Publié le 20 Aug 2019 - 21:20
ACCIDENTS DE LA ROUTE

Les acteurs se renvoient la balle

 

L’insécurité routière prend de l’ampleur, les accidents graves et mortels se succèdent, depuis peu. Mais, à ce jour, chacune des parties concernées (Etat et usagers) réfute sa part de responsabilité…

 

Le gouvernement s’est lancé le défi de réduire de 35 % les accidents de la route, d’ici 2020. Paradoxalement, l’on assiste plutôt à une recrudescence du phénomène, avec d’importantes pertes en vies humaines. Le seul mois d’août toujours en cours compte une quinzaine de morts dans cinq accidents de la route. Au cours de ces trois dernières années, 4 554 accidents ont été répertoriés par le ministère des Transports.

Et face à ce problème, autorités et conducteurs se renvoient la balle. Si le ministère en charge du secteur a opté pour la prévention, en passant par l’éducation et la sensibilisation des populations sur les comportements à risques sur les routes, il n’en demeure pas moins que les conducteurs tiennent l’Etat pour l’unique responsable de ces multiples tragédies. ‘’Sur la route, les conducteurs subissent énormément de stress ; un paramètre hautement important qui peine à être résolu. Les forces de sécurité font tout sauf assurer la sécurité routière. Elles sont plus préoccupées à encaisser des billets de banque. Très souvent, un chauffeur doit descendre de son véhicule, payer l’agent de police, remonter et ce, à maintes reprises. Et c’est pire pour ceux qui doivent traverser la frontière ou faire de très longues distances, sans oublier les échanges houleux entre policiers et conducteurs. Tout ceci ne favorise en rien un esprit serein gage de bonne conduite’’.

Telle est la position défendue par Oumar Youm, Secrétaire général de l’Union des routiers du Sénégal.

‘’Le drame de Bignona (5 morts, 66 blessés) est sans aucun doute dû au nombre d’heures passées sur le trajet. Entre l’heure de départ et celle d’arrivée, beaucoup de choses ont pu se passer’’, ajoute Cheikh Niang, Président de l’Association des transporteurs de marchandises du Sénégal. A l’en croire, les tracasseries routières ont un impact fort négatif sur le mental des conducteurs de transport en commun et de marchandises. Ainsi, les nombreuses pertes de temps et d’argent ‘’perturbent’’ ces derniers qui, selon lui, ‘’connaissent très bien le Code de la route’’. ‘’Il ne s’agit pas d’une maitrise ou non des règles, mais plutôt d’un état d’esprit, lors des différentes liaisons. Nous avons des groupes WhatsApp dans lesquels des cours sur le code sont diffusés. Toutefois, ces initiatives de formation ne sont point accompagnées par l’Etat’’.   

Des questions qui persistent

Par ailleurs, les syndicalistes pointent également du doigt les conditions précaires de travail. Il s’agit, entre autres, de l’absence d’heures de repos, le statut du conducteur, sa rémunération. Des questions qui ne sont pas prises en charge par des textes bien définis. ‘’Rien n’est clair dans ce métier. Il n’y a pas de contrat de travail, pas d’indemnités… Un chauffeur en déplacement perd son véhicule qui est remis à un autre pour assurer le trafic. Tant que ce métier ne sera pas encadré par l’Etat du Sénégal, il y aura toujours des accidents, car tout part d’un esprit tranquille. Des réformes sont en cours, certes, il y a des concertations et nous sommes impliqués. Cependant, les recommandations de toutes ces discussions moisissent dans les tiroirs. Le gouvernement ne fait que promettre des choses sans agir’’, se désole Cheikh Niang.

En matière de réformes, l’Etat entend mettre l’accent sur le financement de la sécurité routière, la prise en compte de cette sécurité, lors de la construction d’infrastructures routières, le renforcement de la sensibilisation des usagers ainsi que la généralisation du contrôle technique sur toute l’étendue du territoire.

Des réformes loin d’être soutenues par les conducteurs, estime le directeur des Transports terrestres, Cheikh Oumar Gaye. ‘’La cause principale de tous ces accidents, c’est le comportement humain. Les chauffeurs ne respectent pas le Code de la route. Ils font ce qu’ils veulent. C’est cela le véritable problème’’, martèle-t-il.

Selon lui, l’accident de samedi dernier, sur la route de Fatick, en est une parfaite illustration. ‘’Il pleuvait, ce jour-là, et il se faisait tard. Néanmoins, l’un des véhicules a tenté un dépassement sur une route glissante. En plus, l’un des véhicules était en surnombre (8 personnes au lieu de 5). Comment peut-on qualifier cela ? Malgré les efforts de l’Etat pour garantir des routes en bon état aux usagers, les accidents se multiplient, parce qu’il existe une indiscipline notoire sur nos routes’’, poursuit-il.

Pour le directeur des Transports terrestres, l’hivernage doit être l’occasion pour les chauffeurs de respecter les règles de conduite. De son point de vue, le renforcement du contrôle technique s’impose, en plus de sanctions, en cas de dérives. 

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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