Publié le 10 Jul 2014 - 05:14
ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE

Le genre «Jeunes » en question

 

Arrivée au pouvoir dans des conditions  presque d’impréparation, l’Alliance pour la République, après cinq ans d’existence, semble confrontée à une crise de croissance qui touche essentiellement sa frange juvénile.

 

En politique, rares sont les partis en mesure de se passer d’une structure de jeunes. D’habitude fougueux, volontaristes, à la limite innocents, les jeunes sont considérés comme « un fer de lance » pour la conquête du pouvoir. Abdoulaye Wade apparaît comme le prototype du leader politique qui a su, disait-il en substance, se faire ouvrir la voie de l’accès au pouvoir par les jeunes.

Mais une fois au pouvoir, il arrive que ces jeunes aient le sentiment d’avoir été oubliés dans la distribution et l’attribution des postes de responsabilités. Un procès auquel n’échappe pas l’Alliance pour la République, le parti au pouvoir. En effet, ils étaient nombreux à dénoncer ‘’l’absence des jeunes’’ dans le gouvernement. Même si cette revendication semble aujourd’hui satisfaite avec les nominations de Mame Mbaye Niang et de Fatou Tambédou, respectivement ministre de la Jeunesse et ministre délégué, les jeunes de l’APR font aujourd’hui face à l’équation de la crise de croissance en situation de pouvoir. Les guerres de positionnement font rage, quoique dans une discrétion presque totale.

Aujourd’hui, toutes les structures de jeunes sont minées par des querelles de leadership. A la Convergence des jeunesses républicaines (COJER), Thiaye Diaby dispute le contrôle de la structure à Abdou Mbow qui en est le coordonnateur. Tandis que la coordonnatrice du Mouvement des élèves et étudiants (MEER), Thérèse Diouf, doit faire face à une vive contestation de la part de certains de ses camarades.

D’ailleurs, Diaby, qui reproche à son camarade Mbow d’être frappé par la limite d’âge, a tenu récemment une assemblée générale pour, dit-il, le débarquer de la tête de la COJER. ‘’Ceux qui se livraient à des guerres de positionnement savent à partir des résultats des élections locales qui est qui. Beaucoup d’entre eux ont perdu leur localité alors que moi j’ai gagné la mienne (Médina Ndiatbé)’’, jubile Thiaye Diaby.

Abdou Mbow, lui, n’a pas forcément le beau rôle sous cet angle de la représentativité. C’est pourquoi, sans doute, il préfère répondre par le mépris. ‘’Je ne veux même pas prononcer son nom (Diaby) pour ne pas lui faire de la publicité’’, dit le vice-président de l’Assemblée nationale.

Cette situation de confusion est apparemment encouragée par le mutisme du parti. Pour Souleymane Fall, directeur de la formation de l’Ecole du parti, le problème réside dans la non-structuration de l’APR. ‘’Le problème est que seul le président Macky Sall a été élu par le parti au congrès de Diamalaye. Tous les autres responsables n’occupent que des postes provisoires’’, indique-t-il. Toutefois,  il dit comprendre ces tiraillements dans un ‘’parti jeune’’. ‘’L’APR a accédé au pouvoir à 4 ans ; donc, il est normal comme tout groupe social qu’il y’ait des divergences. Mais cela n’empêche pas qu’on travaille pour le parti’’.

Me Djibril War, le directeur de l’Ecole du parti, condamne, d’ailleurs, les attaques contre Abdou Mbow. ‘’Diaby  est un jeune qui a été à bonne école, mais il est impatient. Abdou Mbow a dit qu’il va rendre le tablier. Il n’a qu’à attendre le congrès’’, dit-il avec un brin d’énervement.

Moins qu’un parti, l’APR ressemble davantage à un mouvement massif de soutien où chacun manœuvre pour tirer son épingle du jeu. C’est-à-dire accéder à un poste de responsabilité lucratif. De fait, certains jeunes sont obligés de se trouver un parrain pour y parvenir plutôt que de faire du militantisme de la base au sommet, ce qui peut prendre bien du temps. De quoi susciter des doutes chez certains observateurs.

Macky Sall fait-t-il suffisamment confiance en ses jeunes ? ‘Cheikh Bakhoum, coordonnateur des cadres de l’APR de Grand-Yoff répond par l’affirmative. ‘’La responsabilisation des jeunes a démarré, certes, tardivement, mais le Président va davantage les promouvoir’’, dit le conseiller spécial du chef de l’Etat. Pour lui, le président est obligé de compter sur les jeunes ‘’s‘il veut changer le visage du Sénégal dans quinze  ou vingt ans’’. Le député Abdou Mbow n’en doute pas puisque, dit-il, ‘’pour la première fois, un jeune est nommé vice-président de l’Assemblée nationale’’. Lui en personne.

L’Ecole du parti

Mais au-delà de cette crise de croissance à l’APR, se pose la question de la formation. Une formation à laquelle peu de militants sont soumis au niveau des partis politiques. Souleymane Fall, directeur de la formation, confirme: ’’Un jeune politique doit connaitre la vision et l’orientation du parti’’, dit-il. Pour lui, ‘’l’APR ne doit pas être un parti qui devrait faire deux mandats et disparaitre’’ après le départ de Macky Sall du pouvoir.

A son actif, Fall dit avoir formé 200 jeunes du parti à travers le pays. Toutefois, ses ambitions sont plombées par des ‘’difficultés  financières’’. A preuve : ‘’Nous avons un journal qui s’appelle ‘’le Républicain. Mais c’est Djibril War qui le finance avec ses propres moyens’’. Ce que dernier n’arrive pas à comprendre. ’’Depuis qu’on a créé l’école en 2009, je finance les activités tout seul. J’ai demandé aux ministres de cotiser 12 millions pour soutenir la formation, mais personne n’a réagi. Pour un parti au pouvoir, c’est inquiétant’’.  

DAOUDA GBAYA

 
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