Publié le 17 Apr 2021 - 03:19
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

 Les atouts d’un vaccin local

 

Le Sénégal a manifestement fait l’option d’un engagement plus significatif dans la croisade planétaire contre la Covid-19. En Afrique subsaharienne, il fait figure de pionnier dans son implication dans la production d’un vaccin aux couleurs africaines contre la pandémie.

 

Lundi, le ministre de la Santé a annoncé que le Sénégal allait soutenir l’Institut Pasteur de Dakar, dans son projet de production de vaccins contre la Covid-19, d’ici au début de 2022. Il s’agit, à l’évidence, de pallier une pénurie mondiale de vaccins contre le coronavirus. L’engagement de Dakar à cet égard est loin d’être fantaisiste : les stocks nationaux de la Direction de la prévention et de la pharmacie d’approvisionnement seront épuisés une fois les cibles prioritaires, les personnes âgées de plus de 60 ans, celles atteintes de comorbidités et tout le personnel de santé auront été vaccinées. Ce qui représente 20 % de la population. Sans compter que, désormais, la vaccination a été élargie à toute personne désireuse de se faire vacciner, dans la limite de ce qui reste disponible.

Le Sénégal n’est pas loin de la rupture de stocks, même s’il attend un million de doses, courant mai, d’un AstraZeneca suspecté de provoquer des coagulations sanguines chez bon nombre de personnes, sans que d’ailleurs les autorités sanitaires du pays n’aient jamais fait le point de la situation sur ces suspicions. Et le président Macky Sall a annoncé que 3,9 millions de vaccins Johnson & Johnson, objet des interrogations de même nature que l’AstraZeneca, ont été commandés dans l’espoir de les recevoir avant la fin du mois d’avril.

En dehors de la potentielle dangerosité de ces vaccins, en leur état actuel, ils ne suffiront pas à assurer la couverture vaccinale nécessaire pour endiguer le mal. Et la probabilité est forte d’une pénurie d’ici la fin de l’année et même avant.

L’annonce du ministre Diouf Sarr vient donc à point nommé, en termes d’anticipation et de précaution. Dans le détail, l’Etat du Sénégal va soutenir, avec la France, Team Europe et la Banque européenne d’investissement (BEI) et d’autres partenaires dont l’entreprise wallonne de biotechnologie Univercells et l’Institut de recherches en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), ce projet de production d’un vaccin bien local.

Au-delà du paramètre essentiel d’obvier aux effets pervers d’un éventuel manque, la signature, mardi, des conventions d’intention avec ces différentes entités européennes, constitue la reconnaissance du leadership sénégalais en termes de référencement sous-régional au plan médical et de la santé publique.  Car les vaccins qui seront produits au Sénégal et qui intègrent d’autres pathologies en dehors du coronavirus, auront vocation à couvrir l’essentiel des besoins régionaux. Ce n’est pas rien. Cette nouvelle donne est révélatrice d’un besoin d’indépendance sanitaire, non seulement pour contrer les menaces nouvelles qu’induit la Covid-19, mais aussi celles à venir, dans le vertigineux maelström des mutations virales et génétiques qui affolent, plus aujourd’hui qu’hier notre humanité.

Le ministre-président de la Wallonie, Elio Di Rupo, a très justement signifié qu’il se réjouit ‘’de ces synergies, uniques en Afrique de l’Ouest, qui mettent en avant à la fois le savoir-faire wallon et sénégalais. Celles-ci permettront au Sénégal de développer ses propres vaccins et ainsi viser l’autonomie en privilégiant la production locale de vaccins’’. 

Reconnaissance donc d’un certain savoir-faire sénégalais en matière de bio-production, largement épaulé, il est vrai, par l’Institut Pasteur, producteur pré-qualifié depuis 1966 par l’Organisation mondiale de la santé ; mais surtout reconnaissance de la clairvoyance anticipatrice, en dépit de quelques incohérences passées,  des pouvoirs publics sénégalais, dans la gestion de la pandémie, depuis l’année dernière.  

Mais bien sûr, il va falloir humilité garder, car, dans cette nouvelle aventure de créativité salvatrice au plan continental, la multiplication des partenariats et des échanges avec les autres pairs africains est indispensable pour la réussite prompte et l’efficacité du projet.

Humilité dans un ‘’esprit de partenariat respectueux’’, comme l’a justement entendu le ministre de la Santé et comme l’impose, au demeurant, la nature de la pandémie, par la subtilité pernicieuse de ses intempestifs variants et par son incroyable résistance. 

 

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