Publié le 29 Jun 2014 - 21:18
CITÉ CÉLIBATAIRE DE SICAP BAOBAB

Le sanctuaire des couples 

 

Prévue pour les militaires français non mariés, la cité célibataire nichée au cœur de la Sicap Baobab est aujourd’hui occupée en grande partie par des mariés. Malgré la promiscuité, différentes communautés y vivent en parfaite harmonie et soutiennent ne rien envier aux autres quartiers.

 

Le soleil darde ses rayons sans relâche et irradie les pavés de la Sicap Baobab.  Face à la forte canicule, les rares personnes rencontrées dans les allées sont confortablement installées à l'ombre des bâtiments. Derrière ces immeubles qui longent l’avenue Bourguiba, au cœur de Baobab, se cache un quartier dénommé ''cité Célibataire''.

Construite à l’époque coloniale, plus précisément en 1954 pour les militaires français célibataires, elle n'a jamais accueilli ses destinataires. Les premiers locataires ont été des Cap-Verdiens et des Béninois qui vivaient à Fann-Hock, lui donnant ainsi le nom de ''cité collective''. Au fil du temps, ces communautés étrangères ont déménagé, laissant la place à des familles sénégalaises.

Le loyer varie entre 2 500 à 5 000 francs CFA, par mois

Contrairement à ce que renvoie son nom, on retrouve peu de célibataires dans la cité. ''Ils ne font même pas dix'', renseigne Valentin Tendeng, responsable dans la localité. Aujourd’hui, on compte 202 logements dans toute la cité. La vie y est animée, loin de la quiétude des quartiers environnants. Une file d’étals de légumes accueille le visiteur, à l’entrée. Des femmes assises, visages rembrunis, attendent désespérément les derniers clients. Les ruelles sont exiguës. Le dessin du drapeau du Cap-Vert, bien visible sur un mur, témoigne du passage de la communauté cap-verdienne.

Avant, pour bénéficier de ces logements, il fallait adresser une demande à la SICAP. La location est évaluée à environ 2 500 à 5 000 francs CFA, par mois, en fonction de l’ancienneté. Chaque propriétaire dispose d’une chambre et d’un salon. Les toilettes publiques sont placées de façon disparate entre les différents compartiments et chaque locataire dispose de sa clé. Toutefois, la plupart des habitations, du fait des modifications, disposent désormais de deux chambres plus un salon. Et certains vont même jusqu’à intégrer, dans le plan, une toilette et une cuisine à l’intérieur.

''Les gens nous minimisent…mais les 3 repas sont assurés''

Cette promiscuité ne semble pas gêner les différents locataires qui, au vu de l’étroitesse des bâtiments, viennent prendre l’air à la devanture de leurs appartements. Et pourtant, les populations de la cité Célibataire refusent l’étiquette de précarité qui leur est collée. Valentin Tendeng souligne avec fierté : ''nous vivons à l’aise, ici''. Le jeune politicien Éric Badji lui emboîte le pas.

À son avis, les populations de la cité vivent mieux que la plupart des gens des quartiers populaires de Dakar. ''Les gens nous minimisent un peu et nous marginalisent. Pourtant, les trois repas sont assurés ici, alors qu’ailleurs, les personnes ont du mal à les assurer. Il y a dans la cité beaucoup d’intellectuels et tous les différents corps de métiers sont représentés'', déclare-t-il. Abdallah Ba, un des riverains de Baobab, de confirmer que les plus grands peintres de la SICAP viennent de là-bas.

A la cité Célibataire, c’est le mode de vie joola qui domine, avec une très forte communauté. Il y a également  des Sérères, des Toucouleurs, des Manjaques... Musulmans et chrétiens s’y côtoient vivant ainsi en parfaite harmonie. ''Les mariages mixtes sont légion ici'', renseigne Valentin Tendeng, responsable dans la cité, avant de révéler que sa femme est musulmane et que durant les fêtes de Tabaski, il lui achète son mouton.

Abdoulaye Wade leur a octroyé des terrains à Keur-Massar

Par ailleurs, la cité sexagénaire regroupe plus de deux générations et compte plus de mille personnes. Mais, dans les années à venir, elle risque de disparaître, parce que les populations vont être délogées. Valentin Tendeng explique que c’est le président Abdoulaye Wade qui leur a octroyé des terrains à Keur-Massar. La SICAP leur a proposé 2 millions FCFA comme mesure d’accompagnement. Cependant, ils ne manquent pas de décrier ce montant qu’ils jugent dérisoire pour pouvoir construire des logements.

Les habitants soulignent aussi que la localité est très prisée par les hommes politiques qui, en cette période électorale, l'ont investi pour glaner d’éventuels suffrages. Éric Badji de souligner ces politiques sont parfois sources de clivage dans la localité. Les habitants, dénonce-t-il, sont souvent utilisés lors des manifestations ou des meetings. ''Nous ne figurons pas en bonne place dans les listes, de telle sorte qu’on puisse siéger dans les instances de décision'', fustige-t-il.

Seydina Bilal DIALLO

 

 

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