Publié le 27 Aug 2020 - 20:20
AUTOSUFFISANCE EN RIZ EN CASAMANCE 



Un pas de géant fait

 

Avec la fin des travaux de réhabilitation du barrage d’Affigniam, la région de Ziguinchor peut, désormais, entrevoir des lendemains meilleurs dans l’atteinte des objectifs d’autosuffisance en riz, qui passera nécessairement par l’aménagement des vallées.
 

La riziculture  en Casamance, notamment dans la région de Ziguinchor, n’a que très peu profité des mesures de soutien de l’Etat et  des investissements publics, dans le cadre du Programme national  d’autosuffisance en riz (PNAR) et le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture au Sénégal (Pracas). Pourtant considérée comme l’un des greniers à riz du pays, la Basse-Casamance (région de Ziguinchor) fait face à plusieurs contraintes qui gangrènent le développement de la filière.

Malgré, par ailleurs,  cette relance de l’agriculture qui s’est opérée, entre autres,  avec  l’introduction de nouvelles variétés, notamment le Nerica (New Rice for Africa) spécialement destinées aux écosystèmes pluviaux et de bas-fonds, l’introduction de semences certifiées et la mise en place de subventions destinées aux producteurs qui se sont organisés en réseaux, la filière riz en Casamance n’a, jusque-là, pas eu les effets escomptés.

Selon le directeur régional de l’Agriculture à Ziguinchor, Casimir Sambou, le dérèglement climatique et son corolaire, la baisse de la pluviométrie, expliquent en partie la baisse de la production dans la région de Ziguinchor.

Toutefois, le président du Cadre régional de concertation des ruraux, Aziz Badji, pense que la plus grande difficulté réside dans l’aménagement des vallées.  ‘’La région de Ziguinchor est loin d’atteindre les objectifs d’autosuffisance en riz. Nous sommes partis du principe que la Casamance doit nourrir la Casamance. L’hivernage dernier nous donne simplement une leçon dans la manière dont l’on porte le programme d’autosuffisance en riz. La riziculture pluviale suppose la mise en œuvre de certaines conditions. L’année dernière, les premières pluies utiles sont tombées en fin août. La moitié des superficies cultivables n’a pas été emblavée. D’où des incidences négatives sur la production’’, regrette M. Badji.

Réhabilitation du barrage d’Affigniam et aménagement des vallées…

A l’en croire, il faut une maitrise totale de l’eau. Et cela passe par un rythme accéléré d’aménagement des vallées. ‘’Nous ne pouvons pas travailler durant deux mois seulement et espérer atteindre les objectifs d’autosuffisance en riz. Le rythme d’aménagement ne suit pas. Si nos vallées sont aménagées à fond, la région dispose d’assez de superficies à emblaver pour booster la production’’, soutient-il.
En effet,   sur les 200 000 hectares de terres rizicultivables dans la région de Ziguinchor, la langue salée s’est adjugée près de 20 %. Ce sont près de 40 000 hectares de terres qui sont laissés à la merci de la nature. En plus de l’aménagement des vallées, la mécanisation s’impose comme alternative. Mais là également, les organisations paysannes peinent à se doter de tracteurs.

‘’Nous n’avons pas tous la possibilité d’avoir un tracteur. Mais nous pouvons disposer de petits matériels à traction animale. Ce matériel vient à compte-gouttes. Le petit matériel agricole mis à la disposition de la région est souvent destiné aux marabouts ‘les grands producteurs’, alors qu’à côté, il existe des organisations paysannes qui s’activent dans la riziculture. Durant ces deux dernières années, certaines organisations ont pu bénéficier d’un peu de matériel, grâce au soutien du Programme pôle de développement de Casamance (PPDC)’’, déplore le président du CRCR.

Avec la fin des travaux de réhabilitation du barrage d’Affigniam depuis le 15 juillet dernier, c’est une grosse contrainte qui vient d’être levée en matière de développement de la riziculture en Casamance. ‘’Nous avons fait la réception provisoire du barrage d’Affigniam, qui est une vieille doléance du département de Bignona. Certainement, le chef de l’Etat viendra ici (Affigniam) pour la réception officielle et définitive’’, a déclaré le ministre Moussa Baldé qui séjournait, ce lundi, dans la région de Ziguinchor.

Accompagné de ses collaborateurs, des autorités administratives et locales de la région de Ziguinchor, ainsi que des chefs de services techniques, le ministre de l’Agriculture a vanté les avantages de cet ouvrage dont les travaux ont été lancés en novembre 2019. L’ouvrage dispose, désormais, de plusieurs composantes dont un évacuateur de crues muni de cinq vannes, un passage d’embarcation qui est une voie de navigation à pente inclinée qui permet le déplacement de pirogues, un barrage de bouchure situé sur l’ancien lit du marigot et d’une digue contre la marée d’une longueur de 3 970 m et qui barre la zone inondable de la vallée.

Pour rappel, le projet de construction d’un barrage sur le marigot de Bignona, un affluent de la rive droite du fleuve Casamance long de 66 km, est né des accords de coopération économique et technique signés le 23 novembre 1973 à Beijing, entre la République populaire de Chine et le Sénégal.

Construit en 1988 par la coopération chinoise pour un coût estimé à 6 milliards de francs CFA, cet ouvrage hydro-agricole est destiné à arrêter l’avancée de la langue salée dans une zone protégée de 5 600 ha. Ce barrage réalisé au milieu d’un bassin versant de 620 km couvrant une vallée de 12 000 ha, devait aussi permettre le stockage des eaux de ruissellement pour faciliter le lessivage des terres salées. Et favoriser, en même temps, l’émergence de flore d’eau douce et la récupération des terres abandonnées.

Inaugurée en grande pompe à la veille de la campagne présidentielle de 1988 par Abdou Diouf, l’infrastructure s’est retrouvée, depuis, dans un état de décrépitude inquiétant.

Pourtant, la République populaire de Chine s’était engagée à mettre en valeur des terres protégées par l’aménagement secondaire des zones de riz cultivables et l’utilisation des variétés de riz adaptées. Le coût de l’opération devait tourner autour de 50 milliards de francs CFA pour une durée de 25 ans. Mais la rupture des relations diplomatiques, le 9 janvier 1996, suivie du retrait des coopérants chinois le 11 janvier 1996, ont bloqué la poursuite des travaux. Cette rupture était consécutive à la signature des relations diplomatiques entre le Sénégal et Taïwan.

Toutefois, à la faveur de la reprise des relations entre Pékin et Dakar, survenues le 25 octobre 2005, une mission chinoise avait visité l’ouvrage et les différentes installations. Les autorités sénégalaises avaient, elles aussi, saisi la Chine dans le cadre de la relance dudit projet.

Aujourd’hui, c’est chose faite, au grand bonheur des riziculteurs et des populations du département de Bignona, notamment.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

Section: