Publié le 4 Nov 2025 - 14:06
OFFENSIVE DU JNIM AU CENTRE DU SAHEL

Or, uranium et intérêts étrangers, les nouvelles cibles des jihadistes

 

Depuis quelques temps, révèle un nouveau rapport de Timbuktu Institute, les terroristes du JNIM se manifestent par le déploiement de nouvelles stratégies. En sus du “blocus” imposé à Bamako, ils visent particulièrement les intérêts des puissances étrangères, à travers notamment les différents sites miniers.

 

Les récents kidnapping d'étrangers et l'importance de la rançon qui serait payée du Jamâat Nasrat al-Islâm wal Muslimîn (JNIM) pour libérer un général émirati ont ravivé les interrogations sur la sécurisation des investissements et des sites économiques dans l'espace sahélien. Ce phénomène, selon un rapport de l'ONG Timbuktu Institute, accentue, certes, les effets de la stratégie d'asphyxie économique mais internationalise l'écho d'un ‘’jihâd’’ économique qui semble, aussi, s'inscrire dans une démarche de fragilisation des régimes militaires en place.

L'offensive du JNIM au Sahel central en 2025 inflige des dommages économiques croissants aux intérêts étrangers, transformant les investisseurs et les compagnies étrangers en cibles stratégiques d'une menace hybride et endémique. Au cœur des régions instables du Mali, du Niger et du Burkina Faso (pays de l'Alliance des États du Sahel AES), les attaques du JNIM ne se limitent plus aux forces de sécurité : elles visent désormais directement les infrastructures économiques, les sites miniers et les convois logistiques, avec pour objectif stratégique d'asphyxier les économies locales et de délégitimer les régimes en place. 

En 2025, selon la même source, le JNIM a intensifié ses opérations contre des cibles étrangères, démontrant, en même temps, une capacité croissante à frapper simultanément plusieurs fronts. 

Dans la région aurifère de Kayes, qui concentre environ 80 % des mines d'or du Mali et constitue un corridor commercial vital vers le Sénégal, plusieurs raids ont été menés. Le 1er juillet dernier, trois ressortissants indiens ont été enlevés à la cimenterie Diamond Cement Factory, provoquant une réaction immédiate du ministère indien des Affaires étrangères. Entre fin juillet et août, six sites industriels chinois, principalement des mines d'or, ont été attaqués, entraînant le kidnapping de citoyens chinois. Pékin aurait, d'ailleurs, exigé des autorités maliennes un renforcement urgent de la sécurité pour la réalisation des projets dans cette zone. Le 22 août, la mine de lithium de Bougouni au Mali, exploitée par la société britannique Kodal Minerals, a été prise pour cible, causant la mort d'un agent de sécurité et obligeant un durcissement des mesures de protection.

Cette escalade traduit une stratégie sophistiquée : au-delà des attaques directes sur les sites industriels, le JNIM perturbe les chaînes logistiques par des blocus et des embuscades sur les convois, compromettant l'exploitation de ressources stratégiques comme l'or, l'uranium et le lithium. "De telles actions touchent tous les investisseurs étrangers : chinois, occidentaux, indiens, russes indépendamment de leur origine, malgré le shift diplomatique des régimes de l'AES vers des partenaires non occidentaux (Chine, Russie, Turquie). Ce repositionnement n'a pas permis de sécuriser les sites économiques où s'activent les nouveaux partenaires, exacerbant la vulnérabilité persistante des projets extractifs et infrastructurels”, analyse le think tank.

Les impacts économiques sont multiples et interconnectés. À court terme, les perturbations opérationnelles entraînent des arrêts de production, des surcoûts sécuritaires et des pertes directes en ressources. À plus long terme, l'insécurité risque de créer un effet dissuasif majeur : les entreprises étrangères hésitent à maintenir ou à accroître leurs investissements dans des zones à haut risque, menaçant une chute drastique des flux investissement direct étranger (IDE)", a renseigné le document.

Selon toujours le même rapport, les exportations clés des pays AES, notamment l'or et l'uranium, qui représentent une part essentielle de leurs revenus sont directement affectées, fragilisant leurs balances commerciales et leur capacité à financer le développement et même les infrastructures. En même temps, le JNIM exploite habilement les griefs locaux en qualifiant les investisseurs étrangers de ‘’colonisateurs économiques’’, accusant leurs projets d'exploiter les ressources sans bénéfice pour les populations.

Parmi les pays présents dans ces zones d'insécurité, la Chine semble subir l'ampleur des dommages collatéraux de cette guerre asymétrique sur les investissements étrangers. En effet, Pékin s'est inscrit dans une logique de renforcement de sa présence à travers des investissements massifs à l'instar de son initiative "Belt and Road", communément appelée les Nouvelles routes de la soie, mais aussi de projets structurants avec des investissements conséquents dans les mines d'or et d'uranium au Niger ou encore les raffineries sucrières au Mali. Mais la multiplication des attaques contre les intérêts chinois dans la région soulève quelques interrogations quant à cette situation touchant aussi d'autres pays. Bien d'autres investisseurs étrangers, établis dans le Sahel central, demeurent sous la pression des effets de la menace terroriste sur leurs activités. 

Par ailleurs, l'analyse de l'équipe du Pr Bakary Samb, le patron de cette structure, fait ressortir l'hybridité et la complexité de la menace terroriste aux lourdes conséquences pour les investisseurs dans le Sahel central. Entre pertes humaines, économiques, mais également stratégiques aussi bien pour la Chine que les firmes occidentales et russes, c’est un sale temps pour les investisseurs. "Au regard de ces différents constats, une adaptation des investisseurs étrangers demeure plus qu'une nécessité. L'intensification des appels à la protection via l'AES, tout en investissant dans des projets communautaires (éducation, eau) pourrait contrer toute instrumentalisation de griefs économiques du NIM”, plaide la source.

Ainsi, relève Timbuktu, le JNIM n'anime pas en soi une hostilité particulière envers la Chine ou d'autres investisseurs, mais utilise l'attaque contre les intérêts des partenaires extérieurs comme moyen de pression politico-sécuritaire pour asphyxier les économies de l'AES. “Cette menace hybride inflige des pertes significatives à tous les acteurs étrangers et aux pays de l'AES dont leur capacité à contenir le débordement des épicentres de la violence djihadiste interroge de plus en plus", a confié la note.

CHEIKH THIAM

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