Publié le 15 Sep 2021 - 20:52
APRES AVOIR FILMÉ KILIFIEU À SON ISSU

Thier refait le coup à Simon  

 

L’affaire du trafic des passeports diplomatiques et qui éclabousse des membres du mouvement Y en a marre, est loin d’avoir livré tous ses secrets. ‘’EnQuête’’ a obtenu une vidéo où Thierno Amadou Diallo alias ‘’Thier’’ filme à son insu le rappeur Simon. Les révélations sont autant explosives que pour Kilifeu.

 

C’est une autre vidéo tout aussi explosive qui va encore faire parler d’elle, dans l’affaire de trafic de faux visas qui défraie la chronique et qui a conduit deux membres du mouvement Y en a marre (Simon et Kilifeu) dans les liens de la détention. Dans cette autre vidéo en possession d’’’EnQuête’’, le principal protagoniste est le rappeur Simon. Il est filmé, à son insu, par le même Thierno Amadou Diallo alias ‘’Thier’’. Celui-là qui a fait tomber le rappeur Kilifeu.

Comme pour Kilifeu, la scène se déroule dans un véhicule. Les deux marchandent pour un passeport. Dans la première scène, Simon regarde des images dans un téléphone et dit à Thier qu’il ressemble à la personne qui a besoin d’un passeport. Thier lui répond par l’affirmative et fait remarquer à Simon qu’il s’est rasé dans la photo, ce qui n’est pas le cas de la personne qui souhaite avoir le passeport.

Simon lui fait comprendre que ce n’est pas un problème, vu que les cheveux sont amenés à pousser avec le temps. Il ajoute : ‘’La date d’expiration du passeport est en 2024. D’ailleurs, au moment où je te parle, je l’ai caché quelque part, dans un endroit secret. Et puis, il n’y a pas de soucis, car les deux personnes ont des traits en commun. Surtout pour leurs deux bouches. S’il met une casquette et une jaquette, il ne sera pas reconnu. C’est quoi sa taille aussi ? Car les Occidentaux sont très rigoureux avec la taille. Ils sont très regardants dans ce sens. Il doit aussi mettre des chaussures de marque Timberland pour régler cette question.’’

Thier lui demande combien il veut ajouter au montant de trois millions fixé au début, pour l’obtention du passeport, si c’est son candidat qui part. Thier ajoute que si c’est lui-même qui va voyager, ce sera considéré comme une dette. Le rappeur répond, après un long temps de réflexion : ‘’Si c’est lui qui part, il compte le faire quand ?’’ Thier : ‘’Avant tout, je signale qu’il est petit de taille. J’ai la même taille que lui. Il compte partir en voyage dans moins de deux semaines. Déjà, nous sommes le lundi. Nous comptons entamer la démarche demain mardi, pour deux à trois jours. Donc, je veux que, dans une semaine, il parte en voyage, dans la mesure du possible. Je ne lui ai rien dit, pour l’instant. Je voudrais tout boucler avec toi, avant de l’avertir. Je veux attendre la veille de son voyage pour l’avertir. Ainsi, il n’aura pas le temps d’avertir sa femme, ni d’en parler à d’autres. Il a proposé d’enlever la photo sur la pièce pour la changer avec la sienne.’’

Mais cette idée n’enchante pas Simon qui soutient que c’est risqué, vu qu’il y aura des traces. Que seul un professionnel peut changer les photos sans laisser de traces.

A ce moment, Simon suspend la discussion pour émettre un appel. N’ayant ni la connexion encore moins du crédit pour émettre un appel, il prend le téléphone de Thier pour composer un numéro. Ensuite, il revient à la charge : ‘’Sur les photos, il y a des indices qui seront visibles, si jamais on les touche. Il y a des codes qui ne seront pas visibles, une fois que le document est mis dans leurs machines. Cela ne passera pas. À moins que nous parvenions à avoir le même logiciel que celui qu’ils utilisent. On ne peut pas l’avoir au Sénégal.’’

 Thier répond qu’il connait une personne qui peut lui donner une nationalité européenne. Elle lui réclame 10 millions F CFA. A cela, Simon répond qu’il y a beaucoup d’escrocs qui font ce genre de pratique.

