Publié le 14 Sep 2021 - 03:21
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

Interdiction absurde

 

Sous le fallacieux prétexte de risques de troubles à l'ordre public, d'entraves à la libre circulation des biens et des personnes et du risque de contamination dans le contexte sanitaire en cours, la préfecture de Dakar a cru devoir interdire les manifestations de protestations organisées contre la vie chère, la hausse des prix des denrées alimentaires, le coût des loyers et des transports. Vendredi et hier dimanche, les organisations de la société civile auront essayé, en vain, de battre le pavé, se heurtant à la radicalité administrative et à la furie policière d'un système qui s'égare dans ses choix.

Dans la foulée, Guy Marius Sagna et quelques autres de ses compères auront été embarqués par la police, pour répondre, sans doute devant le procureur, de chefs d'accusation qu'il reste à déterminer. L'activiste trublion, habitué des geôles dakaroises, goûte donc une nouvelle fois, et depuis hier, aux privations que lui impose sa conscience et aux impératifs que lui dicte l'idée qu'il se fait de la liberté. Bouffon pour certains, trublion irréductible pour d'autres, GMS incarne ce que notre société aime et qui est l'antithèse de ce qu'elle est, elle-même devenue, au long du temps : la résilience face à l'omnipotence d'un pouvoir qui fait un peu trop souvent le choix de l'absurde.

Car, dans le cas d'espèce de cette marche deux fois interdite, l'absurdité règne en maitresse outrancière : le trouble à l'ordre public est préjugé sur une action qui n'a pas encore eu lieu ; l'entrave à la libre circulation des personnes l'est tout autant et les risques supposés de contaminations s'imposent ici comme une vue de l'esprit qui dessert un argumentaire administratif qui eût pu être pensé avec un peu plus de subtilité.

Les phobies du pouvoir ont contaminé la raison préfectorale et étouffé l'intelligence publique. Il eût été plus simple de laisser courir la manifestation et de la canaliser avec tout ce que les professionnels de la sécurité recèlent de tactiques et de doigté. Il eût été plus utile à l'apaisement public, même si cela peut paraitre paradoxal, de laisser marcher ces hommes et ces femmes pour dénoncer une cherté de vie, au demeurant préjudiciable au pouvoir lui-même. Il eût été plus pensé de s'allier à ces protestations par l'autorisation, pour dénoncer les excès de certains complexes agroalimentaires, de certains lobbies immobiliers et de quelques citoyens avides de profit et entreprendre concomitamment des actions hardies de neutralisation de l'ignoble bête du profit sans scrupule.

En lieu et place de cela, l'on a préféré réprimer dans le style le plus caduc et le plus comique des républiques qui ne savent plus rien inventer. L'on a préféré embastiller et faire aux activistes et aux agitateurs, pas toujours bien inspirés, une publicité inutile.

Alors, oui, le collectif Noo Lank a décidé de remettre ça ; de réintroduire une nouvelle demande pour le vendredi 17 septembre, et signal déjà que "toutes les dispositions seront prises pour le respect des mesures barrières dans le cadre de la lutte contre la Covid-19".

Mais déjà, une conférence de presse est organisée ce jour au siège du Frapp, pour annoncer le plan d'action d'une convergence de luttes citoyennes contre la cherté de la vie.

Ces perspectives ne seront pas de tout repos pour le pouvoir de Macky Salle dont la marge de manœuvre pour contenir ces nouvelles menaces d'instabilité est d'autant plus réduite que la situation est ressentie par le plus grand nombre.

Seules voix de sortie, la libération sans contrepartie de tous les activistes arrêtés dimanche à Guédiawaye, la pédagogie de l'explication du contexte à l'endroit des couches populaires, la désignation et la dénonciation des acteurs de la surenchère, à quelque niveau que ce soit, et de véritables actions d'endiguement régalien qui démontrent la bonne foi du pouvoir et sa détermination à mettre un terme à une inflation fabriquée de toutes pièces et qui discrédite la puissance publique. Les temps qui s'annoncent sont, autrement, bien incertains !

 

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