Publié le 20 Feb 2013 - 01:32
CÔTE D'IVOIRE

Laurent Gbagbo face à la CPI pour un éventuel procès

C'est le grand jour pour Laurent Gbagbo. Un an et 3 mois après son transfert à La Haye, ce mardi 19 février débute l'audience de confirmation des charges de l'ancien président ivoirien devant la Cour pénale internationale. Cette audience, qui va s’étaler sur dix jours, doit permettre aux juges de la CPI de déterminer si le dossier de l'accusation est assez solide pour organiser le procès de Laurent Gbagbo.

 

La Procureure a enquêté pendant des mois et a rassemblé plus de 3 000 documents. Fatou Bensouda et son équipe veulent poursuivre Laurent Gbagbo comme co-auteur indirect de crimes contre l'Humanité commis fin 2010-début 2011, quand il refusait de reconnaître l'élection de son rival Alassane Ouattara à la présidence. Pour l'accusation, les forces pro-gbagbo auraient alors tué plus de 700 personnes et violé 35 femmes.

 

L'accusation insiste sur 4 événements

 

Les quatre dossiers mis en évidence par l'accusation sont : la répression d'une marche de l'opposition sur la Radio Télévision Ivoirienne en décembre 2010, la répression d'une marche de femmes à Abobo, le bombardement du marché de cette même commune d'Abidjan, et aussi des exactions perpétrées par les partisans de Laurent Gbagbo à Yopougon entre le 12 avril et le 8 mai 2011.

 

Cela peut peut surprendre, car à ce moment là Laurent Gbagbo lui même avait déjà été arrêté, le 11 avril, dans sa résidence. Pacal Turlan, le conseiller en coopération internationale au Bureau du Procureur explique les choix de l'accusation : « Ce que nous disons c’est que la politique qui a abouti à la commission de ces crimes contre l’Humanité entre décembre 2010 et jusqu’en mai 2011 a été pensée avant même la fin du processus électoral ; une politique mise en place et exécutée par Laurent Gbagbo, son cercle rapproché et d’autres personnes. Nous le montrerons. Nous avons entre autres des témoignages, des documents écrits, retrouvés sur place. Nous n’aurons pas à entrer dans le détail de notre liste d’éléments de preuve pendant l’audience de confirmation des charges, mais nous avons des dizaines de documents à montrer à l’audience ».

 

Dix jours d'argumentation pour les deux camps

 

L'objectif est de convaincre les juges qu'il y a matière à organiser, ou non, un procès Gbagbo. L’avocat de Laurent Gbagbo refusait d'accorder des interviews avant le début de cette audience. Au delà des questions de procédure dont il a fait son cheval de bataille, Me Emmanuel Altit devrait aussi dénoncer le climat qui prévaut en Côte d'Ivoire et qui pourrait selon la défense dissuader des proches de l'ancien président ivoirien de témoigner en sa faveur.

 

Laurent Gbagbo s'exprimera lui-même à la fin de l'audience, le 28 fevrier. Sans doute pour rappeler qu'à ses yeux, il est victime d'un complot orchestré par Nicolas Sarkozy et son ami Alassane Ouattara, et qui visait à lui faire quitter le pouvoir en Côte d'Ivoire.

 

Ce qui est sûr, c'est qu'il a beaucoup travaillé à la préparation de cette audience. Son porte-parole pour l'Europe Bernard Houdin le confirme : « Laurent Gbagbo avait dit lors de son audience de comparution initiale " nous irons jusqu’au bout ". Laurent Gbagbo a toujours été un homme combatif. Il considère la CPI comme une épreuve, comme quand beaucoup plus jeune, on l’a envoyé en prison. Il n’a pas changé, il n’est pas dans l’attente, il est dans la préparation de cette audience, et il bénéficie des moyens nécessaires pour le faire. Il est intellectuellement en pleine forme, c’est un historien qui a l’habitude de traiter des dossiers, et il dira au monde entier ce qu’il voulait faire de la Côte d’Ivoire, et comme l’élan de ce pays a été brisé par une force armée étrangère. »

