Les élèves et les chefs d’établissement entrent dans la danse

Ça va de mal en pis, dans l’espace scolaire sénégalais. Depuis une semaine, les grèves ont repris dans les écoles. Les enseignants réclament le respect scrupuleux des engagements signés avec le gouvernement qui parle d’un malencontreux malentendu. Hier, ce sont les élèves de Mbour qui ont manifesté leur ras-le-bol par rapport à la situation actuelle, alors que les chefs d’établissement se rangent du côté des enseignants.
L’heure semble grave, dans l’espace scolaire, avec la radicalisation des enseignants qui exigent le respect des accords signés le 26 février dernier avec le gouvernement du Sénégal. Cette situation a eu comme conséquence un arrêt total des enseignements-apprentissages dans toutes les écoles du pays. Pis encore, hier, les élèves et les chefs d’établissement se sont joints à la lutte.
À Mbour, c’est une forme novatrice de manifestation qui a été lancée par les élèves du lycée Demba Diop. Une journée sans sac a été observée par les potaches, sous la houlette du gouvernement scolaire. L’idée de cette innovation est de mettre tout le matériel scolaire hors des sacs d’écoliers. Tout autre contenant est permis. De ce fait, panier de marché, bac à pain, brouette, marmite, caisse, fer à repasser, thermos, valise, bassine, bol et autres récipients insoupçonnés ont pris la place des cartables et des sacs à dos des élèves.
Présidente du gouvernement scolaire, Fatou Mbengue, explique : ‘’Nous avons organisé cette journée sans sac. C’est-à-dire que l’élève peut tout apporter à l’école, sauf un sac. Les professeurs n’étaient même pas au courant, puisqu’ils avaient commencé une nouvelle fois leur mouvement de grève. Ils viennent jusqu’à l’école pour nous déclarer qu’ils sont en grève et nous sommes obligés de rebrousser chemin. Alors, nous nous sommes entendus pour leur rendre le coup. Nous allons tous venir à l’école, mais personne ne sera avec son sac, ni avec des bagages pour travailler. Ils sont tous venus à l’école, mais ils ne vont pas faire cours, puisque nous n’avons pas apporté nos bagages.’’
Selon la présidente du gouvernement, cette idée a été plutôt copiée par certains élèves qui avaient tenté le coup sur Tik-Tok. ‘’Alors, nous nous sommes dit qu’il fallait le faire également, puisque Demba Diop est un grand lycée, ça pourrait faire tache d’huile dans les autres établissements du Sénégal. Nous invitons tous nos camarades du Sénégal à faire ce geste’’, invite-t-elle.
La psychose des examens s’installe
Dans cette même mouvance, Fatou Mbengue a partagé la crainte des potaches, avec l’approche des examens du Bac et du Bfem qui se tiennent, si l’on se fie au calendrier académique au mois de juillet. «’’Nous sommes à presque un mois du Bac et du Bfem. Les professeurs ont repris leurs grèves. Ce qui constitue une situation très désagréable pour les élèves du public, parce que ceux des établissements privés continuent de faire calmement leurs cours. Donc, si nous ne trouvons pas de solution, nous serons les seuls à payer les pots cassés. Et nous n’écartons pas de continuer cette lutte en délogeant les élèves des écoles privées prochainement’’, dit Fatou Mbengue.
Il en est de même pour les candidats au Bac. ‘’Nous n’avons pas fait cours depuis quelques jours, parce que, d’après ce que les profs ont dit, le gouvernement n’a pas respecté les accords signés avec eux’’, s’est offusqué Joseph Mendes. Selon le candidat au Bac S2, ‘’franchement, nous ne sommes pas contents, parce qu’il y a les élèves de Keur Madior, de Saint-Esprit, d’Étienne et Monique qui sont en train de faire cours et de continuer leur programme normalement, alors que nous, nous avons du mal à progresser avec notre programme. Cette situation nous inquiète beaucoup’’. D’autant que les perspectives pour le Bac restent encore sombres, aux yeux de ces candidats qui ne savent plus à quel saint se vouer. ‘’Certains disent que la date de tenue du Bac va être repoussée ; d’autres soutiennent le contraire. Donc, nous sommes dans l’incertitude, parce que nous sommes à quelques semaines des examens et il y a des leçons que nous n’avons pas encore faites, alors que les élèves du privé en ont terminé’’, indique Joseph Mendes.
Les censeurs se rangent du côté des enseignants
Dans cette cacophonie, les chefs d’établissement ont pris position. Contrairement aux années précédentes où les enseignants étaient seuls dans leur combat, cette fois-ci, les chefs d’établissement regroupés dans le Collectif des censeurs du Sénégal ont manifesté leur soutien indéfectible à leurs adjoints. Ils se sont exprimés à travers un communiqué rendu public hier. Ils regrettent la situation notée ces derniers temps. ‘’Ceci a poussé les censeurs du Sénégal à se réunir à travers leur panel WhatsApp ce dimanche 29 mai 2022, de 21 h à 22 h 45 pour marquer leur position face à la situation’’, a informé le document.
Avant de poursuivre : ‘’Il est à noter que plusieurs d’entre eux y ont participé et ont donné leur point de vue sur la suite à tenir. À travers les différentes interventions, il ressort, de manière unanime, que les censeurs déplorent cette situation désastreuse que traverse l’école. Aussi, ils condamnent le non-respect des accords du 26 février 2022 par le gouvernement du Sénégal, entrainant, du coup, des perturbations dans le bon déroulement des enseignements-apprentissages à tous les niveaux (du préscolaire au secondaire). Ils se désolent davantage des conséquences de ce non-respect des accords, car nous sommes à un moment crucial de l’année scolaire, avec l’imminence des compositions et des examens de fin d’année, surtout que les enseignants étaient concentrés sur le rattrapage des heures perdues, le bouclage des programmes et l’accompagnement de leurs candidats aux différents examens.’’
Face à cette situation, précise la source, ‘’le Collectif des censeurs du Sénégal invite tous les censeurs à un strict respect des mots d’ordre des syndicats du Saemss et du Cusems, d’autant plus qu’ils en sont membres pour l’essentiel’’. À ce titre, il compte boycotter toutes les évaluations internes (devoirs et compositions) dans les différents lycées, mais également les évaluations externes comme le Bac et le Bfem, en tant que chefs de centre adjoints et surtout faire la rétention d’informations administratives, y compris la situation journalière de la grève. Pour finir, ‘’le Collectif des censeurs du Sénégal réitère sa disponibilité et son soutien sans faille aux syndicats d’enseignants, tout en invitant le gouvernement du Sénégal à œuvrer pour la stabilité de l’école sénégalaise par le respect de sa signature pour une reprise normale des cours et une bonne tenue des évaluations de cette fin d’année’’, a assuré le Collectif des censeurs du Sénégal.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)