Publié le 14 Jun 2022 - 20:58
COUP DE MASSUE À LA CHAMBRE CRIMINELLE DE ZIGUINCHOR

René Capain Bassène et Omar Ampoy Bodian écopent de la réclusion criminelle à perpétuité

 

La condamnation, hier, par la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Ziguinchor, à la réclusion criminelle à perpétuité du journaliste René Capain Bassène, d’Omar Ampoy Bodian et du chef rebelle du Front Sud du MFDC César Atoute Badiate, jugé par contumace, sonne et résonne encore comme un procès intenté contre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance. C’est, en substance, la conviction forte de Me Clédor Ciré Ly.

 

Ouverte le 17 mars dernier, la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Ziguinchor, jugeait  l’affaire de la tragédie de Boffa Bayottes qui a fait 14 morts, sept blessés et trois rescapés, le 6 janvier 2018. Il a délibéré, hier, à la cour d’appel de la capitale méridionale du pays qui a accueilli le procès. Alors qu’à Ziguinchor l’on s’attendait à un ‘’apaisement’’ dans cette affaire qui a éclaboussé toute une région et le pays entier, quatre ans durant, la sentence est tombée, nette comme un couperet. Les pleurs et les complaintes des familles notamment du journaliste René Capain Bassène, chargé, avant son arrestation, du volet communication à l’Agence nationale pour la relance des activités sociales et économiques en Casamance (Anrac) et d’Omar Ampoy Bodian, agent de La Poste et chargé, par ailleurs, de mission au sein du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) ont attristé plus d’un.

En effet, en plus du commandant en chef du Front Sud du MFDC, César Atoute Badiate, jugé par contumace, le journaliste René Capain Bassène et Omar Ampoy Bodian ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité par la chambre criminelle qui a répondu entièrement à la demande du maitre des poursuites qui, dans son réquisitoire, avait requis cette peine. Ils ont été reconnus coupables d’association de malfaiteurs, de participation à un mouvement insurrectionnel, de complicité d’assassinat et de complicité de tentative d’assassinat.

René Capain Bassène, considéré comme le cerveau de ce massacre de Boffa Bayottes, a été déclaré coupable de sortie irrégulière de correspondance. La chambre a également confirmé le mandat d’arrêt du 15 mars 2019 décerné contre le chef de guerre du Front Sud du MFDC, César Atoute Badiate.

En outre, comme demandé par la partie civile, elle a enjoint, singulièrement à René Capain Bassène, à Omar Ampoy Bodian et César Atoute Badiate, de payer la somme de 20 millions F CFA chacun aux morts, blessés et rescapés de cette tragédie.

 A la surprise générale, ils sont onze accusés à bénéficier d’un acquittement. Parmi eux, celui qui avait été accusé d’avoir, la veille, procédé à la distribution des armes à feu qui ont servi au massacre.  Les nommés Alioune Badara Sané et Abdoulaye Diédhiou, qui avaient bénéficié d’une liberté provisoire, quelques semaines avant le procès, ont été déclarés coupables de détention d’armes de 3e et 5e catégorie sans autorisation et condamnés à six  mois de sursis, après une détention de plus de quatre ans.

Cette affaire de la tuerie de Boffa Bayottes, qui a révélé à la face du monde toutes les convoitises et tensions qui naissent, chaque année, en Casamance, de l’exploitation des ressources naturelles, est loin de connaitre son épilogue. Maitre Siré Clédor Ly qui, avec 25 autres de ses collègues avocats, a assuré la défense des accusés, a, sur la demande du condamné Omar Ampoy Bassène, en attendant celle de René Capain Bassène, informé de l’appel qu’il allait interjeter hier même.

RÉACTION DE Me CIRÉ CLÉDOR LY

‘’Les trois ont été catalogués comme étant des éléments du MFDC’’

‘’Sur quinze accusés de la tragédie de Boffa Bayottes, treize vont rentrer chez eux après une longue détention.  Ce qui est très injuste et incompréhensible dans un État de droit. Nous avons toutes les raisons de frissonner et d’avoir peur de la façon dont fonctionne notre justice. Pour ce qui est des trois, ce sont des personnes qui ont été cataloguées comme étant des éléments du MFDC : César Atoute, un chef de guerre condamné par contumace, René Bassène qui travaillait pour la paix en Casamance et qui avait la chance de pouvoir parler à tous les chefs de guerre et enfin Omar Ampoy Bodian qui, lui, était dans les structures reconnues par l’État et qui tenait des réunions avec les organes de l’État. Il était en rapport avec toutes les institutions, les ONG et les puissances occidentales et américaines, en fait tous ceux qui veulent la paix en Casamance. La conclusion que je tire, c’est une injustice criante, c’est une décision surprenante ; elle est désespérante. 

Quelque part, les juges ont su écouter, mais ils n’ont pas pu comprendre. Et c’est bien dommage pour tout le monde. Nous sommes des mandataires d’Omar Ampoy Bodian et de René Capain Bassène. Pour ce qui est d’Ampoy, il m’a demandé de faire appel, immédiatement. Pour ce qui est de René, tout le monde avait appris qu’il voulait se suicider, parce qu’il s’estimait fondamentalement innocent. Je viens de parler à son épouse.

Nous ferons tout pour qu’il renonce à son projet. Parce que lorsque le dessein de l’État est de justifier certaines pratiques, il devrait savoir et comprendre qu’il existe des voies de recours et que nous pouvons rencontrer des juges qui pourraient non seulement encore écouter, mais entendre. Je vais tout de suite au niveau de la prison pour le ramener à la raison en espérant qu’il ne mettra pas en œuvre son projet.

Nous sommes dans un État où, globalement, l’État de droit a déserté le pays depuis 2014. Nous sommes dans un État qui ne connait que la violence, qui ne recule pas et qui est prêt à la confrontation. Et cela, tout le monde le sait. C’est bien dommage et c’est bien triste. Mais c’est la réalité. Face à un État pareil, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il ait un apaisement.  Je respecte beaucoup les juges. Je ne dis pas que c’est une décision politique. Mais cette décision rencontre les aspirations ou les désirs des politiques.  Et c’est cela qui discrédite la justice. Aujourd’hui, je m’attendais à ce que René Capain et Ampoy Bodian soient blanchis. C’est pourquoi j’ai dit que les juges ont su écouter, mais ils n’avaient pas entendu.’’

PROPOS RECUEILLIS PAR HUBERT SAGNA

 

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