Au finish, ils ne vont rien produire et vont escroquer les victimes. Ensuite, il concède qu’il y a des gens qui le font. Que ces nationalités ont une validité de 10 ans, que le bénéficiaire peut voyager partout, tant qu’il n’y pas de contrôle serré ou on vérifie les numéros. ‘’C’est du vrai faux. C’est ce qui est arrivé à un célèbre rappeur de ce pays. Il avait ce faux document. Il a circulé avec pendant plus de 10 ans. Mais il ne peut pas le renouveler. Sinon, tu peux dire à ton gars de faire un rajout de 500 000 F CFA sur les 3 millions convenus au début.

On va lui rendre service. Mais nous allons le coacher quand même. Ainsi, il gardera son sang-froid. On ne va lui demander ses empreintes, ni faire d’autres vérifications. Il faudra aussi qu’il se range juste derrière un Blanc, pour mieux huiler le truc. Comme ça, il ne sera pas confronté à la même situation que ce qui t’est arrivé la fois dernière. S’il respecte les recommandations à la lettre, il va passer sans souci. Aucun soupçon ne sera porté sur lui. Dis-lui aussi de porter des Timberland ou de mettre des semelles pour avoir de la hauteur’’, explique le rappeur dans une tirade.

Thier lui donne, alors, l’assurance qu’il va respecter toutes ses directives. Ainsi, il prend congé avant de sortir de la voiture. Les deux se donnent rendez-vous.

Une fois descendu de la voiture, Thier a composé le numéro de Simon et le met sur haut-parleur. Il lui demande s’il peut envoyer les 500 000 F CFA par Orange money. Le rappeur répond par l’affirmative.

POURSUITES JUDICIAIRES CONTRE SIMON ET KILIFEU    
Y en a marre à l’épreuve de Dame justice
 
Les démêlés judiciaires de Simon Kouka et de Mbissane Seck alias ‘’Kilifeu’’, deux membres-fondateurs du mouvement Y en a marre, poursuivis pour une affaire de présumé trafic de passeports et escroquerie sur visa, risquent d’impacter la capacité de mobilisation du mouvement, à la veille d’un vaste mouvement de contestation sociale contre la cherté de la vie. Toutefois, selon Alioune Sané, Coordonnateur du mouvement, ces affaires judiciaires n’entament en rien l’engagement du mouvement dont les missions vont au-delà de simples personnes et dirigeants de Y en a marre.
 
MAKHFOUZ NGOM
 
Le front social en ébullition au Sénégal, avec le risque de multiplication de manifestations et de rassemblements contre la vie chère du collectif Noo Lank et du mouvement Frapp, risque de se voir amputer d’un acteur majeur qu’est le mouvement Y en a marre, qui a vu deux de ses figures charismatiques avoir maille à partir avec Dame justice. Les rappeurs Simon Kouka et Mbissane Seck alias ‘’Kilifeu’’, sont poursuivis pour une affaire de présumé trafic de passeports et escroquerie sur visa. 
 
L’enjeu de la crédibilité et la réputation du mouvement  
Pour Sidy Gassama, Président d’Amnesty International/Sénégal, les poursuites judiciaires contre Simon Kouka et Kilifeu n’entament pas la crédibilité du mouvement qui, d’après lui, va au-delà des simples personnes et figures du mouvement. ‘’Il faut éviter de réduire ces organisations à des personnes. Y en a marre est un grand mouvement qui est structuré et présent dans tout le Sénégal’’, argue le droit-de-l’hommiste.  
 
Embouchant la même trompette, Alioune Sané, Coordonnateur de Y a en marre, souligne que ces affaires judiciaires ne vont pas paralyser les activités du mouvement qui compte s’investir dans la lutte contre la cherté de la vie. ‘’Y en a marre est un mouvement qui ne peut être réduit à des personnalités, aussi charismatiques soient-elles. Ce qui fait sa force, ce sont les jeunes qui, dans l’ombre, agissent tous les jours pour faire avancer notre cause.  Nous voulons que la justice fasse son travail dans ce dossier. Nous demeurons et restons engagés sur le front social. Sur ce, on demande aux Sénégalais de se mobiliser pour la marche de Noo Lank (NDLR : le 17 septembre)’’, lance-t-il.
 
