les entreprises qui sont dans le secteur du fret et les transitaires chargés des formalités. La douane va perdre énormément de recettes, en termes d’importation et d’exportation, ainsi que le Trésor public. C’est une chaîne de valeur qui est fortement menacée’’, explique Moustapha Diakhaté.

Cette situation était certes prévisible, mais il était difficile, voire impossible, pour les entreprises, de l’anticiper. En effet, selon M. Diakhaté, les petites et moyennes entreprises (PME) n’ont pas les reins solides pour le faire. ‘’Les choses ont commencé en décembre en Chine. Les Européens ne pensaient pas que l’épidémie toucherait leurs pays. Et nous dépendons trop de l’Europe. Les pays ciblés ont tous une forte colonie africaine, en particulier sénégalaise. Vouloir prévenir, c’est arrêter la mer avec ses bras. Nous n’avons pas les ressources nécessaires pour faire face’’, se désole M. Diakhaté.

À présent, les acteurs de son secteur s’en remettent à l’Etat et l’invite à prendre conscience des dommages collatéraux qui vont impacter sur les activités du transport aérien. Ils souhaitent ainsi un accompagnement en allégeant les impôts sur ses entreprises ou en y injectant de l’argent pour permettre une reprise des activités dans les plus brefs délais.

Une mesure salutaire

Toutefois, nos interlocuteurs n’ont pas manqué de saluer cette mesure prise par les autorités sénégalaises. Pour Moustapha Diakhaté, il fallait que l’Etat sévisse car, dit-il, l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) est devenu une porte d’entrée du coronavirus. ‘’On ne peut pas vraiment mettre sur la balance les pertes en matière économique et les vies humaines’’, précise le secrétaire général de l’union des acteurs du fret. Mieux, le membre du Conseil national du tourisme trouve que la contamination de la Covid-19 se fait très rapidement. Pape Berenger Ngom pense ainsi qu’il est du ressort du gouvernement de prendre des mesures drastiques.

‘’Cette maladie vient de l’Asie. Personne n’a pensé qu’elle allait pénétrer comme ça en Afrique. On a moins de cas, contrairement aux pays comme l’Italie et l’Espagne certes, mais, quel que soit le vol, dès qu’il y a une personne touchée, on met tous les passagers en quarantaine pour les traiter. Alors, vaut mieux rester chez soi jusqu’à ce que ces décisions soient levées’’, indique M. Ngom.

Il pense d’ailleurs que l’Etat a tardé à prendre ces mesures qui pourront définitivement freiner la propagation de la Covid-19.

VIVIANE DIATTA

 

Section: