Publié le 29 Dec 2012 - 10:05
ATHLÉTISME – LES SÉNÉGALAIS ET LES J.O DEPUIS 24 ANS :

 Plus lent, plus bas, plus faible

Hortense Diédhiou lors de son élimination aux derniers jeux olympiques

 

Aux Jeux olympiques de Londres 2012, les athlètes sénégalais ont couru plus lent, sauté plus bas et terminé plus faible. Il en est ainsi depuis 24 ans. Radioscopie d’une contre-performance à laquelle il urge de remédier.

 

Les rideaux des Jeux olympiques (27 juillet - 12 août 2012) sont tombés sur une note de déjà vécu pour la délégation sénégalaise : le flop sur toute la ligne et les épreuves. Nos athlètes n’ont décroché aucune médaille. Cela dure depuis 24 ans, et le Sénégal semble bien se complaire dans le rôle du conforme à l’esprit olympique de Coubertin : ''L’essentiel, ce n’est pas de gagner mais de participer.'' Ainsi, les performances de la haute compétition son loin des attentes des Sénégalais nostalgiques de l'exploit d'El Hadji Amadou Dia Bâ lors des Jeux de Séoul en 1988 en décrochant la médaille d'argent du 400 m haies derrière l'Américain Andre Phillips et devant le grand Edwin Moses. Mais où donc se trouve la racine du mal qui empêche le pays de remporter une nouvelle médaille à l'instar de nations comme le Gabon, le Botswana... ?

 

Premier élément de réponse, les athlètes n’ont pas le niveau et c’est de leur propre aveu ou de leurs piètres prestations. Hortance Diédhiou (porte-drapeau) a peiné côté physique, Bineta Diédhiou (taekwondo) déclarée malade à la veille de son combat, Malal Ndiaye (lutte) qui a admis, de toute évidence, que ''les niveaux ne sont pas les mêmes'', Ndiss Kaba Badji (saut en longueur) incapable de faire un saut de 8m 07. Amy Sène (marteau), Mamy Soumah (200m) Amy Mbacké Thiam (400m), Moussa Dembélé (110m haies), Malick Fall (natation), tous éliminés au premier tour. Un naufrage collectif qui n’a pas épargné Kassé Hann (400m haies) éliminé en demi-finale et Isabelle Sambou (Lutte) passée de peu à côté d'une médaille de bronze. Ces deux derniers et les Lions olympiques du football quart de finalistes ont été le seul brin de satisfaction de toute la délégation sénégalaise.

 

Préparation bâclée

 

De l’avis de plusieurs directeurs techniques nationaux (DTN), cela s’explique facilement : ''Le manque de préparation sérieuse pour les Jeux olympiques.'' Selon Me Amadou Sy, DTN de Taekwondo, ''les J.O se préparent sur quatre ans, pas un seul mois''. Un avis partagé par son homologue de l’athlétisme, Lansana Badji : ''Une médaille, ça se prépare. Les pays qui veulent gagner plusieurs médailles en 2016 au Brésil ont commencé déjà leur travail''. Pour ces techniciens, il ne faut plus attendre à quelques jours des échéances pour essayer de mettre les athlètes dans des conditions adéquates ou leur donner de l’argent pour se préparer. De là à indexer les autorités, il n'y a qu'un saut : ''On ne peut pas gagner une médaille en dix jours de regroupement et le ministère des Sports ne peut gérer que dix jours de regroupement'', à en croire Maître Sy. Pour Lansana Badji, ''les autorités doivent aider les athlètes et donner dès maintenant les frais de préparations et ne pas attendre 2015 pour le faire''.

 

Ce n'est pas demain la veille

 

De l'avis du secrétaire général du Comité national olympique sportif sénégalais (Cnoss) et chef de la délégation sénégalaise aux J.O de Londres 2012, les causes de ces échecs semblent bien plus profondes. Seydina Omar Diagne estime que ''c’est un problème global dont la source vient d’un manque de politique sportive de haut niveau et de mise en place''. Fustigeant l’approche événementiel en vigueur et l'impatience des uns et des autres, M. Diagne ne mâche pas ses mots : ''Une médaille, c’est un travail de longue haleine. On ne gagne pas une médaille en un an ou avec de faibles moyens. Une médaille coûte cher. Il faut que l’État mette beaucoup d’argent pour aider les sportifs. Le budget de préparation de deux grands athlètes d’un pays développé qui vise des médailles dépasse le budget sénégalais alloué à la haute compétition.'' Aussi s'interroge-t-il crûment : ''Nous n’avons pas d’athlète champion d’Afrique ou capable de se qualifier en demi-finale aux championnats du monde, alors comment espérer une médaille aux J.O où le niveau est plus élevé ?''. Et d'asséner : ''On n’a pas encore un athlète sénégalais capable de gagner une médaille (…) Nos athlètes sont des amateurs par rapport à ceux qu’ils rencontrent aux J.O.''

 

Mais le Sg du Cnoss concède tout juste que les Lions olympiques du foot ont fait une bonne prestation : ''Le niveau des footballeurs est plus élevé que celui des autres sportifs de notre délégation. Ces derniers sont des professionnels et, via leurs clubs et championnats, rencontrent les meilleurs des autres pays.'' Ndèye Fatou Soumah ne dit pas autre chose. ''Il faut mettre les moyens et permettre aux athlètes d’affronter les meilleurs avant la compétition'', invite l’athlète qui a terminé dernière dans sa course aux Jeux olympiques sur 200m. La preuve par sa consœur Bineta Diédhiou dont le Directeur technique national du taekwondo, Me Amadou Sy, explique les ratés : ''Il faut une préparation d’olympiade à nos athlètes. Il fallait aider Bineta (Diédhiou) à participer à beaucoup de compétitions, prendre part aux opens internationaux pour se jauger et se frotter avec les meilleurs.''

 

Mots pour maux, mais...

 

En fait, les mots existent pour circonscrire les maux. Il faut une bonne politique sportive, travailler dans le long terme et que l’État mette beaucoup de moyens dans la préparation, chante-t-on en chœur. Mais c'est un travail de longue haleine pour lequel Seydina Omar Diagne indique qu''il faudra être patient et réunir toutes les entités sportives : le sport de masse, les militaires et les écoles pour trouver les futures champions''. Le DTN de l’athlétisme, Lansana Badji, abonde dans le même sens : ''Il faut retourner le sport à l’école et à la formation et faire renaître les Uassu (Union des associations sportives scolaires et universitaires) et autres compétitions sportives scolaires.'' Il envisage même pour certaines disciplines comme le lancer de poids, d’aller dans les écuries pour enrôler des lutteurs : ''Par rapport au lancée de poids, si on formait les lutteurs dans cette discipline, ils pourraient être des gages de médailles.'' Reste à passer aux actes...

 

PAR MAMADOU LAMINE SANÉ

 

 

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