Renouvellement des dirigeants et du discours  
 
Pour sa part, Ibrahima Diop, socio-anthropologue, indique que cette situation des leaders de Y en a marre démontre le problème structurel qui mine l’organisation des mouvements de la société civile, avec personnification du mouvement symbolisée par des figures emblématiques. D’après lui, cette forte représentation des dirigeants du mouvement peut nuire à l’efficacité du message et du discours de Y en a marre. ‘’Dans ce genre de mouvement, il y a une idéalisation des leaders. Cette identification du mouvement à travers ces élites fait qu'à chaque fois que ces leaders sont en difficulté, il y a une crise en termes d’effet dans la recevabilité du discours du mouvement. Une personne ne doit pas se poser en termes de représentant, mais en tant que représentant, pour éviter l’expression d’un puissant leadership qui peut nuire aux missions du mouvement’’, soutient-il. 
 
D’après l’analyste des mouvements sociaux, la seule manière de crédibiliser à nouveau le discours de Y en a marre, est de dissoudre les figures emblématiques du mouvement dans un grand ensemble qui mettra en avant les idéaux et les missions du mouvement citoyen. ‘’La survie du mouvement passe par sa capacité à renouveler son arsenal de leadership au niveau des dirigeants et au niveau du discours. Il faut des dispositifs de renouvellement du personnel dirigeant. On ne peut pas être leader ad vitam aeternam. Il faut éviter la professionnalisation du métier d’activiste. Le principe de non-permanence des hommes qu’ils veulent exiger aux politiques, doit aussi s’appliquer aux membres de la société civile et à Y en a marre. Un renouveau va donner du sang neuf à ces mouvements sociaux’’, conclut-il.
 
Parcours
 
Le mouvement Y en a marre, né le 18 janvier 2011, a eu son baptême du feu le 22 juin 2011, quand ses leaders ont interrompu une réunion de l’opposition au centre Daniel Brothier, avant d’investir la place de l’Indépendance pour dénoncer le projet de réforme constitutionnelle de Me Abdoulaye Wade. Cette action sera le déclencheur du vaste mouvement de protestation populaire contre le ‘’Pape Sopi’’, le 23 juin 2011.  
 
Depuis cette date, un discours revendicatif, un franc-parler sans concession, une musique contestataire et un terrain de jeu favori, la rue, ont fait de cette structure le principal catalyseur d’une jeunesse révoltée et contestataire, prête à bousculer l’ordre établi. Leurs discours et leurs messages sont suivis par des centaines de jeunes qui s’identifient à leurs idéaux d’un nouveau type de citoyen et d’une gouvernance vertueuse au service des populations. 
 
Les leaders du mouvement : Kilifeu, Thiat et Fadel Barro, Aliou Sané, Malal Talla et Simon Kouka ont démontré leur capacité de mobilisation, lors de plusieurs rassemblements à la place de Nation. 
Ainsi, les membres de Y en a marre, en soutien des forces d’opposition à Macky Sall, ont été dans le camp du ‘’Non’’ au referendum de 2016, aux manifestations contre le terrorisme et le parrainage, la corruption et contre la mal gouvernance… Ils ont pris part aux manifestations populaires de mars 2021 contre l’arrestation d’Ousmane Sonko, entre autres.  
 
En parallèle, le mouvement citoyen se veut aussi actif sur le plan communautaire et social. Les amis d’Alioune Sané, le coordonnateur du mouvement, poursuivent un idéal qui veut la naissance d’un nouveau type de Sénégalais (NTS), à travers divers programmes comme ‘’Dox Sa Gox’’ (NDLR : Travailler avec sa communauté) pour renforcer le dialogue avec les gouvernants et les citoyens (2013 -2016), ‘’Sunu Gox’’ avec des programmes de reboisement et de réhabilitation d’espaces communautaires dans la banlieue, mais aussi à l’Université populaire de l’engagement citoyen (UPEC). 
 
Le mouvement est aussi engagé dans différentes plateformes de luttes citoyennes et politiques comme le M2D (Mouvement pour la défense de la démocratie).
 
Dans le continent, Y en a marre a métastasé pour donner naissance à des mouvements citoyens ‘’jumeaux’’ comme le Balai citoyen (Burkina Faso), Lucha et Filimbi (RDC), Ras-le-bol (Congo), Our Destiny (Cameroun), En aucun Cas (Togo), entre autres.  
 
Toutefois, des rumeurs de financements de la part de l’ancien président de l’athlétisme mondial, Lamine Diack, et d’autres organisations étrangères pour faire tomber le régime de Wade, sont venues noircir le tableau.
 

CHEIKH THIAM

 

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