Publié le 10 Apr 2021 - 04:57
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

Un virus pas tout à fait mort

 

La Covid-19 est-elle désormais derrière nous ? A en croire le peu d’intérêt que porte désormais la presse nationale à la question et le tassement des préoccupations de l’opinion sur la pandémie, l’on pourrait supposer que le temps est à un certain retour à la normalité. D’ailleurs, le taux de positivité, depuis plusieurs semaines, tourne autour de 5 %, ce qui constitue une baisse de près de 50 % par rapport aux chiffres de novembre et décembre 2020.

A quoi doit-on ces premiers signaux de re-normalisation ? Sans doute d’abord à un contexte régional qui affecte, dans le bon sens, la contagiosité et la morbidité d’un virus pourtant réputé tueur et de ses nombreux variants formatés pour déjouer les ingéniosités scientifiques et médicales érigées en contre-offensive. Ensuite, force est de le reconnaitre, à la promptitude et à la pertinence des protocoles sanitaires établis et mis en œuvre par le gouvernement sénégalais pour contenir le virus, en même temps que les mesures publiques qui les ont accompagnés. Les vaccins arrivés en février, en dehors de la dangerosité potentielle de l’AstraZeneca, qui constitue l’essentiel des vaccins administrés aux populations ont, à leur tour, contribué et contribuent encore au ralentissement des contaminations. Ainsi, 160 000 personnes, ou un peu plus, ont été déjà vaccinées depuis février, et cela n’est pas tout à fait insignifiant, même si l’on considère que nous sommes encore très loin du compte qui permettrait d’impacter significativement l’éradication du coronavirus.

Mais ce contexte optimisant n’est pas sans son revers d’inquiétude : le relâchement dans l’observance des gestes barrières, l’inconscience des populations qui ont, avant l’heure, dans un accès périlleux de nihilisme quant à la réalité de la pandémie, renoué avec les habitudes de rassemblements de masse et de festivités, avec la promiscuité qu’elles induisent inévitablement, ne permettent pas d’écarter totalement le spectre de résurgence des contaminations. Soixante-treize nouvelles contaminations ont été observées ces dernières 24 heures dont 44 sont communautaires.

Trois décès, dans la foulée, et ce chiffre de mortalité est, depuis quelques jours, quotidien. Insuffisant pour inquiéter ? Peut-être, mais suffisant pour indiquer que le virus est toujours là et que sa létalité n’a pas été affaiblie. De ce fait, 1 073 personnes sont décédées dans nos unités hospitalières, depuis le début de la pandémie, et 193 malades y luttent encore contre la mort. On l’a dit, les vaccinations, quoique en régularité progressive, se font encore trop lentement pour infléchir et contaminations et taux de décès.

La réalité est là, d’une possible troisième vague que la politique de l’autruche que pratiquent les pouvoirs publics, du fait des contingences économiques et politiques qui les ankylosent, ne permet pas d’envisager. Les colères de février ont priorisé les détresses sociales et libéré les canaux économiques susceptibles de les soulager. Elles ont aussi déplacé le curseur des urgences vers le champ politique avec les  ajustements qu’il impose et la révision des stratégies à laquelle l’affaire Sonko a contraint un pouvoir littéralement tétanisé par l’ampleur d’une influence qu’il croyait du domaine de la fable.

Alors, oui, on pourrait comprendre que l’Etat a fait le choix du sauve-qui-peut pour régler la question du virus, laissant les individus et les populations face à leurs responsabilités et à leur conscience. Cette conscience rechigne pourtant à faire le choix de la prudence du salut collectif : elle s’enferme dans la facilité des inclinations commodes qui n’exigent aucune contrainte et exposent la communauté nationale à un péril certain qu’elle croit lointain…  

Mais trêve de pessimisme ! Les chiffres sont là, qui portent à l’espérance : la contamination est baissière et les morts de moins en moins nombreux… Le cauchemar de mars 2020 semble bien lointain et le pays se vante d’avoir dominé la mort. On danserait presque ! D’ailleurs, beaucoup le font déjà, dans les clubs et les fêtes privées, dès le vendredi soir, sans masque, ni distance. Dans un pays où la mort n’impose pas ses lois, il est bon de se dévoyer !

 Pourvu que de ce dévoiement ne resurgisse pas le spectre terrifiant d’une nouvelle vague qui faucherait à grande échelle et imposerait, à tous, une discipline indésirée. Née des abdications des gouvernants et de l’inconscience des gouvernés.

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