 

Laurent Gbagbo bénéficiera d'une organisation spécifique

 

L'an dernier, son avocat avait tenté de faire valoir que sa santé ne lui permettait pas d'assister à un procès. Après une expertise médicale, qui a nécessité un nouveau report de l'audience de confirmation des charges, le deuxième, les juges ont conclu que l'ancien chef de l'Etat, âgé de 67 ans était apte à participer à la procédure, moyennant quelques aménagements. Fadi El Abdallah, le porte-parole de la CPI détaille le principe : « Pour éviter que Laurent Gbagbo ne se fatigue, les juges ont décidé que les audiences se tiendraient sur des demi-journées, tous les après midi, et par séance d’une heure, entrecoupées de pauses. Il est même prévu, si besoin, qu’il puisse suivre l’audience par retransmission vidéo depuis une salle préparée à la Cour, ou même depuis le centre de détention. »

 

Deux mois pour décider de la tenue d'un procès

 

A la fin de cette audience de confirmation des charges les juges auront deux mois pour se prononcer et ainsi donner, ou non, leur feu vert à un procès Gbagbo. L’enjeu est évidemment énorme pour Laurent Gbagbo lui-même, mais aussi pour le Bureau du Procureur. Dans le cas du responsable FDLR, (Forces démocratiques de libération du Rwanda), Callixte Mbarushimana par exemple, il avait échoué à construire un dossier suffisamment solide aux yeux des juges pour organiser un procès. Cette fois, avec le prisonnier le plus célèbre de la CPI, il joue encore plus gros, en terme de crédibilité. d’autant que des ONG s’émeuvent aussi que les poursuites de la CPI ne visent pour l’heure que le camp Gbagbo.

 

 

RFI

 

 

Section: 
Ukraine : Fin de la réunion de crise des Européens à Paris, divisés sur l'éventuel envoi de troupes
Mali : Le rassemblement du 9 mai sous haute tension
PORTRAIT - LEON XIV, NOUVEAU PAPE ELU : Robert Francis Prevost, un homme de synthèse modéré et premier pape américain
RÉFORMES POLITIQUES AU TOGO ET AU MALI : La tentation autoritaire maquillée en progrès démocratique
CÉRÉMONIE INVESTIGATION PR OLIGUI NGUEMA : Bassirou Diomaye Faye présent aux côtés de seize chefs d'État à Libreville
BENIN : Le nouvel épicentre du terrorisme sahélien
50 ANS DE LA CEDEAO : Mahama plaide pour le dialogue avec l’AES
Deuxième, Bilie-By-Nze critique une présidentielle «opaque» mais ne saisira pas la Cour constitutionnelle
Au Niger : Une Suisse enlevée à Agadez, trois mois après une Autrichienne
Gabon : le président élu Brice Oligui Nguema face à de nombreux défis
GABON - ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE : La diaspora gabonaise au Sénégal plébiscite Brice Clotaire Oligui Nguema
MALI-GUINEE : La presse sous bâillon militaire
LE POUVOIR DE DIRE NON : De Villepin, Badinter, Badio Camara, ou l’honneur de désobéir
CRISE DIPLOMATIQUE ENTRE L’ALGERIE ET LE MALI : L’escalade de trop ?
CHARLES DE GAULLE : Héros français, bourreau africain ?
En Birmanie, des crémations à la chaîne pour les victimes du séisme
ENTRETIEN - AMADOU MOCTAR ANN, ANALYSTE GÉOPOLITIQUE : "Le Sénégal affirme son rôle de médiateur sur la scène internationale"
RETRAIT DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE : Les pays de l’AES dénoncent un levier d’influence française
BURKINA FASO - MASSACRES DE VILLAGEOIS PEULS À SOLENZO : Les balles et les machettes de la haine
OUATTARA ET MAHAMA LANCENT UN APPEL A L’AES : Un retour dans la CEDEAO, une mission quasi impossible ?